En mars dernier, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a annoncé avoir condamné Google à une amende de 100 000 euros pour n'avoir pas accepté de déréférencer des informations concernant des particuliers sur toutes les extensions de son moteur de recherche.
Pour rappel, la CNIL a demandé à Google d’étendre le droit à l’oubli à l’ensemble de ses domaines y compris les extensions non européennes. Google avait alors refusé de se plier aux exigences de la CNIL, brandissant avec force l’argument de la liberté d’expression et d’information, et s’est vu mis en demeure. L’américain a alors tenté un recours gracieux qui s’est vu rejeté. Aussi, en l’absence de mise en conformité de Google dans le délai imparti par la mise en demeure, la Présidente de la CNIL a décidé d’engager une procédure de sanction à l’encontre de la société. Un rapporteur a ainsi été désigné et une date d’audience devant la formation restreinte de la CNIL a été fixée au 28 janvier 2016.
Cependant, le 21 janvier 2016, soit une semaine avant l’audience de la formation restreinte, Google a fait une proposition. En plus du déréférencement sur toutes les extensions européennes de son moteur de recherche, Google s’est engagé à mettre en place un filtrage selon l’origine géographique de celui qui consulte le moteur de recherche. Concrètement, ceux qui consultent le moteur de recherche à partir du même pays d'origine que le plaignant ne verront plus le résultat déréférencé apparaître. Mesure qui a été loin de satisfaire la CNIL, estimant que cette solution de localisation géographique « ne permet pas aux personnes de bénéficier du plein effet de leur droit au déréférencement ».
Google a décidé de déposer un recours auprès du Conseil d’État pour contester la décision de la CNIL. L’américain estime que la CNIL est une institution française et qu'elle n'a aucune autorité en dehors de l'Hexagone. « Google respecte la décision de la Cour européenne dans tous les pays de l’Union européenne conformément aux critères définis par la Cour (le contenu doit être jugé inadéquat, non ou plus pertinent, excessif, et ne doit pas relever de l’intérêt public). Elle prend aussi en compte les consignes formulées par les autorités et les tribunaux de différents pays, afin de tenir compte des nuances en matière de protection des données. En Europe, nous avons désormais revu un million et demi de pages web et accepté près de 40 % des demandes qui nous ont été soumises. En France uniquement, nous avons examiné plus de 300 000 pages web et retiré environ la moitié d’entre elles », a estimé Kent Walker, directeur juridique de Google, dans une tribune sur Le Monde.
Et de continuer en disant « Mais la CNIL exige que nous fassions encore davantage. Elle nous demande d’appliquer le droit à l’oubli à toutes les versions de notre moteur de recherche et à tous nos utilisateurs dans le monde. Cette exigence conduirait au retrait de liens vers du contenu tout à fait légal, de l’Australie (google.com.au) au Zimbabwe (google.co.zm), et partout ailleurs dans le monde. Cette demande nous paraît excessive, du point de vue du droit comme des principes. Nous respectons les règles de tous les pays où nous sommes présents. Cependant, si nous devions appliquer la loi française partout dans le monde, combien de temps faudrait-il avant que d’autres pays – peut être moins libres et démocratiques – exigent à leur tour que leurs lois régulant l’information jouissent d’un périmètre mondial ? Ces demandes, si elles se multipliaient, aboutiraient sous peu à ce que des internautes français se voient privés d’informations parfaitement légales en France, au nom d’une loi étrangère. Il ne s’agit pas d’une hypothèse fantaisiste. Des autorités nationales nous ont déjà demandé, pour divers motifs, de retirer mondialement des contenus. Nous avons refusé, même lorsque cela a entraîné le blocage de nos services par ces autorités ».
« La CNIL en tant qu'autorité nationale en France n'a pas ce pouvoir, de par la loi française, d'imposer des mesures hors de ses frontières », a renchéri Yoram Elkaim, directeur juridique de Google EMEA. « Ce n'est plus un débat sur le droit à l'oubli, et d'ailleurs on ne le met pas en cause, c'est vraiment un débat plus général sur l'extraterritorialité, la disponibilité des contenus de par le monde [...] Si demain, on applique la décision de la CNIL de façon mondiale, on sera en position beaucoup plus faible pour continuer à défendre le principe de territorialité dans ces autres pays où on nous demande de retirer des contenus ».
Source : Le Monde
Droit à l'oubli : Google dépose un recours auprès du Conseil d'État
Pour contester la décision de déréférencement au niveau mondial
Droit à l'oubli : Google dépose un recours auprès du Conseil d'État
Pour contester la décision de déréférencement au niveau mondial
Le , par Stéphane le calme
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