Des messages échangés par deux employés de Boeing en 2016 a révélé cette semaine qu’ils étaient au courant des dysfonctionnements qui ont causé les crashs d’octobre 2018 et de mars 2019 du 737 Max, causant la mort de 346 personnes en Indonésie et en Éthiopie. La discussion, qui aurait duré dans les dix minutes, se tenait entre Mark A. Forkner, alors pilote technique en chef du Boeing 737, et Patrik Gustavsson, un pilote technique. Dans la discussion, Mark A. Forkner, le pilote technique en chef du Boeing 737, aurait qualifié le problème du « MCAS » de flagrant.
Dans une courte discussion datant de 2016 entre deux pilotes de haut niveau de Boeing révélé cette semaine, l’on apprend que l’avionneur était au courant des problèmes majeurs de la fonction automatisée du 737 Max, le MCAS, qui a été impliqué dans deux accidents mortels. Après les crashs d’octobre 2018 en Indonésie et de mars 2019 en Éthiopie qui ont causé au total la mort de 346 personnes, les enquêteurs ont expliqué qu’à plusieurs reprises et sans aucune raison valable, le MCAS avait forcé le nez des avions en les dirigeant soit vers le bas soit le haut.
Boeing était au courant du problème du 737 MAX
Le constructeur américain avait nié qu’il était au courant de ses problèmes qu’avait le 737 MAX, mais les messages que se sont échangés les pilotes Mark A. Forkner et Patrik Gustavsson en 2016 et révélés cette semaine prouvent le contraire. L’un deux, Mark A. Forkner, alors pilote technique en chef du Boeing 737, disait dans l’un de ses messages envoyés à Patrik Gustavsson que le MCAS s'engageait « comme un fou », en qualifiant le problème de « flagrant ». Il a aussi abordé le fait que Boeing avait induit en erreur la Federal Aviation Administration (FAA).
« J'ai donc essentiellement menti aux organismes de réglementation (sans le savoir) », a-t-il écrit. Forkner s’est, semble-t-il, rendu compte de ses erreurs après avoir pratiqué des tests techniques sur le 737 Max et son logiciel MCAS dans un simulateur. À son tour, Patrik Gustavsson lui avait répondu que « ce n'était pas un mensonge », ajoutant « personne ne nous a dit que c'était le cas ». Ces messages en date de 2016, un an avant la certification du 737 Max, montrent que Boeing a menti, mais aussi, qu'il a induit la FAA en erreur quant à la sécurité de son aéronef.
Boeing s’est assuré qu’il ne soit pas fait mention du MCAS dans le manuel du pilote
À en croire le Washington Post, le nouvel avion devrait jouer un rôle essentiel dans les plans de Boeing de concurrencer Airbus. Ainsi, l’avionneur s’est plus soucié de son objectif à lui que de la sécurité des voyageurs. Des informations issues d’une enquête menée par le New York Times (NYT) plus tôt cette année ont révélé que sous l’impression que le système MCAS était insignifiant, les responsables de la FAA n’ont pas demandé à Boeing d’en parler aux pilotes. Boeing s’était assuré qu’il ne soit pas fait mention du MCAS dans le manuel du pilote.
En effet, des courriers envoyés par Forkner aux responsables de la FAA, dans lesquels le cadre de Boeing a souvent adopté un ton familier ou amical, ont indiqué que la compagnie s'efforçait activement de supprimer les références au MCAS dans le manuel du pilote. La FAA a accordé à Boeing la certification tant convoitée en mars 2017. Cette semaine, la FAA s’est indignée du fait que Boeing ait caché ces informations, mais aussi du fait que la société ne les a pas adressées plutôt à l’agence dans le cadre des enquêtes en cours pour voir si le 737 Max pourra décoller à nouveau.
De plus, selon les messages envoyés par Forkner à Gustavsson en 2016, le MCAS était « en pleine effervescence » dans le simulateur. « Il déraille dans le sim (le simulateur) », a écrit Forkner à Gustavsson. Et de poursuivre : « Bon je t’accorde que je suis nul en pilotage, mais ça c’était scandaleux ». Alors que le MCAS est conçu pour compenser les changements de conception et aider à rendre le 737 Max identique dans les airs pour les pilotes habitués aux anciennes itérations du 737, les messages de Forkner montrent que rien ne s’est passé comme prévu.
