Comme nous le savons, la Commission européenne à la concurrence a infligé depuis quelques heures une amende de 4,3 milliards de dollars à Google en soulignant que le géant de la recherche a utilisé Android pour renforcer injustement sa domination dans la recherche en ligne, au détriment de ses rivaux. Mais aussi, que la firme de Mountain View a signé des contrats avec de nombreux fabricants de téléphones afin de les obliger à préinstaller Google Search et Google Chrome si ces derniers souhaitent accéder à certains services populaires de la société, ce qui a pour effet de réduire le choix des consommateurs et mettre à mal la concurrence.
Comme on pouvait le présager, la réponse de Google ne s’est pas fait longtemps attendre, car Sundar Pichai, le PDG de Google depuis aout 2015, vient de publier une note dans laquelle défend qu’Android a contribué à offrir plus de choix aux utilisateurs et non pas à réduire ce choix contrairement à ce qu’avance la Commission européenne. Depuis 2007, soutient Pichai dans sa note, « nous avons choisi d’offrir Android aux fabricants de téléphones et aux opérateurs de réseaux mobiles gratuitement. Bien sûr, il y a des couts impliqués dans la construction d’Android, et Google a investi des milliards de dollars au cours de la dernière décennie pour faire d’Android ce qu’il est aujourd’hui. Cet investissement est logique pour nous, car nous pouvons offrir aux fabricants de téléphones la possibilité de précharger une suite d’applications Google populaires (telles que Search, Chrome, Play, Maps et Gmail), dont certaines génèrent des revenus pour nous, et tout cela a contribué à faire en sorte que le téléphone “fonctionne” dès la sortie de la boite ».
En analysant ces affirmations, certaines personnes indiquent que bien que les applications offertes gratuitement permettent à de nombreux utilisateurs de disposer d’un téléphone déjà prêt à l’emploi, le fait de forcer certains fabricants à installer ces applications qui parfois sont impossibles à désinstaller est une pratique condamnable. Et c’est ce que reproche également la Commission européenne dans cette affaire.
À cela, Pichai répond que « les fabricants de téléphones n’ont pas besoin d’inclure nos services ; et ils sont également libres de préinstaller des applications concurrentes à côté des nôtres ». En outre, le PDG ajoute qu’aujourd’hui, « à cause d’Android, un téléphone typique est préchargé avec jusqu’à 40 applications provenant de plusieurs développeurs, et non pas seulement l’entreprise avec laquelle vous avez acheté le téléphone. Si vous préférez d’autres applications (ou navigateurs, ou moteurs de recherche) aux versions préchargées, vous pouvez facilement les désactiver ou les supprimer, et choisir d’autres applications, y compris des applications créées par certains des 1,6 million d’Européens qui gagnent leur vie en tant que développeurs d’applications ».
Face à ces arguments, des utilisateurs rétorquent que ces applications préinstallées sont parfois difficiles à désinstaller pour l’utilisateur lambda et contribuent à faire de l’ombre aux applications concurrentes des autres développeurs, car certains utilisateurs ne prennent plus la peine de chercher sur le store les applications similaires qui pourraient même offrir des fonctionnalités plus intéressantes.
Enfin, vu que l’amende de la Commission européenne s’attaque directement aux stratégies mises en œuvre par Google pour bien positionner ses applications sur Android au détriment de la concurrence, Pichai avance que « la distribution gratuite de la plateforme Android et de la suite d’applications de Google est non seulement efficace pour les fabricants de téléphones et les opérateurs, mais aussi pour les développeurs et les consommateurs. Si les fabricants de téléphones et les opérateurs de réseaux mobiles ne pouvaient pas inclure nos applications sur leur large gamme d’appareils, cela perturberait l’équilibre de l’écosystème Android. Jusqu’à présent, le modèle économique d’Android a fait en sorte que nous n’avons pas eu à facturer les fabricants de téléphones pour notre technologie ou à dépendre d’un modèle de distribution étroitement contrôlé ».
Mais pour le PDG, « la décision d’aujourd’hui va bouleverser l’équilibre prudent » que l’entreprise a bati avec Android. « Elle rejette le modèle économique qui prend en charge Android, qui a créé plus de choix pour tout le monde, et non pas moins ». De même, « elle envoie un signal troublant en faveur des systèmes propriétaires sur les plateformes ouvertes ». « L’innovation rapide, le large choix et la baisse des prix sont des caractéristiques classiques de la concurrence robuste et Android a favorisé tout cela », ajoute Pichai.
Il convient de préciser qu’à côté d’Android et de la suite d’applications mobiles de Google, nous avons iOS, le système d’exploitation propriétaire d’Apple. En se référant aux propos de Pichai relatifs à cette décision qui ferait la part belle à la concurrence, certaines personnes pointent également du doigt le fait qu’Apple préinstalle une panoplie d’applications sur iOS sans que l’on parle d’abus de position dominante. Mais il faut noter que Google a fait également la même chose en réservant des fonctionnalités Android uniquement pour ses téléphones Pixel lors de leur sortie. Aussi, pour d’autres personnes, si Google a décidé de faire de l’open source et distribuer gratuitement Android et ses applications, elle ne devrait pas contraindre certaines entreprises à préinstaller ses applications au détriment des applications tierces. Par ailleurs, lorsque les entreprises ne sont pas contraintes de préinstaller ces applications, elles peuvent recevoir des fonds pour les inciter à la faire ; toute chose qui défavoriserait également la concurrence.
Revenant sur le fait que Pichai souligne que Google a jusque-là proposé son système d’exploitation Android et ses applications aux fabricants de téléphones sans contrepartie financière, certaines personnes rappellent que l’entreprise manque de préciser que c’est ce modèle qui lui a permis de rafler la grosse part de marché du mobile en écartant au fur et à mesure certains concurrents comme Windows Mobile, BlackBerry, Palm et Symbian et par la même occasion de se faire beaucoup d’argent. Pour ces personnes, ce serait donc ironique pour Google de parler de gratuité sans retour financier direct ou indirect.
Par ailleurs, d’autres critiques font remarquer le fait que ce système d’exploitation Android et cette suite d’applications Android ne sont pas gratuits pour les utilisateurs dans la mesure où ces derniers sont contraints de payer l’utilisation de ce système et des applications préinstallées avec leurs données personnelles en échange. Aussi vu les avantages que tire Google avec ce modèle économique qui prône la gratuité pour les fabricants d’appareils, pensez-vous que l’entreprise bluffe en parlant de facturer les fabricants de téléphones pour Android et ses applications préinstallées ou plutôt qu’elle envisage sérieusement de le faire ?
Source : Google
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Pensez-vous que Google révisera sa position pour rendre Android et ses applications payants avec cette nouvelle décision de la Commission de l’UE ?
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Le , par Olivier Famien
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