Pour être compétitif sur un marché déjà occupé par des acteurs bien implantés, Google a commencé à introduire en 2008 sur les marchés européens un changement fondamental dans sa stratégie visant à promouvoir son service de comparaison de prix, selon une enquête de la Commission. Rappelons que les services de comparaison de prix dépendent en grande partie du trafic généré : plus de trafic engendre plus de clics et donc plus de recettes. En outre, plus de trafic attire aussi plus de détaillants qui souhaitent inscrire leurs produits sur un service de comparaison de prix. Aussi, compte tenu de la domination exercée par Google sur le marché de la recherche générale en ligne (part de marché estimée à plus de 90 % dans l’espace économique européen), son moteur de recherche est une source importante de trafic pour les services de comparaison de prix. Selon les convictions de plusieurs entreprises, qui ont été prouvées par la Commission, Google a usé de sa position dominante de la recherche en ligne pour s’adonner à des actes répréhensibles comme :
- accorder une position de premier plan à son propre service de comparaison de prix ;
- rétrograder les services de comparaison de prix concurrents dans ses résultats de recherche.
Google tente d'apaiser la situation après des amendes
En juin 2017, après des années de procédures et de multiples tentatives d'entente avec Google, la Commission européenne a décidé de lui infliger une amende record de 2,42 milliards d'euros pour abus de position dominante sur le marché des moteurs de recherche en favorisant son propre service de comparaison de prix.
Margrethe Vestager, la commissaire chargée de la politique de concurrence, a déclaré :
« Google est à l'origine d'un grand nombre de produits et de services innovants qui ont changé notre vie, ce qui est positif. Mais sa stratégie relative à son service de comparaison de prix ne s'est pas limitée à attirer des clients en rendant son produit meilleur que celui de ses concurrents. En effet, Google a abusé de sa position dominante sur le marché des moteurs de recherche en favorisant son propre service de comparaison de prix dans ses résultats de recherche et en rétrogradant ceux de ses concurrents.
« Ce que Google a fait est illégal au regard des règles de concurrence de l'UE. Elle a empêché les autres sociétés de livrer concurrence sur la base de leurs mérites et d'innover. Et surtout, elle a empêché les consommateurs européens de bénéficier d'un réel choix de services et de tirer pleinement profit de l'innovation. »
Les principaux griefs portent sur la place privilégiée que Google accorde à Google Shopping sur les pages de résultats de recherche, rétrogradant du coup les services concurrents de comparaison de prix de produits.
En prononçant sa décision, la Commission avait donné un délai de 90 jours à Google pour lui faire des propositions visant à mettre fin aux pratiques dénoncées et les mettre en œuvre. Google a fait appel de l'amende de la Commission européenne, mais a accepté de mettre au point un système qui, selon lui, rend les achats plus équitables. Et comme solution, Google a proposé et mis en place, après approbation de la Commission, un système d'enchères aux comparateurs de prix concurrents. Concrètement, il s'agissait pour Google de ne plus afficher uniquement les annonces Google Shopping en haut des résultats de recherche. La firme a décidé de donner la possibilité aux comparateurs de prix concurrents d'avoir des annonces à cet endroit privilégié, mais les places étant limitées, il était question de les vendre aux plus offrants.
Google a également décidé de traiter son service Shopping au même titre que les concurrents. Pour cela, Google a accepté de séparer son service de comparaison de prix de la société principale et de s’assurer qu’il fonctionne de manière indépendante. Cela veut dire que Google Shopping devait participer à la vente aux enchères de la même manière et dans les mêmes conditions que tous les autres. Et les emplacements publicitaires qui seraient vendus aux enchères à Google Shopping ne seraient pas subventionnés par les revenus de l'activité principale de publicité de Google.
En novembre 2018, un an après la mise en place de ce système, dans une lettre ouverte adressée à la commissaire à la concurrence de l'UE, 14 services de comparaison de prix européens ont déclaré que les mesures mises en place par l'entreprise pour améliorer les choses ne faisaient, au contraire, que les aggraver. Et ils ont exhorté la commission à exiger de Google une nouvelle solution. Les rivaux ont estimé que le processus de vente aux enchères n'est « ni conforme ni efficace ».
En mars 2019, pour éviter de nouvelles amendes, Google a cherché à promouvoir ses rivaux afin de se conformer à la loi antitrust de l'UE. Plus précisément, Google a introduit un nouveau lien dans ses résultats de recherche, qui vise à générer davantage de trafic vers ses concurrents. Ce nouveau lien était initialement disponible en Allemagne, en France et aux Pays-Bas. Quelques entreprises concurrentes ont été sélectionnées pour le tester parmi lesquelles l'entreprise Kelkoo qui l'a d'ailleurs confirmé sur son blog.
Trois ans après
Pourtant, trois ans après que les autorités antitrust de l'UE lui ont ordonné de cesser de favoriser son propre service de comparaison de prix, Google semble avoir renforcé sa position de marché, selon une étude publiée ce lundi par 25 de ses concurrents.
La dernière étude du cabinet de conseil Lademann & Associates a porté sur le service de comparaison de prix SPRGn.DE d'Axel Springer Idealo, la société britannique Kelkoo, le français LeGuide et d'autres dans 21 pays européens.
« Elle (la proposition de Google) a encore renforcé la position de Google sur les marchés nationaux des services de comparaison de prix et a consolidé sa position dominante dans la recherche générale », a déclaré Thomas Hoppner, auteur de l'étude et conseiller de plusieurs concurrents de Google. « Ce n’est pas parce que la Commission a imposé la mauvaise solution, c’est parce que le mécanisme de conformité choisi par Google ne respecte pas le recours imposé », a-t-il déclaré.
Hoppner a appelé la Commission soit à forcer Google à proposer une solution plus efficace, soit à sanctionner l'entreprise pour violation de ses directives. La Commission a déclaré qu'elle surveillait le marché pour évaluer l'efficacité de la proposition de Google.
Google a déclaré que les chiffres de l’étude ignoraient les faits et le raisonnement de la Commission dans sa décision : « La solution fonctionne avec succès depuis trois ans, générant des milliards de clics pour plus de 600 services de comparaison de prix, et est soumis à une surveillance intensive », a déclaré une porte-parole de l’entreprise.
Source : Reuters
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