La popularité de WhatsApp n’a eu de cesse de croître, en 2016, l’application était utilisée par un milliard de personnes dans le monde chaque mois. En juillet 2017, elle a annoncé qu’elle était utilisée par un milliard de personnes dans le monde… chaque jour.
Mais Brian Acton n'a pas apprécié l’évolution de ce mariage entre Facebook et WhatsApp. Le jumelage Facebook-WhatsApp a été un casse-tête chinois dès le départ. Facebook possède l’un des plus grands réseaux publicitaires au monde ; les fondateurs de WhatsApp détestaient les publicités. La valeur ajoutée de Facebook pour les annonceurs est ce qu’il sait de ses utilisateurs ; les fondateurs de WhatsApp étaient des zélotes pro-vie privée qui estimaient que leur chiffrement tant vanté avait été essentiel à leur croissance mondiale presque sans précédent.
Il n'a d'ailleurs pas hésité à faire savoir son mécontentement après la succession de scandales qui ont éclaboussé Facebook depuis l'affaire Cambridge Analytica. Son message était clair : « il est temps. #deletefacebook ».
Le cofondateur de WhatsApp est revenu à la charge. Durant le sommet Wired, une conférence qui a pour but d'explorer les idées et de parler des innovations technologiques pour construire un meilleur avenir, il a maintenu sa déclaration. « Si vous voulez être sur Facebook et que vous voulez avoir des annonces dynamiques devant vous, allez en ville », a-t-il ajouté.
Le journaliste Steven Levy a demandé à Acton pourquoi il avait décidé de faire part au public de sa perspective. « À l'époque, Facebook était sous pression », a expliqué Acton. « Je me suis dit, peut-être que le moment est venu. Mais ensuite, je me suis rendu compte que Facebook avait un défaut fatal: ils n’ont pas de pierres tombales. Quand tu disparais, tu disparais. J'ai donc laissé ma pierre tombale sur Twitter. Mon cri de cœur était beaucoup plus public et visible ».
Acton est loin d'être le premier dirigeant de Facebook à dénoncer la société après son départ. En 2017, Chamath Palihapitiya, ancien responsable de la croissance, a fait des vagues en déclarant : « Nous avons créé des outils qui déchirent le fonctionnement du tissu social ».
Acton est devenu le président de la Signal Foundation en 2018 après l'avoir financé à hauteur de 50 millions de dollars. Signal est l’application de messagerie chiffrée qui a contribué à démocratiser le chiffrement de bout en bout. L’objectif annoncé de cette fondation est de « soutenir, accélérer et agrandir la mission de Signal, qui souhaite rendre les conversations privées accessibles et omniprésentes ». La fondation aura pour mission d’évangéliser sur les bienfaits de Signal et du chiffrement des communications, de recruter une équipe de développeurs pour enrichir l’application. En tant que fondation au sens américain, Signal pourra ainsi recevoir des dons et continuer à servir l’intérêt du public sans se compromettre.
Logo Signal
D'ailleurs, le fondateur de Signal, Moxie Marlinspike a expliqué :
« Bien avant que nous sachions qu'il s'appellerait Signal, nous savions ce que nous voulions qu'il soit. Au lieu d'enseigner la cryptographie au reste du monde, nous voulions voir si nous pouvions développer une cryptographie qui fonctionnerait pour le reste du monde. À l'époque, le consensus de l'industrie était largement que le chiffrement et la cryptographie resteraient inutilisables, mais nous avons commencé Signal avec l'idée que la communication privée pourrait être simple.
« Depuis lors, nous avons fait des progrès. Nous avons développé un service utilisé par des millions et des logiciels utilisés par des milliards. Les histoires qui nous reviennent et nous font vivre sont les histoires de gens qui se découvrent dans des moments où ils ont pu parler librement sur Signal, de gens qui tombent amoureux de Signal, de gens qui organisent des projets ambitieux sur Signal. Lorsque nous demandons à des amis qui, sur leur lieu de travail, sont sur Signal et qu'ils répondent "tous les cadres ainsi que le personnel de cuisine”. Lorsque nous recevons une assignation pour les données d'utilisateur et n'avons rien à renvoyer en dehors d’une feuille de papier vierge. Lorsque nous apercevons le "Signal bleu" sur le téléphone d'un banlieusard, nous sourions.
« Cependant, nous avons toujours voulu faire beaucoup plus, et nos limites se sont souvent transformées en défis. Au cours de la durée de vie du projet, il n'y a eu en moyenne que 2,3 développeurs de logiciels à plein temps et l'équipe Signal n'a jamais compté plus de 7 personnes. Avec trois plateformes client à développer, un service à construire et à exécuter, une liste croissante d'intégrations et des millions d'utilisateurs à supporter, cela nous a souvent laissés sur le carreau.
« Malgré tout, Signal n'a jamais pris de financement par capital-risque ni cherché à investir, car nous estimions que placer le profit au premier plan serait incompatible avec la construction d'un projet durable qui accorderait la priorité aux utilisateurs. En conséquence, Signal a parfois souffert de notre manque de ressources ou de capacité à court terme, mais nous avons toujours pensé que ces valeurs mèneraient à la meilleure expérience possible à long terme ».
Acton reste sceptique quant à l’engagement de Mark Zuckerberg en matière de chiffrement, mais a précisé à Levy: « s’il veut y arriver, il le fera. Toutefois, c'est un champion pour ce qui concerne le changement d'avis ».
La société subit déjà la pression de politiciens inquiets des conséquences du chiffrement des applications Facebook pour la sécurité nationale. Le mois dernier, le procureur général William Barr a envoyé une lettre à Mark Zuckerberg lui demandant de suspendre ses projets de chiffrement, évoquant des préoccupations relatives à la sécurité nationale.
Citant ces difficultés, Acton a déclaré que Zuckerberg était confronté à une bataille difficile.
Source : conférence Wired