Depuis le début d’année, l’on assiste à de grandes mutations dans l'environnement open source. En mai dernier, Salesforce, l’éditeur de solutions de gestion de la relation client a racheté MuleSoft, le fournisseur de solutions open source pour un montant de 6,5 milliards de dollars. Un mois plus tard et plus précisément en juin, ce fut au tour de Microsoft d’annoncer l’acquisition de GitHub après avoir déboursé la coquette somme de 7,5 milliards de dollars. Un peu plus tôt dans ce mois d’octobre, les rivaux Big Data, Cloudera et Hortonworks, ont décidé de fusionner leurs activités pour un montant de 5,2 milliards de dollars.
Il y a quelques heures, IBM, la multinationale américaine présente dans différents secteurs technologiques, a marqué la surprise en annonçant le démarrage des procédures pour l'acquisition de Red Hat, l’éditeur de solutions open source et distributeur du système GNU/Linux, pour un montant de 33,4 milliards de dollars. En date, cette acquisition est de loin la plus grande transaction jamais réalisée par IBM et la troisième dans l’histoire de la technologie américaine. À l’exclusion de la fusion entre AOL et Time Warner, les seules transactions plus importantes ont été la fusion entre Dell et EMC en 2016 au prix de 67 milliards de dollars et l’acquisition du fournisseur de composants optiques SDL en 2000 par SDL pour un montant de 41 milliards de dollars.
Selon Ginni Rometty, président du conseil d’administration, président d’IBM, « ;l’annonce d’aujourd’hui marque l’évolution de notre partenariat de longue date ;». En effet, depuis près de 20 ans, IBM et Red Hat entretiennent une collaboration étroite à plusieurs niveaux. IBM aurait été le premier supporteur de Linux, collaborant avec Red Hat pour aider au développement et à la croissance de Linux de niveau entreprise. Et plus récemment au mois de mai, les deux entreprises ont encore renforcé leurs liens en annonçant la conclusion d’un accord pour permettre à leurs clients respectifs de bénéficier de la puissance combinée des technologies des deux entreprises dans les clouds privés et publics. Pour les dirigeants des deux entreprises, c’est donc sans surprise que cette acquisition intervient, comme pour mettre le sceau à une démarche entamée depuis longtemps.
Avantages de cette acquisition
Pour IBM, « ;l’acquisition de Red Hat change la donne. Elle change tout sur le marché du cloud ;», a déclaré le président de l’entreprise. Avec le potentiel de Red Hat, « ;IBM deviendra le premier fournisseur de cloud hybride au monde, offrant aux entreprises la seule solution de cloud ouverte afin d’exploiter pleinement le potentiel du cloud pour leurs entreprises ;», a ajouté Rometty. De son côté, Red Hat tirera parti des technologies de cloud hybride et d’entreprise d’IBM pour étendre son portefeuille de technologies open source aux entreprises du monde entier.
Historique des deux entreprises
Red Hat a commencé ses activités il y a 25 ans en tant que distributeur d’une version personnalisée de Linux destinée aux serveurs qui alimentent les centres de données en entreprises. Aujourd’hui, la société serait reconnue comme le premier fournisseur mondial de solutions logicielles open source d’entreprise fonctionnant sous Linux, le cloud hybride, les conteneurs et Kubernetes.
Cependant même si Red Hat présente de grandes perspectives pour IBM, pour certaines personnes, IBM aurait payé le prix fort dans cette transaction. En effet, à la clôture de la bourse ce vendredi, l’action de Red Hat était estimée à 116,68 dollars. Racheter donc chaque action de Red Hat à 190 dollars représenterait pour Red Hat une surévaluation de 63 % de la valeur actuelle de ses actions. Mais selon Rometty, IBM « ;a payé le prix juste. C’est une entreprise premium. Si vous regardez en dessous, vous constaterez une forte croissance des revenus, un bénéfice solide et un flux de trésorerie disponible élevé ;», a-t-elle déclaré.
Nous rappelons que Red Hat, entrée en bourse au plus fort du boom des cyberentreprises en 1999, a réalisé un chiffre d’affaires global de 2,92 milliards de dollars contre 259 millions de dollars au cours de son dernier exercice clos le 28 février. Entre 2017 et 2018, ses revenus ont augmenté de 21 %. Et selon les estimations, les revenus de l’entreprise devraient dépasser les 3 milliards de dollars pour la première fois cette année, car le produit Red Hat Enterprise Linux (RHEL) de la société attire des clients importants.
Comparativement à Red Hat qui est en plein essor, IBM, dont la valeur est estimée à 114 milliards de dollars, a vu son chiffre d’affaires baisser de près d’un quart depuis l’arrivée de Ginni Rometty au poste de PDG en 2012. Rometty, 61 ans, essaie depuis sa prise de fonction d’orienter le géant technologique vieux de 107 ans vers des entreprises plus modernes, telles que le cloud, l’intelligence artificielle et les logiciels de sécurité. Et dans le secteur du cloud, la société s’efforce de rattraper Amazon et Microsoft dans le secteur de l’infrastructure cloud. Avec cette acquisition, c’est une belle occasion pour IBM de se remettre donc dans la course des fournisseurs de services cloud.
IBM & Red Hat : quel avenir ;?
Selon les termes de l’acquisition, Red Hat deviendra une unité de la division cloud hybride d’IBM tout en préservant son indépendance, la neutralité de son héritage et son engagement en matière de développement open source. Le PDG de Red Hat, Jim Whitehurst et son équipe de direction actuelle continueront à diriger Red Hat. Jim Whitehurst rejoindra l’équipe de direction d’IBM et rendra compte à Ginni Rometty. IBM déclare en outre qu’elle maintiendra le siège, les installations, les marques et les pratiques de Red Hat.
Réactions contrastées de la communauté
Bien évidemment, cette annonce qui a surpris plus d’une personne a suscité des réactions aussi bien positives que négatives. Pour certains utilisateurs, cette acquisition est bienvenue et permettra à chaque entreprise de bénéficier des atouts de l’autre afin de se développer plus rapidement. Mais pour d’autres personnes, cette analyse reluisante n’est pas du tout partagée. Certaines personnes se demandent ce qui a bien pu motiver Red Hat pour accepter de se faire racheter alors que l’entreprise montre une croissance continue et une santé financière remarquable.
Par ailleurs, d’autres utilisateurs font remarquer que dans 50 % des cas, les acquisitions finissent toujours par l’intégration et le tri sélectif et non une entité distincte comme les deux entreprises l’annoncent. Sous cet angle, cette décision de se faire racheter ne serait avantageuse qu'au conseil d’administration de Red Hat et non aux employés. Continuant sur cette lancée, il ne serait pas étonnant de voir les développeurs de Red Hat se tourner vers Microsoft ou Google après ce rachat, soulignent certaines personnes. Toutefois pour d’autres, la vraie question est de savoir quelle entreprise Oracle et Microsoft vont racheter pour lutter à armes égales avec IBM.
Source : IBM, Red Hat, Bloomberg
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Le , par Olivier Famien
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