
a décidé un juge fédéral de New York
James Orenstein, un juge fédéral de New York, s'est prononcé en faveur d'Apple sur l'affaire l'opposant au FBI. Pour demander la coopération d'Apple, l'injonction se basait sur le All Writs Act, une loi datant de l'ère coloniale (dans sa forme originale elle fait partie intégrante du Judiciary Act de 1789), qui autorise les cours fédérales américaines à « émettre toutes les ordonnances nécessaires ou appropriées à l’appui de leurs juridictions respectives et conformément aux usages et aux principes du droit ».
Il faut préciser que, pour que cette loi puisse être invoquée, quatre conditions doivent être réunies au préalable :
- l’absence d'alternatives : la loi n'est applicable que lorsque d'autres outils légaux ne sont pas disponibles ;
- une base indépendante pour la juridiction : la loi autorise les ordonnances pour aider la juridiction, mais ne crée pas en elle-même un objet de juridiction ;
- nécessaire ou approprié pour aider la juridiction : l'ordonnance doit être nécessaire ou appropriée pour le cas d'espèce ;
- usages et principes de la loi : le All Writs Act exige que les tribunaux émettent des ordonnances « acceptables aux usages et aux principes de la loi ».
Notons que, pour ce cas de figure, il ne s'agit pas de demander à Apple de fournir des données en sa possession (chose que l'entreprise accepte de faire), mais plutôt de fournir au FBI une version modifiée de son système d'exploitation iOS pour permettre de déverrouiller le téléphone.
Dans une argumentation s'étalant sur des dizaines de pages, le juge James Orenstein a estimé que le All Writs Act ne saurait s'appliquer à des instances où le Congrès avait l'opportunité (mais ne l'a pas saisie) de créer une autorité afin que le gouvernement puisse obtenir l'aide qu'il recherche comme s'assurer que les entreprises ont un moyen d'obtenir les données d'un téléphone chiffré. Il estime que cette position adoptée par le gouvernement transforme le All Writs Act en « une loi à portée limitée visant à combler les vides [juridiques] pour s’assurer du fonctionnement souple du système judiciaire lui-même, en un mécanisme bouleversant la séparation des pouvoirs en déléguant à l’autorité judiciaire des pouvoirs législatifs ». Selon lui, seul le Congrès est habilité à prévoir dans la loi ces éventuelles obligations de coopération auxquelles seront soumises les entreprises ; le fait qu'un tribunal se serve du All Writs Act pour étendre la portée de la loi est anticonstitutionnel.
Il a déclaré que l'interprétation faite par le gouvernement de cette loi est « absurde » dans le sens où elle va autoriser ce que le gouvernement recherche même si tous les membres du Congrès avaient voté contre l'octroi d'une telle autorité. Cela va porter atteinte « à la protection plus générale contre la tyrannie que les Fondateurs pensaient nécessaire en séparant minutieusement les pouvoirs gouvernementaux ».
« Le gouvernement a pris la décision qu’il valait mieux s’assurer une telle autorité crypto-législative par les tribunaux (dans des procédures qui ont toujours été, au moment du dépôt du présent recours, mises à l’abri du regard du public), plutôt que de prendre le risque d’ouvrir un débat législatif qui pourrait produire un résultat qui lui sied moins », a regretté le juge. « Le débat doit avoir lieu aujourd'hui, et il doit avoir lieu entre les législateurs qui sont suffisamment armés pour considérer les réalités technologiques et culturelles dans un monde que leurs prédécesseurs n'auraient pas pu ne serait-ce que commencer à concevoir ».
Il a également estimé qu'ordonner à Apple d'aider le FBI à déverrouiller le dispositif en question donnerait lieu à une charge déraisonnable à l'entreprise. Il faut rappeler qu'Apple avait expliqué dans la plaidoirie de sa demande d'annulation que des employés allaient être assignés à la tâche sur un temps qui avait été estimé à deux semaines au minimum.
Aucun des facteurs que le juge a examinés pour ce cas ne « justifie qu'il soit imposé à Apple d'aider le gouvernement à mener son enquête contre sa volonté ».
Une porte-parole du département de la justice a expliqué que le DoJ est déçu par cette décision et fera appel. « Comme les documents judiciaires que nous avons fournis au préalable le montrent, Apple a expressément convenu d'aider le gouvernement à avoir accès aux données sur cet iPhone (comme il l'a fait plusieurs fois par le passé pendant de telles circonstances) et a changé de cap dès lors que la demande d'aide du gouvernement a été rendue publique par le tribunal », a avancé Emily Pierce, la porte-parole du DoJ. « Ce téléphone pourrait contenir des éléments de preuves qui nous aideront à mener activement cette enquête criminelle et nous allons continuer de nous servir du système juridique dans notre tentative de l'obtenir ».
Pour Alex Abdo, un avocat de l'American Civil Liberties Union, cette décision « envoie un message fort, notamment que le gouvernement ne peut pas contourner le débat national en essayant de concevoir de nouveaux pouvoirs en se servant des tribunaux ». En se basant sur le raisonnement du juge, il soutient que « si le tribunal rejette la demande du gouvernement à New York, alors la demande du FBI à San Bernardino est aussi nécessairement illégale ».
Source : décision de justice (au format PDF)
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