Amazon France a décidé de fermer ses entrepôts en avril dernier. C’était en raison d’une action syndicale qui a amené le tribunal judiciaire de Nanterre à prendre cette décision. Motif : l’entreprise a failli à implémenter les mesures nécessaires à la protection des employés contre le coronavirus. Depuis lors, le géant du commerce en ligne prend des dispositions drastiques contre cette capacité de ses employés à se regrouper pour syndiquer. Il met en place des moyens technologiques dans l’optique de l’atteinte de cet objectif. Il les présente néanmoins comme des moyens de « maintenir leur productivité. »
Des moyens technologiques pour le maintien de la productivité des employés
Dans une publication parue l’an dernier, un ancien employé de l’entreprise souligne que celle-ci traite ses travailleurs comme des robots : « La technologie a permis aux employeurs d'imposer un rythme de travail qui ne laisse aucune place à l'inefficacité en supprimant chaque once de temps d'arrêt des journées de travail. Le scanner que j'utilisais pour faire mon travail avait aussi pour rôle d’effectuer le suivi de mes activités. Chaque chose que je faisais était surveillée et chronométrée. »
« Lorsque je terminais une tâche, non seulement le scanner m'en assignait une nouvelle à l'immédiat, mais il entamait automatiquement un décompte du temps restant pour l'accomplir. J'avais l'impression que la société voulait que nous soyons des robots. Pas d'arrêt, pas de possibilité d'éloigner l'esprit de la tâche. Je subissais une pression incroyable pour réprimer les "défauts" humains qui me rendaient moins efficace qu'une machine », ajoute Emily Guendelsberger. Le système d'Amazon suit une métrique appelée temps libre, indiquant le nombre de fois où les travailleurs font une pause. En droite ligne avec cet élément, elle affirme que les travailleurs n’avaient droit qu’à 18 minutes par vagues de tâches pour aller aux toilettes ou s’approvisionner en eau.
C’est un témoignage qui prend un coup de neuf avec une plus récente publication qui dresse sans détour une liste de l’arsenal dont Amazon fait usage : logiciels de navigation, bracelets, caméras thermiques, caméras de sécurité, enregistrements. Chez le géant du commerce en ligne, on se justifie en arguant qu’il s’agit de dispositifs destinés à encadrer la productivité des employés.
« Les performances des employés sont mesurées et évaluées sur une longue période, car nous savons que divers facteurs peuvent avoir un impact sur la capacité à répondre aux attentes d'un jour ou d'une heure donnés. Nous soutenons les personnes qui ne sont pas performantes au niveau attendu grâce à un accompagnement spécifique pour les aider à s'améliorer », répond Amazon.
Ce qu’il faut bien noter à propos des entrepôts d’Amazon est qu’ils ont fait l’objet d’automatisation et certains postes ont été remplacés par des robots. La société s’appuie sur un animé par une intelligence artificielle chargée du suivi de la productivité des employés. Ce dernier est même en mesure de générer de façon automatique les documents nécessaires au licenciement en cas de non-atteinte des objectifs. Ce seul motif a mené au licenciement de plus de 300 employés travaillant dans un des entrepôts de l’entreprise à Baltimore pendant la période allant d'août 2017 à septembre 2018.
Amazon a fait savoir que malgré le fait que le système soit en mesure de produire des documents de licenciement, l'accord d'un superviseur humain est obligatoire pour la décision finale. Dans ce cas, celle-ci est transmise à l'employé concerné par le superviseur humain. Quoi que la société puisse dire pour sa défense, ses mécanismes pour une productivité exigeante sont omniprésents dans bon nombre de ses domaines d’activité. À titre d’illustration, ses chauffeurs ont déclaré être tellement sous pression qu'ils ne prennent des pauses que devant les panneaux d'arrêt et qu'ils urinent dans des bouteilles dans les camions de livraison.
L’agenda plus ou moins masqué : empêcher les employés de se regrouper en syndicats
C’est une offre d’emploi récemment mise en ligne par Amazon qui vient révéler des pans additionnels des raisons de l’adoption de tous ces moyens technologiques par l’entreprise. À la recherche d’un « analyste en renseignement » elle stipule que ce dernier a pour missions : d’espionner les efforts de syndicalisation des travailleurs et rendre compte de ses conclusions aux dirigeants de l’entreprise ; collecter des éléments pour le montage des actions en justice contre les groupes de travailleurs qui protestent contre Amazon ; etc. Des prérogatives difficiles à remplir si l’analyste ne s’appuie pas sur l’arsenal technologique évoqué.
Amazon a fini par supprimer l’offre d’emploi en question. L’entreprise affirme désormais qu’elle ne « décrivait pas de façon fidèle le poste à attribuer. » « L'offre d'emploi n'était pas une description précise du poste. C'était une erreur qui a été corrigée depuis », indique-t-elle.
Sources : Reuter, CNBC
Et vous ?
Que pensez-vous de l’utilisation de tels moyens en milieu de travail pour les raisons évoquées ?
Accepteriez-vous de travailler dans de telles conditions ?
Voir aussi :
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Voici comment Amazon s'appuie sur des moyens technologiques pour empêcher ses employés de se regrouper en syndicats
Tout en prétextant d'œuvrer pour le maintien de leur productivité
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Le , par Patrick Ruiz
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