
La législation antitrust s'est intéressée à comment les quatre entreprises technologiques sont parvenues à leur domination sur le secteur. La sous-commission a voulu savoir si elles ont utilisé leur masse pour éliminer d’autres entreprises ou si elles ont injustement exploité différents secteurs de leur entreprise pour évincer les plus petits concurrents. Un rapport cinglant détaillant les abus de pouvoir de marché par les GAFA suggère un chemin difficile à parcourir avant de nouvelles règles et une application plus stricte pour la Big Tech si le candidat démocrate à la présidence Joe Biden accède à la Maison-Blanche.
« Tels qu'ils existent aujourd'hui, Apple, Amazon, Google et Facebook possèdent chacun un pouvoir de marché significatif sur de larges pans de notre économie. Ces dernières années, chaque entreprise a étendu et exploité son pouvoir sur le marché de manière anticoncurrentielle », ont déclaré Jerrold Nadler, démocrate et président de la Commission judiciaire, et David Cicilline, démocrate et président de la sous-commission antitrust, dans une déclaration commune. « Notre enquête ne laisse aucun doute sur le fait qu'il existe un besoin clair et impérieux pour le Congrès et les autorités antitrust de prendre des mesures qui rétablissent la concurrence, améliorent l'innovation et protègent notre démocratie ».
Avec les élections qui approchent à grands pas et un nouveau Congrès qui doit prêter serment en janvier, il est peu probable que les recommandations de la sous-commission antitrust de la Chambre des représentants soient mises en œuvre cette année. Cependant, selon Reuters, les experts en matière de la concurrence et les assistants du Congrès ont déclaré que le rapport du panel établit une feuille de route pour le Parti démocrate afin de freiner la domination de Google d’Alphabet, Apple, Amazon, et Facebook.
Le représentant américain David Cicilline, président du panel antitrust de la Chambre, a déclaré à Reuters dans une interview mercredi qu'il pense qu'une administration Biden serait réceptive au rapport. « Il (Biden) a parlé de la façon dont les plateformes de Big Tech abusent de leur pouvoir », a déclaré Cicilline. « Il reconnaît que ce genre de concentration économique sape la démocratie ». Dans tous les cas, les conclusions du rapport augmentent les chances de nouvelles lois à l'avenir.
Les abus de marché par les GAFA découverts par l’enquête de la Commission parlementaire antitrust
Après avoir tenu sept audiences, examiné plus de 1,3 million de documents internes, mené plus de 240 entretiens et étudié les observations de 38 experts en matière d'ententes, la Commission a trouvé des preuves que les quatre entreprises ont agi de manière anticoncurrentielle et continuent de le faire jusqu’à présent. La sous-commission a constaté que les GAFA utilisaient des « acquisitions tueuses » pour frapper leurs rivaux, facturaient des frais exorbitants et forçaient les petites entreprises à conclure des contrats « oppressants » au nom du profit.
Le comportement d’Amazon sur le marché du détail décrié
Amazon est dominant dans les ventes en ligne, selon le comité antitrust. Entre ses ventes de première partie et son marché tiers, Amazon contrôle environ 50 % du marché américain du commerce électronique et un pourcentage beaucoup plus élevé dans certains secteurs, comme les livres électroniques. Et la société utilise ce pouvoir monopolistique de contrôle de manière déloyale, a conclu la commission.
Le rapport mentionne également le fait qu’Amazon soit aussi un détaillant sur sa plateforme dans de nombreuses catégories de marchandises. Il est en concurrence directe avec les vendeurs pour lesquels il fournit des infrastructures et qui dépendent de la plateforme en ligne pour leur subsistance. Selon le rapport, il récupère les données des ventes de tiers pour informer ses propres lancements de produits. Amazon exploite également une entreprise de logistique qu'elle force les vendeurs à utiliser en permettant à son algorithme opaque de "boîte d'achat" de pénaliser les vendeurs qui ne le font pas.
Le comité a aussi relevé un comportement anticoncurrentiel d’Amazone lors de plusieurs de ses dizaines d'acquisitions au cours de la dernière décennie. Ces achats ont, non seulement, réduit le choix des consommateurs et ont considérablement élargi la réserve de données d'Amazon sur les consommateurs, mais dans au moins un cas, Amazon a utilisé des prix d'éviction pour sous-coter et finalement acquérir une entreprise rivale de manière anticoncurrentielle, d’après le panel de la Commission.
Des pratiques commerciales anticoncurrentielles d’Apple sur l’App Store visées par le panel
Entre autres, le comité a constaté qu’Apple contrôle environ 45 % du marché américain des smartphones et 20 % du marché mondial des smartphones. S’il est exact que, sur le marché des smartphones, Apple n'est pas un monopole, - et qu’au contraire, iOS et Android détiennent un duopole effectif dans les systèmes d'exploitation mobiles -, le rapport conclut qu'Apple a une emprise monopolistique sur ce que l'on peut faire avec un iPhone.
