Les applications de rencontre sont-elles devenues un piège pour les insurgés ?
Parler, le réseau social américain de microblogage, réputé pour être un réseau social conservateur et hébergeant une base d'utilisateurs importante de partisans de Donald Trump, de conservateurs, de théoriciens du complot et d'extrémistes de droite, est accusé d'avoir joué un rôle important dans le rassemblement des émeutiers du Capitole. Pendant ce temps, les autres réseaux sociaux cherchent à couper les ponts avec les utilisateurs potentiellement impliqués dans l'attaque du Capitole qui a eu lieu il y a deux semaines en supprimant purement et simplement leurs comptes et en les signalant à la police ou au FBI.
Pour ce faire, Tinder, une application de rencontre, Bumble, une application sociale basée sur la localisation qui facilite la communication entre les utilisateurs intéressés, et d'autres applications de même type utilisent des images capturées à l'intérieur du siège du Capitole et d'autres preuves pour identifier et bannir les comptes des émeutiers. Selon un rapport du Washington Post (WP), cela a des conséquences immédiates pour ceux qui ont participé à l'émeute alors que la police s'apprête à procéder à des centaines d'arrestations.
Dans certains cas, des femmes et des hommes ont également transformé les applications de rencontre en terrains de chasse, en engageant des conversations avec les émeutiers, en recueillant des photos ou des aveux potentiellement incriminants, puis en les transmettant au FBI. Le rapport indique que l'utilisation des applications de rencontre dans le but de poursuivre les insurgés du Capitole est devenue une activité virale, avec des conseils partagés sur Twitter et certaines femmes changeant leur emplacement sur les applications de rencontres à Washington DC dans l'espoir de piéger un suspect potentiel.
À titre d'exemple, Amanda Spataro, une coordinatrice logistique de 25 ans à Tampa, une ville située sur la baie de Tampa en Floride, a déclaré qu'elle avait le "devoir civique" de passer en revue les applications de rencontre pour les hommes qui ont posté des photos incriminantes d'eux-mêmes. Sur Bumble, elle a trouvé un homme avec une photo qui semblait provenir de l'insurrection. Elle est entrée en contact avec ce dernier et après avoir fait un détour dans le but d'obtenir plus d'informations de sa part, elle a dit qu'il lui avait répondu qu'il avait bien visité le Capitole et lui avait envoyé d'autres photos comme preuve.
Spataro a ensuite contacté la ligne d'information du FBI pour fournir les renseignements qu'elle a obtenus à l'agence fédérale. « La plupart des gens, vous pensez que si vous allez commettre un crime, vous n'allez pas vous en vanter », a-t-elle déclaré dans une interview. À leur niveau, Bumble et Match Group, possédant Tinder, Hinge, OkCupid, PlentyofFish et Match, ont déclaré qu'ils s'efforçaient de retirer de leurs plateformes les utilisateurs connus pour être impliqués dans l'assaut du Capitole. Toutefois, selon le rapport du WP, ces applications ne se limitent pas là.
Ils interdisent également toute personne qui a été arrêtée ou publiquement identifiée par les forces de l'ordre comme ayant pris part à l'attaque. Match Group a déclaré avoir interdit les comptes d'émeutiers sur la base de règles établies de longue date contre la promotion ou l'incitation à la violence. « Nous avons interdit, et nous continuerons à le faire, tous les utilisateurs recherchés par le FBI en relation avec le terrorisme domestique pour toutes nos marques, et nous coopérons toujours avec les forces de l'ordre dans leurs enquêtes », a déclaré Vidhya Murugesan, porte-parole de Match Group.
Murugesan a refusé de dire combien d'entre eux avaient été punis de cette manière. Ce nombre pourrait être important, car le rapport estime que, au cours des deux dernières semaines, de nombreuses femmes à Washington ont déclaré avoir remarqué une augmentation du nombre d'hommes conservateurs sur les applications de rencontre, beaucoup d'entre eux portant des chapeaux "Make America Great Again" ou d'autres marques de soutien au président Trump rarement vues dans une ville majoritairement démocrate.
Au niveau fédéral, le FBI a mis en place une ligne téléphonique anonyme pour signaler les personnes qui auraient pu commettre une infraction au Capitole. Dans une déclaration faite la semaine dernière, le bureau a déclaré avoir reçu plus de 100 000 "tuyaux sur les médias numériques" provenant d'un large éventail de sources. Les enquêteurs fédéraux ont utilisé des listes de passagers de compagnies aériennes, des flux vidéo en direct, des messages sur les médias sociaux, des reportages, des données de localisation de téléphones portables et d'autres preuves pour étayer leurs accusations et trouver des suspects.
Les autorités policières ne veulent pas dire combien de tuyaux proviennent d'applications de rencontres, mais ont déclaré qu'elles examinaient toutes les preuves. Plus de 100 personnes ont été inculpées en relation avec les émeutes, et des centaines d'autres affaires sont toujours en cours d'enquête. « Même vos amis et votre famille nous donnent des tuyaux », a déclaré Steven D'Antuono, directeur adjoint du FBI, lors d'un récent point de presse. « Vous devriez donc envisager de vous rendre au lieu de vous demander quand nous allons venir frapper à votre porte. Parce que nous le ferons », a-t-il ajouté.
