« Premièrement, la stratégie d’Intel n’est pas clairement définie », a déclaré François Piednoel lors de sa présentation vidéo de près d'une heure. « Les dirigeants d'Intel d'aujourd'hui ne sont pas des ingénieurs, ce ne sont pas des gens qui comprennent ce qu'il faut concevoir pour le marché »
François Piednoel a déclaré que les décisions techniques d'Intel étaient en grande partie « absurdes » depuis 2016. Rappelons au passage que François Piednoel a quitté Intel en 2017 après avoir été ingénieur principal et architecte de performance pendant 20 ans, travaillant sur des processeurs allant du Pentium III au Core i7 de 6e génération. À cette époque, l'ingénieur au franc-parler assumé avait souvent fait des présentations techniques et des démonstrations devant les médias, expliquant avec passion pourquoi les décisions de conception prises par Intel étaient les bonnes décisions dès lors.
Cependant, François Piednoel a admis que ses informations sur Intel sont essentiellement « obsolètes » et dépassées depuis des années. Cela lui permet également de parler librement, car il ne bénéficie d’aucune donnée confidentielle obtenue dans le cadre d'un NDA (un accord de non-divulgation ou de confidentialité) a-t-il précisé. De ce fait, son analyse reste principalement basée sur des informations publiques en rapport avec la firme Intel.
Des erreurs ont été commises
Le jeu d'instructions vectorielles AVX512 est à la base de l'accélération du DL Boost AI qu'Intel utilise dans ses processeurs serveur Xeon, et cette technologie a également été insérée dans les puces grand public telles que le processeur pour ordinateur portable Ice Lake de dixième génération. François Piednoel, dans son allocution, a catégoriquement rejeté l'idée d'inclure l'AVX512 dans les puces grand public estimant que c’est une erreur : « Vous avez eu Skylake et Skylake X pour une raison », a déclaré François Piednoel. « L'AVX512 est conçu pour une course au rendement qui a été perdue par le GPU. Il existe deux façons d'obtenir du rendement. La première consiste à obtenir du rendement en ayant des instructions vectorielles plus larges vers votre cœur, et l'autre consiste à avoir plus de cœurs ».
Or, « l'état des logiciels sur le marché ne favorise vraiment pas l’utilisation massive d’instructions vectorielles. », a déclaré l'ancien responsable technique dans la vidéo. « En fait, vous pouvez le voir clairement dans Cinebench par exemple. Ce n'est pas l'un de mes benchmarks préférés, en particulier pour un ordinateur portable où cela n'a aucun sens, mais vous pouvez voir qu'AMD gagne la bataille du rendement. C'est parce qu'ils ont plus de cœurs et qu'ils ont la possibilité d'en avoir davantage. »
Par ailleurs, François Piednoel a déclaré que la décision de continuer l’exploitation du jeu d’instructions vectorielles AVX512 dans les puces grand public a conduit à l'augmentation de la taille des composants électroniques (chipset) entraînant par conséquent des besoins plus élevés en énergie. D’ailleurs, les processeurs Intel, pour ceux qui ne le savent pas, ont depuis longtemps réduit leur vitesse d’horloge afin de satisfaire les charges de travail de l'AVX512.
D’où la sortie véhémente du créateur de Linux, Linus Torvalds contre l’approche AVX512 d’Intel le mois dernier : « J'espère que l'AVX512 mourra d'une mort douloureuse, et qu'Intel commencera à régler les vrais problèmes au lieu d'essayer de créer des instructions magiques pour ensuite créer des standards sur lesquels ils pourront se reposer ».
Une dispersion causée par des rachats inutiles
Une autre erreur commise par Intel a été de détourner la société de son activité principale de fabrication de processeurs rapides, a déclaré François Piednoel. Au cours de la dernière moitié de la décennie, Intel a été à l’origine d’une frénésie d'achats très divers, ce qui a empêché la société de se concentrer sur son activité de fabrication et de commercialisation de CPU. Cela a permis à son rival AMD de le rattraper, et la seule chose qui empêche Intel de perdre une part plus importante de marché en ce moment est la contrainte liée aux plafonnements de volume que rencontre AMD dans la fabrication de ses processeurs.
En effet, malgré le fait qu’AMD ait atteint très récemment un niveau record de 20 % de part de marché sur le segment des ordinateurs portables, selon les chiffres de Mercury Research, « Intel est très chanceux qu'AMD ne puisse pas produire plus de volume, pour être en mesure de rivaliser », souligne François Piednoel. « S'il produisait plus de volume, la différence de prix nuirait certainement beaucoup plus à la part de marché d'Intel par rapport à ce qu'il perd actuellement ».