Vous ne pouvez mettre des applications sur votre téléphone que via l'App Store, et Apple a un contrôle total sur ce magasin en ligne - c'est pour cela qu'Epic Games et plusieurs autres entreprises se plaignent des pratiques de la société. Ce contrôle monopolistique permet à Apple de « générer des profits supranormaux » à partir de l'App Store, selon le rapport, et ces profits sont devenus un pourcentage considérablement plus élevé des revenus d'Apple au fil du temps, générant maintenant des milliards de plus que ce que la société dépense annuellement pour gérer l'App Store.
Le rapport mentionne également le système de paiement in-app qu’Apple lie à l'App Store de manière anticoncurrentielle. Citant des communications internes d'Apple ainsi que des témoignages des fondateurs de ProtonMail et Hey, entre autres, le rapport constate qu'« Apple a utilisé son pouvoir sur l'App Store pour exiger des développeurs qu'ils mettent en place l’option d’achat in-app, sous peine d'être expulsés de l'App Store ».
L'utilisation des données et les acquisitions par Facebook scrutées
Selon le rapport, Facebook a carrément « un pouvoir de monopole sur le marché des réseaux sociaux », et ce pouvoir est « fermement ancré et peu susceptible d'être érodé par la pression concurrentielle » de quiconque en raison « des barrières à l'entrée élevées - y compris les effets de réseau importants, les coûts de changement de fournisseur élevés, et l'avantage significatif de Facebook en matière de données - qui découragent la concurrence directe d'autres entreprises pour offrir de nouveaux produits et services ».
Facebook prétend qu'il est en concurrence avec d'autres plateformes telles que Twitter, TikTok, Snapchat et Pinterest. Mais il ne concurrence pas les autres grandes plateformes, comme Instagram, parce qu'il les a rachetées avant qu'elles ne puissent devenir une véritable concurrence. Les quatre principales applications de la société, Facebook, Instagram, Messenger et WhatsApp, regroupent quatre des sept applications mobiles les plus populaires aux États-Unis.
Comme preuve de comportements antitrust, le rapport a cité les communications internes du PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, et d'autres dirigeants de l'entreprise. « Les acquisitions en série de Facebook reflètent l'intérêt de l'entreprise pour l'achat de sociétés qui avaient le potentiel de devenir des rivales avant qu'elles ne deviennent de véritables menaces concurrentielles », conclut-il. Facebook a utilisé certaines de ces acquisitions, comme le service VPN Onavo, pour recueillir des données non publiques sur les applications d'autres entreprises, puis utiliser ces données pour étayer sa propre stratégie d'acquisition, selon le comité.
De mauvaises pratiques de Google avec Search mis en avant
Si la position de Google en tant que moteur de recherche dominant est établie, le rapport a constaté qu’au cours des 20 dernières années, l'entreprise a modifié son comportement « pour classer les résultats de recherche en fonction de ce qui est le mieux pour Google, plutôt que de ce qui est le mieux pour les utilisateurs », « que ce soit en préférant ses propres sites verticaux ou en allouant plus d'espace aux annonces ».
Un annonceur a déclaré au comité que Google « force effectivement ses clients publicitaires à payer pour la capacité à atteindre les consommateurs qui recherchent spécifiquement la marque du client », ajoutant que puisqu'il n'y a presque pas de réelle concurrence dans la recherche, « Google a la capacité de facturer des prix potentiellement gonflés pour ses services publicitaires en forçant les clients à augmenter leurs offres afin de recevoir une position plus favorable ».
Le comité a également constaté que Google a étendu sa portée sur Android de manière anticoncurrentielle en regroupant et en donnant la préférence à de nombreuses autres fonctionnalités de Google, notamment Google Search. La stratégie de l'entreprise consistant à accorder des licences gratuites pour Android, mais « en conditionnant l'accès aux applications incontournables de Google à un traitement favorable pour Google Search » a permis à l'entreprise de bloquer avec succès ses concurrents. Les régulateurs européens ont infligé à Google une amende de 5 milliards de dollars pour un comportement similaire en 2018.
La réaction des GAFA suite au rapport
Selon Reuters, Google a déclaré dans un communiqué qu'il est en concurrence « équitable dans un secteur en évolution rapide et hautement compétitif. Nous ne sommes pas d'accord avec les rapports d'aujourd'hui, qui présentent des allégations dépassées et inexactes de la part de rivaux commerciaux concernant Search et d'autres services ». Apple a déclaré que « L'examen est raisonnable et approprié, mais nous sommes en désaccord total avec les conclusions ». La société a également défendu ses taux de commission et a déclaré qu'elle publierait une réponse plus détaillée dans les prochains jours.
Facebook dit aussi qu’il est en situation de concurrence : « Nous sommes en concurrence avec une grande variété de services et des millions, voire des milliards, de personnes les utilisent. Les acquisitions font partie de tous les secteurs d'activité, et ne sont qu'un moyen parmi d'autres d'innover en matière de nouvelles technologies pour offrir plus de valeur aux gens »....
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