Profitant d’un passage au Québec où il a été invité par l’université Laval et par le collège Dawson à parler de liberté numérique et de logiciel libre, Richard Stallman, le président fondateur de la Free Software Foundation et initiateur du mouvement du logiciel libre, s’est exprimé lors d’un entretien avec le quotidien montréalais Devoir.
« Il faut éliminer Facebook pour protéger la vie privée », a-t-il lancé sans détour, estimant que « sans cette vie privée, sans la possibilité de communiquer et d’échanger sans être surveillé, la démocratie ne peut plus perdurer ». Il estime que dans un monde où les communications sont surveillées, les possibilités de dénoncer les abus, de savoir ce que l’État fait diminuent forcément, avec à la clé une perte de contrôle du citoyen sur ce même État.
Le père du libre considère Facebook comme un service qui « utilise bien plus ses usagers que ses usagers ne l’utilisent » : « c’est un service parfaitement calculé pour extraire et pour amasser beaucoup de données sur la vie des gens. C’est un espace de contraintes qui profile et fiche les individus, qui entrave leur liberté, qui induit forcément une perte de contrôle sur les aspects de la vie quotidienne que l’on exprime à cet endroit ».
Richard Stallman craint que l’utilisation et la dépendance créée chez les utilisateurs aient des conséquences sociales et politiques délétères à plus ou moins long terme. D’ailleurs il avance « qu’on le voit avec l’informatique privative qui, depuis des années, ne laisse aucune place à l’alternative de l’informatique libre. Les entreprises qui soumettent les gens avec ces produits gagnent beaucoup d’argent, argent qu’elles utilisent pour amplifier l’inertie sociale qui bloque toutes les portes de sortie ».
Il soutient qu'une telle domination a des effets néfastes pour les gouvernements. Pourquoi ? En laissant leurs administrations publiques se placer sous le joug d’entreprises, ils perdent de leur pouvoir tout en ne servant pas très bien les citoyens qu’ils représentent. C'est pourquoi il explique « qu'une informatique publique dans l’intérêt du peuple n’est pas une informatique dont le contrôle est dans les mains d’entreprises privées qui cultivent le secret sur leurs codes informatiques. Le logiciel privatif surveille ses utilisateurs, décide de ce qu’il est possible de faire avec ou pas, contient des portes dérobées universelles qui permettent des changements à distance par le propriétaire, impose de la censure. Lorsqu’on l’utilise, on se place forcément sous l’emprise de la compagnie qui le vend. Avec ce pouvoir, le propriétaire est tenté d’imposer des fonctionnalités pour profiter des utilisateurs. On ne peut décider librement du code que l’on installe ou pas. On est donc forcément soumis et moins libre ».
« Les gouvernements ont un rôle important à jouer pour combattre ces injustices en s’échappant des cadres privatifs dans lesquels ils se sont placés. Le système scolaire, aussi, doit apporter sa contribution en n’imposant plus la dépendance des élèves à des entités informatiques privées. Il ne devrait enseigner que le logiciel libre. C’est la seule façon de regagner collectivement la liberté perdue et de reprendre le contrôle sur des activités qui nous ont d’ores et déjà échappé », a-t-il dit en guise de conclusion.
Source : Le Devoir
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