
C’est pour en avoir le cœur net que le député Jean-Louis Gagnaire a interrogé la ministre de la Culture sur la question. Il estime en effet que « le marché de l'occasion est la solution légale pour tous ceux qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas se procurer la dernière version des jeux en vogue ». Il cite par ailleurs une étude menée par la Hadopi en 2013 qui montre que « 53 % des joueurs achètent plus facilement des jeux neufs lorsqu'ils savent qu'ils pourront les revendre d'occasion ». La Hadopi va même jusqu'à affirmer que « le marché de l'occasion apparaît comme un frein à l'acquisition illicite, surtout pour les jeunes joueurs au budget restreint », ajoute-t-il. À travers sa question, il demande donc au gouvernement comment il compte clarifier la question de la revente ou du pluri-téléchargement des jeux vidéo.
D’après la CJUE, le principe d'épuisement du droit de distribution s’applique aussi aux logiciels
Un problème soulevé par le député est que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) ne semble pas du tout être contre la revente ou le pluri-téléchargement des jeux vidéo. Un arrêt rendu par la CJUE en juillet 2012 explique en effet que « le principe d'épuisement du droit de distribution s'applique non seulement lorsque le titulaire du droit d'auteur commercialise les copies de ses logiciels sur un support matériel (CD-ROM ou DVD), mais également lorsqu'il les distribue par téléchargement à partir de son site Internet », a rappelé Jean-Louis Gagnaire.
Il faut surtout noter que le droit de distribution en question s'épuise après la première mise en vente de l'original ou de copies de l'œuvre. Autrement dit, on peut conclure que d’après la CJUE, il n'y aurait rien d'illégal à revendre un jeu vidéo acquis légalement, qu'il soit sur un support physique ou sous forme de logiciel disponible en ligne via téléchargement. Mais qu’en pense la ministre de la Culture ?
Le principe d'épuisement du droit de distribution ne peut s’appliquer aux jeux vidéo
Dans sa réponse, la ministre de la Culture précise avant tout qu'il « convient de distinguer la vente de jeux vidéo physiques (jeux pour consoles ou PC) et la vente dématérialisée qui suppose une exploitation de l'œuvre de manière immatérielle. Le cadre juridique actuel permet en effet la revente de jeux vidéo d'occasion dès lors que ceux-ci sont fixés sur un support tangible », dit-elle. Elle soutient que « tout particulier a aujourd'hui le droit de revendre un jeu vidéo fixé sur un support physique, acquis légalement. [Toutefois], la question de l'épuisement se pose différemment lorsque l'œuvre est exploitée de manière immatérielle. »
En ce qui concerne l’arrêt de la CJUE, la ministre de la Culture affirme qu’il faisait allusion aux logiciels, et ce serait une erreur de considérer les jeux vidéo comme de simples logiciels. « Cet arrêt de la CJUE soulève toutefois de fortes interrogations quant à sa portée et à son éventuelle extension à d'autres secteurs de la création », dit-elle. « La question est de savoir si cette jurisprudence peut s'appliquer aux jeux vidéo. Tel pourrait être le cas si les jeux vidéo étaient qualifiés de logiciels au regard du droit d'auteur. Or l'arrêt Cryo du 25 juin 2009 affirme qu'un jeu vidéo est "une œuvre complexe qui ne saurait être réduite à sa seule dimension logicielle, quelle que soit l'importance de celle-ci, de sorte que chacune de ses composantes est soumise au régime qui lui est applicable en fonction de sa nature". »
La ministre conclut donc qu’un particulier « ne dispose pas du droit de revendre d'occasion un jeu vidéo acquis de manière dématérialisée. Que cela concerne les jeux vidéo dématérialisés sur consoles (30 % du marché), les jeux vidéo sur PC, dont 90 % sont acquis par voie de téléchargement, ou encore les jeux mobiles destinés aux téléphones et aux tablettes, le jeu acquis ne peut pas faire l'objet d'une revente. »
Source : Question et réponse sur la légalité de revente ou du pluri-téléchargement des jeux vidéo
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