Bruno Le Maire : « une trentaine de groupes seront touchés » par la taxe française du numérique,
Paris envisage de récolter 500 millions d'euros en 2019 La France a été en première ligne pour défendre une taxe numérique européenne destinée à limiter les pratiques d’optimisation fiscale de multinationales, mais elle n’a pas réussi à lever toutes les réticences au sein de l’UE.
Aussi, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a indiqué qu’il renonce au projet de taxe européenne, qui était vraiment mal partie. Plusieurs États traînaient des pieds, notamment parce qu’ils profitent de la situation actuelle. Il faut dire que les grandes enseignes du numérique ont affûté leurs armes pour l’optimisation fiscale, profitant des subtilités du droit européen. Celui-ci, par exemple, parle de présence physique pour pouvoir taxer une entreprise. Ce choix fait avant l’arrivée du numérique pose problème : aujourd’hui, avec Internet, une entreprise peut réaliser un important chiffre d’affaires dans un pays sans y avoir plus que des bureaux de représentation, voire sans en avoir du tout.
Pour changer les règles fiscales européennes, il faut l’unanimité des États membres. Bruno Le Maire y renonce donc. S’il n’abandonne pas l’idée de taxer les géants numériques, il préfère changer de stratégie. D’abord en mettant en place une taxe en France. Fin janvier, le ministre a fait valoir qu’un « projet de loi spécifique » portant sur une taxe qui touchera « dès cette année » les entreprises proposant des services numériques en France sera présenté « en Conseil des ministres d’ici à fin février ».
Ce projet « sera rapidement soumis au vote du Parlement », a-t-il continué, précisant que la taxe toucherait « toutes les entreprises représentant un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d'euros au niveau mondial et 25 millions d'euros en France ». Et de souligner : « Si ces deux critères ne sont pas réunis, elles ne seront pas imposées ». Les GAFA ne seront donc pas les seuls concernés.
Dans un entretien avec Le Parisien, Bruno Le Maire a signalé l’urgence de la situation :

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Bruno Le Maire
Pour bâtir la fiscalité du XXIe siècle, celle qui repose sur la valeur qui existe aujourd’hui : les données. Il est impératif de taxer les données pour avoir un système fiscal efficace et financer nos services publics, nos écoles, nos crèches et nos hôpitaux. Mais c’est, aussi, une question de justice fiscale. Les géants du numérique payent 14 points d’impôts de moins que les PME européennes. Que ces entreprises paient moins d’impôts en France qu’une très grosse boulangerie ou qu’un producteur de fromages du Quercy, cela me pose un problème. Le produit de cette taxe de 3 % sur le chiffre d’affaires numérique réalisé en France à partir du 1er janvier 2019 devra atteindre rapidement les 500 millions d’euros.
Le ministre donne plus de détailsBruno Le Maire estime que cette mesure va toucher une trentaine de groupes : « ils sont majoritairement américains, mais aussi chinois, allemands, espagnols ou encore britanniques. Il y aura également une entreprise française et plusieurs autres sociétés d’origine française, mais rachetées par des grands groupes étrangers ».
Concernant leurs secteurs d’exercice, le ministre explique que :

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Bruno Le Maire
Nous visons en premier lieu les plateformes qui touchent une commission pour mettre en relation, des clients et des entreprises. Précisons qu’une entreprise qui met en vente sur son site Internet ses propres marchandises n’aura pas à s’en acquitter. Par exemple, Darty vend ses téléviseurs ou ses lave-linge sur son site Internet, il ne s’agit pas de mise en relation entre deux internautes, cette activité ne sera pas taxée. En revanche, quand Amazon est rémunéré comme intermédiaire numérique entre un producteur et un client, là, ce sera taxé. Autre secteur d’activité concerné : le ciblage publicitaire. Enfin, cette fiscalité portera aussi sur la revente de données personnelles à des fins publicitaires.
Pour répondre aux inquiétudes de la commission des finances du Sénat qui estime que cette mesure va aussi pénaliser des entreprises vertueuses, qui payent déjà leurs impôts en France, Le Maire assure que le montant acquitté sera déductible du résultat comptable sur lequel est calculé l’impôt sur les sociétés : « Cela aura pour effet de réduire jusqu’à un tiers du montant de cette taxe pour les entreprises qui payent leurs impôts en France ».
Pour apaiser les craintes de voir pénalisées les jeunes pousses françaises du numérique, il rappelle que

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Bruno Le Maire
Nous avons été prudents en établissant un double seuil (NDLR : 750 M€ de chiffre d’affaires digital monde et 25 M€ en France) ; nos start-up ne sont donc pas concernées. Leur vrai problème, c’est d’être systématiquement rachetées par ces géants numériques justement parce qu’ils ne sont pas soumis à une fiscalité adaptée. Si nous avons si peu de licornes en France (NDLR : des start-up qui ont une valorisation supérieure à 1 milliard d’euros)), c’est en raison du manque de financement en fonds propres en Europe. Augmenter ces financements est une priorité : le prélèvement forfaitaire unique, la réorientation du PEA-PME et le développement de l’épargne salariale ont justement pour objectif de soutenir le financement de nos start-up.
Le Maire souligne que la France ne s’est pas lancée toute seule dans cette aventure en Europe puisque six Etats européens le font ou y réfléchissent. Selon lui, les nations européennes ne doivent pas sous-estimer leur force :
« Nous oublions une chose simple : le marché unique européen est le premier marché commercial au monde. Pour toutes ces grandes entreprises du digital, les consommateurs européens sont déterminants. Le fait que des nations riches, puissantes, s’engagent dans la taxation du digital amène les pays de l’OCDE à bouger. C’est le cas avec les Etats-Unis.»
Source :
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