Faut-il opérer le retrait de termes comme blacklist, whitelist, master, slave ou encore kill (longtemps utilisés au sein de bases de code et de documentations) au motif de ce qu’ils véhiculent des stéréotypes raciaux ? C’est l’un des débats qui divisent le plus la communauté des développeurs informatique à date. Avec les développements en lien avec la mort de Georges Floyd, il a pris plus d’ampleur. Désormais, le passage à des termes considérés comme plus inclusifs se généralise pour lutter contre le racisme dans le monde de l’informatique.
C’est la raison pour laquelle GitHub va désormais faire usage du terme « main » en lieu et place de « master » pour désigner la branche par défaut des projets. L’explication des responsables de la plateforme en lien avec ce changement tranche avec l’habituel en s’appuyant sur une terminologie elle-même politiquement correcte : « Main est le remplacement de master le plus populaire que l'on rencontre sur GitHub. Nous l'aimons parce qu'il est court, qu'il garde la mémoire musculaire intacte et qu'il se traduit bien dans la plupart des langues. »
Par défaut, GitHub utilise le terme « master » pour désigner la version primaire d'un dépôt de code source. Les développeurs font des copies de cette dernière sur leurs ordinateurs et y ajoutent leur propre code, puis fusionnent les modifications dans le dépôt master. « Dès le premier octobre 2020, tous les nouveaux dépôts que vous créerez utiliseront main plutôt que master pour désigner la branche par défaut », annonce GitHub. La mesure cible également les dépôts existants qui s’appuient sur le terme master pour désigner la branche principale. Toutefois, son application pour ces derniers pose certains problèmes que les responsables de la plateforme entendent contourner d’ici la fin d’année. En fait, cette annonce s’inscrit dans la suite d’une autre que le PDG de la plateforme a passée au mois de juin de l’année en cours.
L’année 2020 pourrait bien entrer dans l’histoire comme celle où il y a eu une prise de conscience mondiale sur les relations raciales. Dans l’univers de l’informatique, cette « vision globale des relations interraciales » se traduit par des appels au passage à des termes considérés comme plus inclusifs dans le but de lutter contre le racisme.
Par exemple, Linus Torvalds a procédé au cours du mois de juillet à l’intégration d’un guide terminologique à l’arborescence du projet Linux. Le document dénommé "Linux kernel inclusive technology" liste des termes comme master, slave, blacklist et whitelist comme étant à éviter dans le futur par la chaîne des contributeurs au noyau. Les modifications du code existant sont également dans le viseur, mais des exceptions sont prévues pour ce qui est de la maintenance d'une API d'espace utilisateur ou lors de la mise à jour d'un code pour une spécification qui rend ces termes obligatoires.
Cette inclusion fait suite à la proposition formulée par l'ingénieur principal d'Intel – Dan Williams. Elle bénéficiait déjà du soutien d’autres mainteneurs Linux dont Chris Mason et Greg Kroah-Hartman.
« La traite des esclaves africains était un système brutal de misère humaine déployé à l'échelle mondiale. Les décisions relatives au choix des mots dans un projet de logiciel moderne ne sauraient effacer ce malheureux héritage, mais peuvent aller dans le sens de maximiser la disponibilité et l'efficacité de la communauté mondiale des développeurs pour participer au processus de développement du noyau Linux », avait déclaré Dan Williams lors de la sortie de la proposition.
On dénombre 19 500 mentions du terme slave au sein de l’arborescence du noyau avec une prédominance de ces dernières au sein des sections de code dédiées à la gestion du réseau. La chaîne de caractères master pour sa part est mentionnée 26900 fois. Le décompte pour ce qui est de blacklist est de 888. Le noyau Linux quant à lui mobilise 69 300 fichiers texte, 3,54 millions de lignes de commentaires et 20,1 millions de lignes de code.
Cette annonce de l’introduction de ce guide terminologique au sein de l’arborescence du noyau s’inscrit dans une tendance générale à l'assainissement du langage technique dans l'ensemble de la communauté technologique. Après que les manifestations de Black Lives Matter ont éclaté aux États-Unis et dans certaines régions d'Europe, plusieurs entreprises ont annoncé leur intention de cesser d'utiliser des termes racistes et esclavagistes dans leur documentation technique. Des entreprises comme Twitter, GitHub, Microsoft, LinkedIn, Google, Ansible et d'autres se sont engagées à modifier le langage technique de leurs produits et de leur infrastructure afin de supprimer des termes comme master, slave, blacklist, whitelist et autres.
Grosso modo, on parle de modifications à controverse. En effet, deux courants au moins s’affrontent dans ces développements. Un pan des développeurs est d’avis que l’on devrait considérer des associations comme black (noir) = bad (mauvais) et white (blanc) = good (bon) comme justificatif pour formuler des propositions de terminologie inclusive. Un autre lui rétorque qu’il faudrait plutôt considérer l’origine de l’utilisation des termes en question et que dans ce cas les termes dans le viseur n’ont rien à voir avec des questions de racisme.
Jusqu’ici, on note comme un passage en force des idées des développeurs qui estiment qu’il faut considérer des associations comme black (noir) = bad (mauvais) et white (blanc) = good (bon) comme justificatif pour formuler des propositions de terminologie inclusive. Pour bon nombre de développeurs de l’autre bord, il y a comme une pensée totalitaire qui est en train de s’étendre dans le monde de l’informatique.
Source : GitHub
Et vous ?
L’année 2020 est-elle celle de la prise de conscience mondiale sur les relations raciales ?
Les développements en cours suggèrent-ils de parler de totalitarisme dans l’industrie de l’informatique ?
Laquelle des directions vous semble la plus pertinente dans ce débat ? Celle des associations black (noir) = bad (mauvais) et white (blanc) = good (bon) ou celle de l’origine des termes utilisés ?
Voir aussi :
Python va supprimer les termes "master/slave" de sa documentation et sa base de code pour des raisons de diversité et leur connotation à l'esclavage
L'équipe du langage Go retire les termes "whitelist", "blacklist", "master" et "slave" de sa documentation et de sa base de code parce qu'ils véhiculent des stéréotypes raciaux
Amazon annonce que la police ne pourra pas utiliser sa technologie de reconnaissance faciale pendant un an, suite aux manifestations liées à la mort de George Floyd
Après Apple, Google supprime à son tour l'application Gab de son Play Store, pour avoir violé sa politique relative aux discours haineux
GitHub va désormais faire usage du terme « main » en lieu et place de « master » pour désigner la branche par défaut des projets
Et ainsi lutter contre les stéréotypes raciaux sur la plateforme
GitHub va désormais faire usage du terme « main » en lieu et place de « master » pour désigner la branche par défaut des projets
Et ainsi lutter contre les stéréotypes raciaux sur la plateforme
Le , par Patrick Ruiz
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