Le MCAS devrait ajuster automatiquement la façon dont l'avion volait en déplaçant le stabilisateur horizontal sur la queue de l'avion. Le stabilisateur fait monter ou descendre l'avion. Mais le MCAS n’a pas assuré son rôle comme il avait été prévu et Boeing n’a prévenu personne que ces dysfonctionnements existaient. Récemment, le National Transportation Safety Board a décrit comment, avant le crash du 29 octobre 2018 en Indonésie, le MCAS a automatiquement enfoncé le nez de l'avion “plus de 20 fois” en six minutes avant de le plonger dans la mer de Java.
En 2016, Forkner a remarqué l’agressivité avec laquelle le MCAS ajustait sa direction
Dans la file de messages, les pilotes techniques ont parlé de la façon dont l'avion, dans plus d'un scénario simulé, ajustait agressivement sa direction vers le haut ou vers le bas, un processus connu sous le nom de “compensation”. Les pilotes le font souvent manuellement, mais le MCAS le fait automatiquement dans certains cas. Dans un message, Forkner s’est même étonné de l’agressivité avec laquelle le MCAS ajustait sa direction. « Je me stabilise à 4000 pieds, 230 nœuds et l'avion se règle comme un fou. [...] », a écrit Forkner à Gustavsson.
« Vince va m'apporter un tableur qui indique quand c'est censé entrer en jeu. [...] Pourquoi c’est maintenant qu'on en entend parler ? », demanda Forkner. Gustavsson a répondu : « Je ne sais pas, les pilotes d'essai nous ont tenus à l'écart », avant de mentionner qu'une collègue « essaie de travailler avec nous, mais elle a été trop occupée ». Par la suite, Forkner a écrit : « Ils étaient tous très occupés et soumis à la pression du programme ». Puis, Gustavsson a répondu : « C'est vrai, je n'aimerais pas être à leur place ». Boeing a été sommé le vendredi à fournir une explication à tout cela.
La FAA demande des explications à Boeing sur la divulgation tardive de ces informations
Steve Dickson, l’administrateur de la FAA, a envoyé vendredi une lettre à Boeing, demandant une explication sur la divulgation tardive de ces informations. « Hier soir, j’ai examiné un document que Boeing a remis au ministère des Transports tard hier soir. Je comprends que Boeing a découvert le document dans ses dossiers il y a des mois. Je compte sur votre explication immédiate concernant le contenu de ce document et le retard pris par Boeing à divulguer le document à son autorité de réglementation en matière de sécurité », a écrit Dickson.
Peter A. DeFazio, président du Comité des transports, a déclaré que la file de discussion entre Forkner et Gustavsson montrait que « Boeing avait caché des informations accablantes à la FAA ». « Cet échange est choquant, mais d'une manière inquiétante conforme à ce que nous avons vu jusqu'à présent dans notre enquête en cours », a déclaré DeFazio, soulignant « un manque de franchise avec les régulateurs et les clients ». Selon DeFazio, Boeing est tombé profondément bas pour ce qui est de la culture de la sécurité des passagers.
« Il ne s'agit pas d'un seul employé. Il s'agit de l'échec d'une culture de la sécurité chez Boeing qui impose une pression indue aux employés pour qu'ils respectent les délais et assurent la rentabilité au détriment de la sécurité », a déclaré DeFazio. Pour sa part, Boeing a déclaré vendredi qu'il va continuer à coopérer avec l’enquête du House Transportation Committee, mais également continuer à suivre les directives de la FAA et d'autres organismes de réglementation mondiaux. L’entreprise a déclaré qu’elle travaille pour remettre le 737 Max en service en toute sécurité.
« Au cours des derniers mois, Boeing a coopéré de manière volontaire avec l’enquête du comité de la Chambre des transports et de l’infrastructure sur le 737 MAX », a déclaré Boeing dans un communiqué. « Dans le cadre de cette coopération, nous avons porté aujourd’hui à la connaissance du Comité un document contenant les déclarations d’un ancien employé de Boeing. Nous continuerons de coopérer avec le comité tout au long de son enquête. Et nous continuerons de suivre les directives de la FAA et des autres régulateurs mondiaux, alors que nous travaillons à remettre le 737 MAX en service en toute sécurité », a-t-il conclu.
Dennis Muilenburg, directeur général de Boeing, doit s’attendre à de prochaines semaines mouvementées puisqu’il doit être entendu le 29 octobre devant le Sénat américain, puis le lendemain à la Chambre des représentants. Cela représente un ultime revers dans la recertification de l’avion, les autorités américaines espérant sa reprise dans les airs avant la fin de l’année 2019. L’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) a malgré tout informé la FAA qu’elle n’était pas satisfaite de la démonstration effectuée par cette dernière et Boeing pour prouver la fiabilité du nouveau système de contrôle de vol.
Sources : Washington Post, New York Times
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Le , par Bill Fassinou
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