
Dans son rapport, Citizen Lab explique avoir utilisé des méthodes de mesure réseau pour cartographier l'ensemble des installations Netsweeper sur Internet. Cette recherche incluait l'analyse de chacun des milliards d'adresses IP (Internet Protocol) sur Internet pour identifier les réponses des adresses correspondant à une signature que la plateforme avait développée pour Netsweeper.
Après cet exercice, ce sont 30 pays au total qui ont été identifié comme disposant des installations Netsweeper.
Méthodologie employée par Citizen Lab
Rendu à ce niveau, Citizen Lab a choisi de se concentrer sur dix pays qui soulèvent des problèmes systémiques en matière de droits de l'homme, notamment : Afghanistan, Bahreïn, Inde, Koweït, Pakistan, Qatar, Somalie, Soudan, EAU et Yémen.
Citizen Lab explique avoir poursuivi plusieurs objectifs :
- dans un premier temps, il était question de développer et affiner les méthodes de mesure du réseau qui lui permettent de vérifier les installations de services de filtrage Internet, comme celles vendues par Netsweeper ;
- ensuite, de sensibiliser le public aux pratiques de censure sur Internet et aux technologies qui les soutiennent, afin que les impacts négatifs sur les droits de l’homme puissent être identifiés et atténués.
Les chercheurs ont constaté que la technologie Netsweeper a été utilisée pour bloquer l'accès dans ces dix pays à un large éventail de contenus numériques protégés par des cadres juridiques internationaux, y compris des contenus religieux à Bahreïn, des campagnes politiques aux Émirats arabes unis, et des médias au Yémen.
Le rapport va plus loin en donnant des détails par pays, notamment en précisant les exactions qui ont fait du pays un candidat de la recherche, les preuves de la présence de Netsweeper sur le pays mais également des exemples de contenus bloqués. Illustrons donc cela par l’un des cas évoqués par le rapport.
Cas de l’Inde
Comme pour chaque pays, le rapport met le lecteur en situation. Ici, il est rappelé que « Diverses minorités sociales et autres groupes vulnérables en Inde - y compris des membres de certaines castes, des minorités religieuses, des populations autochtones, des femmes et des personnes LGBT - souffrent de violations persistantes des droits de l’homme. De telles violations incluent la violence, la discrimination et la diabolisation par des groupes sociaux dominants. Dans certains cas, les forces de sécurité sont responsables de ce type d'abus. Les forces de sécurité indiennes ont fait un usage excessif de la force contre les manifestants, les prisonniers et d'autres personnes, usage excessif de force qui s’est parfois soldé par des morts ».
Ensuite, le rapport parle du contrôle de l’information sur le territoire. Il est notamment question d’attaques contre des journalistes parmi lesquels certains sont morts, d’autres emprisonnés ou persécutés.
Puis vient la partie analyse des données où il est question de montrer les preuves de la présence de Netsweeper sur le territoire (dans le cas d’espèce 42 adresses IP appartenant aux installations de Netsweeper ont été découvertes).
Et enfin le rapport donne des exemples de contenus bloqués. Ici, au total 1158 adresses URL uniques ont été bloquées. Les sites Web liés au problème des réfugiés Rohingya ainsi qu’au décès de musulmans en Birmanie et en Inde ont été bloqués.
Une série de comptes Twitter, de groupes Facebook et de chaînes YouTube ont également été bloqués. Certaines de ces pages contiennent des informations sur les minorités religieuses
À chaque fois, le rapport a donné des liens renvoyant vers des sites/comptes/groupes/chaînes bloqués.
Le rapport précise toutefois pour le cas de l’Inde que certain de ces blocages peuvent être contournés simplement en passant à la version HTTPS : « Puisque HTTPS obscurcit le chemin spécifique visité par un utilisateur, un censeur n’aurait d’autre choix que de bloquer tout Facebook (par exemple) ou rien ».
Les droits de l’homme
Une situation qui est quelque peu embarrassante pour le Canada qui aime se présenter comme étant un pays qui milite en faveur de l’égalité des genres. « Comme la politique étrangère du Canada met l'égalité des genres tout en haut de son agenda, la situation est évidemment très regrettable », a déclaré Ron Deibert, directeur de Citizen Lab. « Nous ne pouvons pas laisser faire une entreprise canadienne qui sape activement ces droits à l'étranger en permettant l'application d'une censure dans des pays, où ces droits ne sont pas respectés ou n'existent même pas ».
De plus, il faut noter que Netsweeper, comme plusieurs autres entreprises technologiques, reçoit un soutien financier de la part des autorités canadiennes. Elle a ainsi pu compter sur plusieurs bourses de recherche de la part de The National Research Council, pour un total de quelque 300 000 euros.
Que plaide l’accusé ?
Non-coupable. Netsweeper clame son innocence et affirme qu'elle n’est pas responsable de la façon dont ses filtres sont adaptés, après avoir été achetés. Ce à quoi Citizen Lab s’oppose en déclarant avoir effectué un test appelé 'beacon box', qui a mis en évidence que Netsweeper continue d'assurer des interactions avec les logiciels en local et qu'elle devrait donc savoir à quelles fins ses filtres sont utilisés.
Citizen Lab a rendu disponible sur GitHub son ensemble de données au complet


Source : Citizen Lab
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