L'impôt français vise les recettes plutôt que les profits, qui sont souvent déclarés par les géants de la technologie dans des pays à faible fiscalité comme l'Irlande, dans une pratique qui a mis les gouvernements en colère. En juillet, Donald Trump n’avait pas tardé à menacer de taxer les vins français en représailles à la taxe numérique française publiée alors deux jours plus tôt, jugée comme destinée principalement aux grandes entreprises technologiques américaines par le président américain. La taxe devrait s'appliquer rétroactivement à partir du début de 2019, ce qui, selon le bureau du représentant américain au commerce extérieur (USTR), remet en question son équité.
En guise de représailles à cette taxe, début décembre, le gouvernement américain a menacé d'imposer des droits de douane allant jusqu'à 100 % sur 2,4 milliards de dollars de produits d'importations en provenance de France, notamment le vin, le champagne, les sacs à main de luxe, le fromage qui sont importés aux USA. Il faut dire que l'USTR a déclaré dans un rapport que son enquête en vertu de l'article 301 avait conclu que l'impôt français était « incompatible avec les principes dominants de la politique fiscale internationale et constituait un fardeau inhabituel pour les entreprises américaines concernées ».
Pourtant, quelques jours plus tard, malgré le risque d'une réaction similaire, le Premier ministre britannique Boris Johnson a déclaré qu’il comptait bien instaurer en Grande-Bretagne une nouvelle taxe sur les géants du numérique, essentiellement des groupes américains.
« Au sujet de la taxe sur les services numériques, je pense que nous devons regarder l’activité des grandes entreprises du numérique et les énormes revenus qu’ils réalisent dans ce pays et le montant des impôts qu’ils paient », a déclaré le Premier ministre britannique mardi soir au sommet de l'OTAN. « Nous devons régler ça. Elles doivent fournir une contribution plus juste », a-t-il ajouté.
Dans son programme pour les élections législatives du 12 décembre en Grande-Bretagne, le Parti conservateur de Boris Johnson s’est engagé à mettre en place une taxe sur les services numériques fournis par des groupes comme Google, Facebook ou Amazon. Cette taxe viserait les entreprises réalisant un chiffre d’affaires annuel d’au moins 500 millions de livres (près de 590 millions d’euros) dans le monde. Elle consisterait en un prélèvement de 2 % sur les revenus tirés de leur activité auprès des consommateurs britanniques à partir d’avril 2020.
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Seulement voilà : en début de mois, Bruno Le Maire, le ministre français de l’Économie et des Finances, avait annoncé que la France et les États-Unis se donnaient deux semaines pour trouver un compromis sur la taxation des géants du Web. Après un entretien téléphonique survenu entre Emmanuel Macron et Donald Trump, le président français a déclaré qu’il a eu une « ;excellente discussion ;» avec le président américain Donald Trump sur la taxe numérique et a ajouté que les deux pays « ;vont travailler ensemble sur un bon accord pour éviter toute escalade des tarifs ;».
Selon une source diplomatique française, les deux dirigeants « ;se sont mis d’accord pour donner une chance ;» aux négociations afin d’éviter « ;une guerre commerciale qui ne serait bénéfique à personne ;». Ils ont convenu de calmer le jeu jusqu’à la fin de l’année 2020, a déclaré la source diplomatique française, et de poursuivre les négociations à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la taxe numérique pendant cette période. En clair, la France a décidé de retarder l'application de cette loi jusqu'à la fin de cette année, le temps de trouver un compromis dans le cadre de l’OCDE. Encore une fois, Macron a rappelé que si un accord international sur la fiscalité numérique est conclu dans le cadre de l’OCDE, il remplacerait immédiatement la taxe française. Et dans un précédent accord, Macron a précisé que les entreprises qui se seraient déjà acquittées de leurs impôts sur la base de la taxe française pourraient bénéficier d’une compensation s’il existait un préjudice avec la nouvelle taxe obtenue dans le cadre de l’OCDE.
Cette fois-ci, le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, a averti que les exportateurs britanniques pourraient s'attendre à un traitement similaire si Johnson persiste avec la taxe sur les services numériques, qui, selon Washington, pénalise injustement des entreprises comme Google, Amazon et Facebook.
La taxe devrait entrer en vigueur en avril, à raison de 2 % des revenus des moteurs de recherche, des plateformes de médias sociaux et des marchés en ligne qui tirent de la valeur des utilisateurs britanniques. S'adressant au Wall Street Journal lors du Forum économique mondial de Davos, en Suisse, le secrétaire américain au Trésor a déclaré que la trêve avec Emmanuel Macron était « le début d'une solution » et a appelé la Grande-Bretagne et l'Italie à suspendre des plans similaires.
« Sinon, ils se retrouveront confrontés aux tarifs du président Trump », a déclaré Mnuchin. « Nous aurons des conversations similaires avec eux ».
Downing Street a clairement indiqué qu'elle considérait un accord international sur le traitement fiscal des revenus provenant des technologies Web comme la solution à long terme au problème. Mais le porte-parole officiel de Boris Johnson n'a donné aucune indication que le Royaume-Uni se prépare à reculer sur l'introduction de la taxe face aux pressions américaines.
« Nous sommes pleinement engagés dans des discussions internationales pour relever les défis que la numérisation pose pour la fiscalité », a déclaré le porte-parole du Premier ministre. « Notre préférence va pour une solution globale appropriée et pour abroger notre taxe sur les services numériques une fois celle-ci en place. Nous avons mené de nombreuses consultations sur notre taxe sur les services numériques et nous avons cherché à la concevoir de manière proportionnée ».
S'exprimant sur la taxe sur les services numériques avant la visite de Trump à Londres le mois dernier, Boris Johnson a mis en garde contre une « guerre commerciale », mais a déclaré qu'il pensait qu'il fallait trouver un moyen de garantir aux géants de la technologie une « contribution plus équitable » à la fiscalité. « Je pense que nous devons examiner les opérations des grandes entreprises numériques et les énormes revenus qu'elles réalisent au Royaume-Uni et le montant de la taxe qu'elles paient », a déclaré le Premier ministre en décembre. « Nous devons régler cela. Ils doivent apporter une contribution plus équitable ».
Source : The Independent
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