En outre, « Intel a de la chance qu'AMD ait des contraintes de capacité et à cause de cela, ils ne peuvent pas gagner des parts de marché assez rapidement », a-t-il déclaré. « Nous avions un peu connu la même chose quand AMD a sorti l’Athlon 64 et que nous essayions essentiellement de les rattraper en passant du Pentium 4 à Conroe »
Rappelons que par le passé, AMD avait considérablement rattrapé les performances des puces d'Intel, au point de distancer le Pentium 4 et son architecture Netburst. Pendant quelques années, les puces d'AMD ont été des processeurs incontournables, tandis que le Pentium 4 était à la traîne. Dans la foulée, AMD qui avait ajouté des jeux d'instructions portant sur 64 bits à ses puces Athlon, alors qu'Intel misait sur son architecture IA-64 (Merced/Itanium), avait conservé le leadership dans le domaine des performances des microprocesseurs. Il a fallu attendre 2006 pour voir Intel avec ses processeurs « Conroe » ou Core 2, reprendre la couronne des performances qu'il gardera jusqu'à la résurgence d'AMD avec les Ryzen en 2017. Les prochaines puces Tiger Lake d'Intel réduiront l’hémorragie, mais ne l'arrêteront pas complètement, a déclaré François Piednoel.
L'hyper-threading de Ryzen avait l'air efficace seulement en raison des mauvaises performances du single-threading
Dans sa vidéo, François Piednoel entre dans les détails techniques de l’architecture Intel Skylake, affirmant que cette dernière a été essentiellement conçue pour des performances basées sur le mono-thread et a ensuite été améliorée pour le multicœur au fil des générations. Bien qu'il félicite AMD pour avoir optimiser le rendement de ses processeurs, il souligne néanmoins que la microarchitecture Zen de la société, basée sur l’hyper-threading de Ryzen ont des limites. Car, le processeur Ryzen d'origine semblait offrir beaucoup plus d'efficacité avec son multi-thread symétrique (SMT) que ce que l'on peut constater avec l’hyper-threading sur les puces Intel. « Ce que les gens n’ont pas compris à l’époque, c'est que les perspectives d'accroître les performances des processeurs par le SMT ne faisaient aucun doute », a déclaré François Piednoel.
Les puces Xeon doivent mieux exploiter l'espace inutilisé
Les conceptions de puces Intel Xeon exploitent actuellement les mêmes cœurs pour tous les usages, que ce soit pour les super ordinateurs dédiés aux calculs intensifs, que pour les serveurs dédiés au Web et aux machines virtuelles. Or ces fonctions extrêmement différentes ne concernent pas souvent les autres parties des composants électroniques (chipset) réservées aux autres charges de travail, a déclaré François Piednoel. Cela peut pourtant entraîner un gain de 10 % d'espace pour un tout autre usage. Cet espace pourrait être mieux utilisé pour y ajouter des cœurs supplémentaires afin de mieux concurrencer les segments de marchés qui n'ont pas besoin d'AVX512. Cependant, cela nécessiterait qu'Intel soit flexible, « À l'heure actuelle, Intel est si rigide », a-t-il déclaré, soulignant qu’Intel s’inscrit dans une logique de : « … j'ai un cœur et je vais l'utiliser partout. »
Alors que n'importe quelle équipe de conception de puces d'Intel d'IDC de l'Oregon ou d'Austin pourrait être mise au travail pour concevoir des versions de Xeon ciblées et de niche pour des besoins plus spécialisés, plutôt que de vendre le même noyau pour tous les scénarios, dit-il.
Seul les titulaires de MBA progressent au sein d'Intel
François Piednoel n'a pas ménagé ses mots pour décrire la culture d'Intel, qui, selon lui, a radicalement changé et promeut les diplômés de MBA plutôt que ceux qui possèdent un bagage technique. Cela a eu pour résultat : « aucune innovation, aucune feuille de route ambitieuse, et aucun employé motivé parce qu'ils sont découragés, car seuls les titulaires de MBA progressent dans l’entreprise », a déclaré sur un ton amer François Piednoel. Plutôt qu'un appel à la mobilisation pour contrer AMD, l’Intel d'aujourd'hui n’est tout simplement pas disposé à manœuvrer ou à contre-attaquer. Au lieu de cela, dit-il, les feuilles de route pour la conception des processeurs sont établies par des planificateurs ayant un MBA et qui ne sont pas capables de s'adapter. En ce moment, les usines d'Intel continuent à produire suffisamment de processeurs pour rester rentables, mais François Piednoel a déclaré que la marque Intel se détériore lentement.
Source : Vidéo
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