Le Visa H-1B est un visa de travail temporaire créé dans le but de permettre aux entreprises américaines d’embaucher des employés venant de pays étrangers, et ce, en raison de leurs qualifications ou de leurs compétences particulières. Pour obtenir cette autorisation de séjour, vous devrez toutefois justifier d’un emploi aux USA, c'est-à-dire avoir signé un contrat de travail avec une entreprise dans le pays. Vous devez en effet à tout prix être parrainé par un employeur afin de faire une demande.
Ce visa offre des avantages nombreux et indéniables, raison pour laquelle il est particulièrement plébiscité et enregistre un nombre élevé de candidatures chaque année. Afin donc de protéger les travailleurs américains, mais également de préserver la stabilité économique américaine, le nombre de visas H-1B octroyés est limité chaque année. C’est surtout pour éviter que certaines entreprises en profitent pour transférer des emplois américains à des étrangers, qu’ils pourraient payer beaucoup moins cher, en vue de minimiser leurs charges.
En avril dernier, Donald Trump s’est attaqué à ce visa de travail. Le président américain a en effet signé une ordonnance intitulée « Buy American, Hire American » dans le cadre de sa volonté de resserrer les règles d'immigration. Trois mois plus tard, il y a quelques jours, le Service de Citoyenneté et Immigration des États-Unis (USCIS) a divulgué le nombre de visas H-1B délivrés au cours des deux dernières années par employeur. Auparavant, les données n'étaient disponibles que comme estimations pour les entreprises qui demandent des informations ou par demande en vertu du Freedom of Information Act.
Les données mises en ligne par le Service de Citoyenneté pour la première fois confirment que les soupçons relatifs aux entreprises ayant recours à ce type de visa sont bien vrais : un petit nombre d'entreprises de sous-traitance informatique obtiennent un nombre disproportionné de visas H-1B pour payer des salaires en dessous de la moyenne à leurs travailleurs.
Près de 4000 entreprises ont présenté des demandes de visa H-1B au cours de l'exercice fiscal 2016. Les 20 premières, à elles seules, ont parrainé 37 % de tous les visas délivrés et ce sont les entreprises de sous-traitance informatique qui forment le top 5.
Si elles dominent largement le programme H-1B, les plus grandes entreprises de sous-traitance informatique ont en moyenne payé des salaires beaucoup plus bas à leurs travailleurs ; des salaires en dessous de la moyenne pour les travailleurs H-1B.
Il faut rappeler que le principe de H-1B est d’octroyer des visas de travail à des personnes hautement qualifiées dont le profil serait difficile à trouver aux États-Unis, donc en général ayant fait des études très avancées dans leur domaine. Mais les données publiées montrent que plus de 98 % des demandes de visa H-1B approuvées au cours de l'année fiscale 2016 ont été décernées à des travailleurs ayant un bachelor ou un master. Pour la plupart des entreprises de sous-traitance informatique, la majorité des titulaires de visa H-1B ne possédaient qu'un bachelor ; ce qui indique du coup qu’il ne s’agissait probablement pas de personnes ayant des profils rares qu'il serait difficile de trouver aux États-Unis.
Détournement de l’objectif du visa H-1B par les entreprises de sous-traitance IT offshore
La plupart des employeurs aux États-Unis utilisent le programme H-1B avec modération, demandant un seul visa par an. Ils visent notamment un travailleur particulier pour une raison quelconque, comme une compétence spécialisée. Mais pour la plupart de ceux qui sont dans le top 10 des entreprises qui ont recours au programme H-1B, il s’agit du moyen par excellence de pourvoir à leurs offres d'emploi aux États-Unis. Cette situation a été notamment décriée l’an dernier par l’Economic Policy Institute (EPI), une association américaine à but non lucratif.
Dans des documents de la Securities and Exchange Commission, Cognizant Technology (numéro un dans le classement de 2016) décrit par exemple ses pratiques de ressources humaines comme suit : « La plupart de nos employés sont situés en Inde et la grande majorité de nos professionnels techniques aux États-Unis et en Europe sont des ressortissants indiens qui sont capables de travailler aux États-Unis et en Europe uniquement parce qu'ils possèdent des visas et des permis de travail valables. »
D’après l’EPI, si les entreprises de sous-traitance offshore en informatique dominent le programme H-1B, c’est surtout parce que c’est « extraordinairement rentable de remplacer des travailleurs américains par des travailleurs H-1B. Grâce au cadre juridique et réglementaire du visa H-1B, les travailleurs H-1B peuvent légalement être payés beaucoup moins que leurs homologues américains. Dans la réalité, parfois, les travailleurs H-1B sont 40 % moins payés que les Américains et, en plus, il est peu probable que les travailleurs H-1B se plaignent des salaires et des conditions de travail inférieurs aux normes puisque le visa de travail est contrôlé par l'employeur. » D’après l’association, « cela rend les travailleurs H-1B vulnérables, s'ils parlent, leur contrat est résilié. Cela signifie qu'ils devront partir immédiatement des États-Unis ou se retrouver sans-papiers. »
Comme l’expliquait également, le ministre indien du Commerce en 2007, le H-1B « est devenu le visa de sous-traitance. » L'objectif des entreprises est de transférer la plus grande partie possible du travail et des tâches informatiques aux travailleurs offshore dans des pays à faible coût, comme l'Inde. Le programme H-1B va ensuite jouer un rôle essentiel dans le transfert de ces contrats vers les États-Unis. Les entreprises pourront en effet facilement parrainer une demande de visa H-1B pour ces travailleurs étant donné qu’ils sont déjà liés par un contrat.
Faut-il également craindre que le French Tech Visa soit détourné à de telles fins obscures par les entreprises françaises ?
Comme les États-Unis, la France a récemment lancé son French Tech Visa. Il s’agit d’un visa renouvelable qui aura pour but d’attirer les talents et les porteurs de projets étrangers capables de renforcer l’écosystème de la tech française. Cette procédure avait été annoncée sous le mandat de François Hollande, mais c’est finalement après l’arrivée du nouveau président qu’elle verra le jour.
Pour décrocher la French Tech Visa, il faudra faire partie de l’une des trois catégories suivantes : fondateurs de start-ups, salariés ou investisseurs. C’est plutôt la deuxième catégorie (les salariés) qui nous intéresse ici. Un peu comme le visa H-1B, l’objectif est d’assurer l’afflux de travailleurs qualifiés pour soutenir la croissance de l’écosystème de la tech en France. Ainsi, les salariés doivent être titulaires d’un master et avoir un contrat de travail d’au moins trois mois au sein d’une entreprise française partenaire. Doit-on donc craindre que le French Tech Visa soit détourné par les entreprises IT comme le visa H-1B ? Quelles seront donc les conséquences sachant que le chômage parmi les développeurs et informaticiens ne fait que gagner du terrain année après année ?
Sources : Quartz, EPI, USCIS
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Faut-il également craindre que le French Tech Visa soit détourné à de telles fins obscures par les entreprises françaises ?
Voir aussi :
Le président français annonce le lancement du French Tech Visa et un fonds de 10 milliards pour faire de la France une nation startup
USA : l'administration Trump prévoit de ne plus rendre éligibles les développeurs informatiques au programme de visa H-1B
USA : le visa H-1B détourné par les entreprises de sous-traitance IT offshore
Pour embaucher des travailleurs étrangers qu'elles pourront payer moins
USA : le visa H-1B détourné par les entreprises de sous-traitance IT offshore
Pour embaucher des travailleurs étrangers qu'elles pourront payer moins
Le , par Michael Guilloux
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