Rappelons-le, la signature numérique d’un document (parfois appelée signature électronique) est un mécanisme permettant de garantir l'intégrité d'un document électronique et d'en authentifier l'auteur, par analogie avec la signature manuscrite d'un document papier. Un mécanisme de signature numérique doit permettre au lecteur d'un document d'identifier la personne ou l'organisme qui a apposé sa signature (propriété d'identification) et garantir que le document n'a pas été altéré entre l'instant où l'auteur l'a signé et le moment où le lecteur le consulte (propriété d'intégrité). Pour cela, les conditions suivantes doivent être réunies :
- authentique : l'identité du signataire doit pouvoir être retrouvée de manière certaine ;
- infalsifiable : la signature ne peut pas être falsifiée. Quelqu'un ne peut se faire passer pour un autre ;
- non réutilisable : la signature n'est pas réutilisable. Elle fait partie du document signé et ne peut être déplacée sur un autre document ;
- inaltérable : un document signé est inaltérable. Une fois qu'il est signé, on ne peut plus le modifier ;
- irrévocable : la personne qui a signé ne peut le nier.
Ces principes de sécurité sont très stricts lorsqu’on veut porter sa signature sur un document, car un tel document est admissible en justice c’est-à-dire qu’il possède une valeur légale. Un document signé peut également être utilisé par un gouvernement pour faire passer un message, dans une transaction financière, pour faire des déclarations fiscales, etc. De grandes sociétés de ventes ou de locations telles qu'Amazon ou Sixt utilisent régulièrement la signature numérique pour protéger et empêcher les modifications des factures qu’elles envoient à leurs clients. En pratique, l'essentiel des procédures de signature numérique existantes s’appuie sur la cryptographie asymétrique. Du point de vue théorique la résistance du dispositif de chiffrement va dépendre de la force du chiffrement asymétrique retenu et de la taille des clés choisies. Les normes en œuvre sont généralement considérées comme mathématiquement sûres.
Seulement, du point de vue pratique, la signature numérique reste soumise au problème de la diffusion/authentification de la clé publique. Ce problème est en général résolu par la mise en place d'une infrastructure à clés publiques, entraînant toutes les vulnérabilités inhérentes à ce type de dispositif. Une autre chose est que la signature numérique est une authentification faible, car elle s'appuie uniquement sur un facteur mémoriel, en l’occurrence la clé privée. Si celle-ci est compromise, l'attaquant pourra produire des messages frauduleux théoriquement complètement indiscernables des messages légitimes. Alors, vous imaginez ce qu’il se passerait si la signature numérique d’un document venait à être usurpée. Cela dit, il est clair que les risques seront inévitablement catastrophiques pour le véritable signataire du document. L’usurpateur peut le contraindre à réaliser des choses dont il ne sera pas forcément fier en proférant des menaces. Le document peut lui servir à voler de l’argent ou une chose quelconque, ou encore il peut décider de mettre un désordre dans les affaires du vrai signataire.
Dans le rapport qu’ont présenté les universitaires, ils expliquent avoir trouvé au cours de leurs recherches trois nouvelles vulnérabilités ou attaques qu’ils présentent à tour de rôle. Dans un premier temps, ils parlent de l’attaque Universal Signature Forgery (USF) ou falsification de signature universelle. Cette attaque vise principalement à manipuler les méta-données de la signature de manière à ce que l'application de visualisation ciblée ouvre le fichier PDF, trouve la signature, mais ne trouve pas toutes les données nécessaires à sa validation. Au lieu de traiter les informations manquantes comme une erreur, cela indique que la signature contenue est valide. Par exemple, l'attaquant peut manipuler les valeurs Contents ou ByteRange au sein de l'objet Signature.
L’équipe a précisé que l'attaque semble anodine, mais même de très bonnes implémentations telles qu'Adobe Reader DC empêchant toutes les autres attaques étaient susceptibles contre USF. La seconde dont ils parlent est nommée Attaque de Sauvegarde Incrémentielle (ISA). Ils expliquent que l'attaque par enregistrement incrémentielle (ISA) abuse d'une fonctionnalité légitime de la spécification PDF. C’est une spécification qui permet de mettre à jour un fichier PDF en ajoutant des modifications. L’idée principale de l’ISA est d’utiliser la même technique pour modifier des éléments, tels que des textes, ou des pages entières incluses dans le fichier PDF signé en fonction des souhaits de l’attaquant. En d'autres termes, un attaquant peut redéfinir la structure et le contenu du document en utilisant la partie Body Updates.
Enfin, la toute dernière vulnérabilité dont il s’agit est Signature Wrapping Attacks (SWA). Indépendamment des fichiers PDF, l'idée principale de Signature Wrapping Attacks est de forcer la logique de vérification à traiter des données différentes de celles de la logique d'application. Dans les fichiers PDF, SWA cible la logique de validation de signature en déplaçant le contenu signé à un emplacement différent dans le document et en insérant un nouveau contenu à l'emplacement attribué. Le point de départ de l'attaque est la manipulation de la valeur ByteRange qui permet de déplacer le contenu signé vers différentes positions du fichier.
Vous pouvez avoir accès à plus d’informations sur le sujet en parcourant le site de présentation. Néanmoins, il serait bien de noter que l’équipe a reconnu que des correctifs de sécurité et de mise à jour ont été déployés et publiés par les éditeurs respectifs des logiciels testés avant que les résultats de ladite étude ne soient soumis à la communauté. « En coopération avec BSI-CERT, nous avons contacté tous les fournisseurs, leur avons fourni des exploits de validation de concept et les avons aidés à résoudre les problèmes. Trois CVE génériques ont été publiés pour chaque classe d'attaque », a précisé l’équipe.
Source : Billet de blog
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