Avec la mondialisation et la complexification de la finance internationale, les géants du net américains sont devenus très doués dans l’optimisation fiscale pour payer le moins d’impôts possible. En même temps, ces entreprises de par la nature de leur activité, continuent de tirer des profits records en collectant, stockant et exploitant des quantités gigantesques de données personnelles. Face à cette réalité, plusieurs experts sont préoccupés par la question de savoir comment mieux taxer les géants d’Internet qui continuent de profiter du caractère largement dématérialisé de leur activité pour payer moins d’impôts.
Certains se demandent s’il ne faudrait pas taxer ces géants du numérique en fonction de leur utilisation des informations personnelles de leurs utilisateurs, après tout, ces données constituent une mine d’or aujourd’hui qui permettent à ces entreprises d’engranger des profits énormes. En 2013, un rapport commandité par le gouvernement a évoqué cette idée, une proposition que l’économiste Thomas Piketty, désormais rallié à Benoît Hamon, trouve “intéressante”. Interrogé dimanche à ce sujet lors de l’émission Questions politiques, l’économiste s’est montré sensible à cette idée, y voyant deux avantages : « Je pense que c’est une idée intéressante qui permettrait de surcroit, au-delà des recettes fiscales, de mieux réguler l’utilisation qui est faite parfois de ces données ».
Toutefois, il rappelle que cette taxation ne pourrait en aucun cas remplacer l’impôt sur les sociétés, mécanisme central pour imposer les entreprises en fonction des bénéfices et que les géants du numérique essayent de contourner en recourant à des montages complexes. « Il y a un risque d’oublier le sujet principal qui est il est de faire payer un taux correct sur les bénéfices de Google, d’Amazon… Il faut juste se mettre ensemble et que la France, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie votent une assiette commune de l’impôt sur les sociétés. »
Pour M. Piketty, l’optimisation fiscale est une question de premier ordre. « On ne peut pas bénéficier du libre-échange comme l’Irlande ou le Luxembourg avec la France et l’Allemagne et siphonner la base fiscale du voisin. Ce n’est pas ça l’économie de marché, c’est du vol pur et simple. » Pour lui, il faut que plusieurs pays d’Europe s’allient et donnent l’exemple : « Pendant très longtemps, on disait : “regardez la Suisse, avec sa législation bancaire, on arrivera jamais à mettre fin aux abus.” Le jour où les États-Unis ont menacé les banques suisses de leur retirer leur licence bancaire, les banquiers avaient tellement peur de perdre leur accès au marché américain qu’ils ont changé toute leur législation. Des sanctions communes de la France, l’Italie et l’Allemagne contre les géants du Net qui ne respecteraient pas un certain nombre de règles de transparence en matière financière, fiscale, des données, cela ferait peur. »
Pour M. Piketty, la doctrine antitrust doit être remodelée du fait qu’elle n’a pas pris le virage du numérique. Or, tout effort devra prendre en compte « les problèmes très spécifiques qui se posent dans le secteur immatériel », à savoir les « effets de monopole naturel tenant à l’effet de réseau : ce n’est pas forcément que l’application créée par Facebook ou le moteur de recherche créé par Google soit 1000 fois plus génial que les autres ».
Plus de contrôle sur les géants de la tech
Thomas Piketty a rejoint l’équipe de campagne de Benoit Hamon, candidat du parti socialiste pour l’élection présidentielle de 2017. Le candidat de gauche a déjà inclus un volet fiscal à destination des géants du Net. Il veut asseoir plus de contrôle sur les actions des grands groupes et que les géants de la technologie américains paient leurs impôts en France, par le biais d’une fiscalité plus exigeante tant au niveau national qu’au niveau européen. Il compte « mettre en place un reporting public pays par pays pour toutes les entreprises afin d’identifier les activités de leurs filiales et de repérer les sociétés ‘boites aux lettres’. »
Benoit Hamon veut aussi que l’État exerce plus de contrôle en matière de propriété et d'exploitation des données. Il vise notamment à ce que les données conservées par les administrations publiques sur la population ne tombent pas aux mains des géants high-tech. Dans cette optique, Benoît Hamon envisage « plusieurs avancées pour permettre l’oubli et le droit au déréférencement, garantir le droit au consentement pour le traitement des données personnelles de chacun, le droit à la portabilité des données personnelles », mais aussi l’élaboration « d’algorithmes loyaux — non discriminatoires, fidèles, transparents — à l’inverse des recommandations présentées comme issues de statistiques alors qu’il s’agit de promotions commerciales. » Il compte également créer une « commission permanente sur les enjeux éthiques et sociaux liés aux avancées scientifiques et à la révolution numérique. »
Source : Le Monde
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Voir aussi :
Présidentielle : ce que propose le candidat du PS Benoît Hamon dans son programme pour le numérique et la technologie
Un économiste rallié à Benoit Hamon estime que pour cerner les géants du Net
Il faudrait appliquer une taxe sur les données personnelles
Un économiste rallié à Benoit Hamon estime que pour cerner les géants du Net
Il faudrait appliquer une taxe sur les données personnelles
Le , par Coriolan
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