La chasse aux insurgés sur ces plateformes viole-t-elle la vie privée en ligne ?
Le rapport du Washington Post précise que plusieurs personnes dans la communauté ont célébré la chasse virale aux assaillants du Capitole comme une forme créative de "châtiment" numérique. Cela dit, certains défenseurs de la vie privée ont déclaré que l'épisode révèle d'une part une vérité inquiétante sur la surveillance publique omniprésente et d'autre part les liens opaques entre les entreprises privées et les forces de l'ordre. Certains s'inquiètent également du fait que des personnes soient mal identifiées par des enquêteurs amateurs et des autres risques pouvant survenir lorsque les justiciers tentent de prendre en main la lutte contre la criminalité.
« Ces personnes méritent le droit de chercher un partenaire de l'une des rares façons dont nous avons de nous socialiser pendant la pandémie, et de rechercher l'amour », a déclaré Liz O'Sullivan, directrice du Surveillance Technology Oversight Project, une association à but non lucratif basé à New York qui lutte contre la surveillance discriminatoire. « C'est un exemple de plus de la façon dont ces entreprises technologiques peuvent avoir un impact sur nos vies sans que nous ayons notre mot à dire. Et si cela arrivait aux manifestants de Black Lives Matters ? Au bout du compte, c'est tellement de pouvoir », a-t-elle ajouté.
Mais le rapport indiquent que Bumble, Match Group et plusieurs autres sites de rencontre voient la chose différemment et encouragent les utilisateurs à continuer de dénoncer les personnes qu'ils jugent suspectes. « Nous encourageons toujours notre communauté à bloquer et à dénoncer toute personne qui agit à l'encontre de nos directives, et nous avons déjà interdit les utilisateurs qui ont utilisé notre plateforme pour diffuser des contenus insurrectionnels ou qui ont tenté d'organiser et d'inciter au terrorisme », a déclaré un haut cadre de Bumble dans une déclaration.
Il a fait cette déclaration sous couvert de l'anonymat, car les responsables de l'entreprise ont reçu des menaces violentes à la suite à des changements de politique dans le passé. « Comme toujours, si quelqu'un a commis ou est en train de commettre un acte potentiellement criminel sur notre plateforme, nous prendrons les mesures appropriées avec les forces de l'ordre », a-t-il ajouté. Il a déclaré que, pour identifier les potentiels criminels, Bumble utilise un logiciel pour scanner les profils de rencontre et les biographies des utilisateurs afin de détecter "les contenus textuels qui font la promotion de l'insurrection ou d'activités connexes.
Les comptes peuvent être interdits pour avoir promu le racisme, encouragé la violence ou répandu des mensonges sur la défaite électorale de Trump. Selon le rapport, les questions en matière d'application de la loi, de vie privée et de sécurité de l'utilisateur, qui se chevauchent, sont compliquées pour les applications de rencontre. La police ou les procureurs qui cherchent des données, surtout s'ils ont des mandats de perquisition, ne laissent guère de place aux entreprises pour s'y opposer, à moins qu'elles ne cryptent déjà les données de manière à ce qu'elles ne puissent pas être facilement récupérées.
C'est le cas d'Apple et d'autres entreprises, qui l'ont déjà fait pour certains types de communications avec les utilisateurs. Selon certains experts, l'utilisation de données accessibles au public pour purger les utilisateurs qui pourraient avoir été impliqués dans un crime, en particulier un crime aussi visible et troublant que l'attaque du Capitole, nécessite des compromis plus difficiles. Certains diront qu'il est injuste de supprimer le compte d'une personne simplement sur la base du Capitole, par opposition à une personne connue pour être entrée dans le bâtiment ou avoir commis d'autres crimes, comme le vandalisme et le vol.
Mais les utilisateurs d'une application de rencontres peuvent raisonnablement s'attendre à ne pas être connectés avec une personne connue pour avoir participé à une insurrection illégale conçue pour perturber un processus démocratique. Dans le même temps, les technologies d'identification disponibles sont imparfaites. Les experts en matière de protection de la vie privée se demandent si une entreprise devrait prendre des mesures à l'encontre des utilisateurs simplement parce qu'on pense qu'ils étaient au Capitole le 6 janvier, avant un jugement formel ou même des arrestations par les autorités.
« Il y a un défi probable à la fois de faux positifs et de faux négatifs. Je ne suis pas sûr qu'une application de rencontre devrait essayer de faire ces déterminations », a déclaré Ashkan Soltani, membre distingué de l'Institute for Technology Law & Policy du Georgetown Law Center. Il estime que les problèmes auxquels sont confrontées les applications de rencontres sont difficiles, avec une série de solutions possibles. Par exemple, les applications pourraient alerter les utilisateurs individuels qu'une personne pour laquelle ils ont exprimé un intérêt pourrait avoir participé à l'assaut du Capitole.
En outre, elles pourraient permettre aux utilisateurs individuels de s'identifier comme participants en appuyant sur un bouton intégré, similaire à la balise "J'ai voté" que certaines entreprises de médias sociaux proposent les jours d'élection. Selon lui, le bannissement pur et simple des utilisateurs sur la base de l'analyse des images, en particulier avant l'arrestation ou le jugement, a été jugé "trop modéré" par les applications.
Source : Washington Post
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