Dans un contexte où Apple se voit opposé au FBI après avoir refusé de fournir aux forces de l’ordre une version modifiée de son système d’exploitation mobile iOS pour contourner les mécanismes de sécurité de son iPhone, l’association Amnesty International a publié son rapport « chiffrement : une question de droits de l’homme ».
« Dans le cas d’Apple, l'enjeu est de savoir si une future administration pourrait exploiter le prochain moment national de crise, et utiliser son accès à nos téléphones pour cibler des journalistes, ou persécuter des militants et des minorités », a souligné Naureen Shah, directeur de la sécurité et des droits de l’homme au sein de l’organisation.
« Le chiffrement est un prérequis de base pour la vie privée et la liberté d’expression à l’ère du numérique. Bannir le chiffrement serait comme bannir les enveloppes et les rideaux. Cela retire un outil fondamental pour que votre vie privée reste privée », estime Sherif Elsayed-Ali, le directeur adjoint d’Amnesty International pour les enjeux mondiaux.
« Les gouvernements qui tentent de fragiliser le chiffrement devraient y penser à deux fois avant d’ouvrir cette boîte de Pandore. Affaiblir la vie privée en ligne pourrait avoir des conséquences désastreuses pour les sociétés libres, particulièrement pour les activistes des droits de l’homme et les journalistes qui demandent des comptes à nos dirigeants ».
Dans son rapport, l’association met en garde contre les tentatives pour obliger les entreprises à concevoir des portes dérobées dans des logiciels de chiffrement. Il y est indiqué que ces mesures constituent une violation des textes internationaux relatifs aux droits de l’homme parce qu'elles minent indistinctement la sécurité des communications et des données privées de toute personne utilisant ces logiciels. De telles portes dérobées ne menacent pas seulement la vie privée, mais peuvent avoir un effet pernicieux sur l’exercice de sa liberté d’expression en plus d’exposer les données des individus à des menaces comme les cybercriminels qui subtilisent les informations relatives aux cartes bancaires des individus.
« Le cas d’Apple montre quel est l’enjeu dans le débat du chiffrement. Il ne s’agit pas uniquement d’un téléphone, mais plutôt de savoir si les gouvernements peuvent être en mesure d’imposer quelque chose sur la sécurité de logiciels qui protègent la vie privée de millions de personnes. Ouvrir une porte dérobée risque à la fois d’ouvrir une porte aux cybercriminels qui veulent pirater vos téléphones, mais également aux gouvernements qui veulent vous espionner et réprimer la critique », a avancé Sherif Elsayed-Ali.
L’association a rappelé qu’avec la censure en ligne et la surveillance qui représentent de plus en plus une menace pour les droits de l’homme, fragiliser le chiffrement peut avoir des conséquences sur la capacité des gens de par le monde à dénoncer la corruption et les malversations.
Aussi, Amnesty International a déploré le fait que plusieurs pays comme Cuba, le Pakistan et l’Inde, ont déjà établi une liste réduite d’entreprises qui peuvent chiffrer leurs communications ou de la puissance autorisée du chiffrement. D’autres comme la Russie, le Kazakhstan, le Pakistan et la Colombie vont parfois plus loin en les interdisant tout simplement.
Toutefois, l’association admet qu’il y a des circonstances limitées dans lesquelles le chiffrement peut être restreint, par exemple lorsque les restrictions sont nécessaires pour atteindre un but légitime, et sont proportionnées à l’objectif pour lequel elles sont imposées.
« Interdire ou fragiliser le chiffrement aura un résultat clair : nous rendre tous moins protégés et porter atteinte à notre vie privée. Certains gouvernements tentent de limiter le chiffrement, apparemment pour des raisons de sécurité, mais ils ne parviennent pas à prendre en compte les graves conséquences que l’affaiblissement du chiffrement aura pour la sécurité en ligne. C'est une vision à court terme qui est erronée », a conclu Sherif Elsayed-Ali.
Source : Amnesty International
Voir aussi :
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Amnesty International estime que le chiffrement est « une question de droits de l'homme »
à l'ère du numérique
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Le , par Stéphane le calme
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