En France, 27 % des personnes qui ont regardé des films, des séries TV et autres vidéos en ligne ont payé pour y avoir accès, notamment via un abonnement ou par le biais d'achats individuels. Et 32 % des citoyens qui n'ont pas encore d'abonnement en ligne estiment que la possibilité d'accéder, lors d'un voyage à l'Étranger, aux films, à de la musique ou à des livres électroniques qu'ils auraient achetés serait un facteur important dans la décision de souscrire un tel service. Ainsi, le marché des contenus légalement disponibles a-t-il un potentiel de croissance exponentiel et comporte-t-il une forte dimension transfrontalière.
Face à ces constats, le rapport Julia Reda a été adopté le 9 juillet dernier. Par la suite, la Commission européenne a présenté sa stratégie de réforme du droit d'auteur pour adapter la directive de 2001 au numérique. Cependant, au lieu de revoir dans son ensemble la directive et d'y insérer des mesures positives afin de rééquilibrer les règles de droit d'auteur en tenant compte des usages, la Commission a préféré fragmenter la réforme sur le système actuel et son évolution.
Andrus Ansip et Günther H. Oettinger
Un premier texte législatif qui évoque une proposition de règlement sur la portabilité des services en ligne a été publié. Ici, il est question de chercher à permettre aux individus, lors de leurs déplacements au sein de l'UE, d'accéder au contenu en ligne accessible légalement dans leur pays d'origine, via des abonnements ou des offres de vidéo à la demande par exemple. Il est également question d’aider les entreprises à vendre au-delà de leurs frontières. Aussi, le plan d’action de la Commission repose sur quatre piliers.
- Élargir l’accès aux contenus dans toute l’Union : par exemple, un utilisateur français du service de films et de séries à la demande MyTF1 ne peut pas louer de nouveaux films lorsqu'il est en voyage d’affaires au Royaume-Uni. Un abonné néerlandais de Netflix qui se rend en Allemagne ne peut visionner que les films proposés par Netflix aux abonnés allemands. En Pologne, il ne peut pas en visionner du tout, Netflix n’étant pas disponible dans ce pays. Cette situation va changer. Lorsqu’ils voyageront dans l’Union, les utilisateurs auront accès à leur musique, à leurs films ou encore à leurs jeux vidéo comme s’ils étaient chez eux.
- Prévoir des exceptions au droit d’auteur pour une société innovante et inclusive : les exceptions permettent, dans certaines circonstances, d'utiliser des œuvres protégées sans autorisation préalable des titulaires de droits. La Commission révisera les règles de l’Union afin de permettre aux chercheurs d'utiliser plus facilement les techniques de fouille data mining et de text mining pour analyser de grandes séries de données. L’éducation constitue une autre priorité. Par exemple, les enseignants qui donnent des cours en ligne devraient bénéficier de règles plus claires et plus efficaces qui s'appliquent dans toute l’Europe. En outre, la Commission souhaite aider les personnes malvoyantes à accéder à un plus grand nombre d’œuvres (c’est l’objet du traité de Marrakech). Enfin, elle évaluera l'opportunité de réduire l’incertitude juridique pour les internautes qui mettent en ligne leurs photos de bâtiments et d’œuvres d’art situés de manière permanente dans des lieux publics (« liberté de panorama »).
- Créer un marché plus juste : la Commission évaluera si l’utilisation en ligne des œuvres protégées par le droit d’auteur, qui sont le résultat de l’investissement des créateurs et des industries créatives, est dûment autorisée et rémunérée au moyen de licences. En d’autres termes, elle cherchera à déterminer si l’utilisation en ligne de ces œuvres profite équitablement à toutes les parties concernées. Dans ce contexte, la Commission se penchera sur le rôle des services d’agrégation d’actualités. Elle adoptera une démarche proportionnée – l'intention n'étant pas de « taxer » les hyperliens. Autrement dit, les utilisateurs ne seront pas tenus de payer des droits lorsqu’ils mettront simplement en ligne un lien hypertexte vers des contenus protégés par le droit d’auteur. La Commission cherchera également à déterminer s'il est nécessaire, au niveau de l’Union, de renforcer la sécurité juridique, la transparence et l’équilibre du système qui régit la rémunération des auteurs et des artistes interprètes en Europe, en tenant compte des compétences des États membres et de l’Union. Les résultats de la consultation publique en cours sur les plateformes et les intermédiaires en ligne contribueront à la réflexion générale.
- Lutter contre le piratage : une plus grande offre légale en ligne contribuera à lutter contre le piratage, sachant que 22 % des Européens estiment que des téléchargements illégaux sont acceptables s’il n'existe pas d’alternative légale dans leur pays. La Commission ira plus loin, en veillant à ce que le droit d’auteur soit respecté dans toute l’Union dans le cadre de son approche globale visant à mieux protéger tous les droits de propriété intellectuelle. En 2016, elle travaillera sur un cadre européen pour « suivre l'argent » (l'approche «follow the money») et interrompre les flux financiers vers les entreprises qui font des profits grâce au piratage. Tous les partenaires concernés (titulaires de droits, prestataires de services de paiement et de publicité, associations de consommateurs...) y participeront, l'objectif étant d’aboutir à des accords au printemps 2016. La Commission entend également améliorer les règles européennes sur la protection des droits de propriété intellectuelle, avec, comme première étape, le lancement aujourd'hui d'une consultation publique sur l'évaluation et la modernisation du cadre juridique existant. Elle examinera enfin les moyens de rendre plus efficace la suppression des contenus illicites par les intermédiaires en ligne.
Andrus Ansip a déclaré : « il y a sept mois, nous avons promis d'agir vite en faveur du marché unique du numérique. Aujourd'hui, nous présentons nos premières propositions. Nous voulons garantir la portabilité transfrontière des contenus en ligne. Ceux qui achètent légalement du contenu – films, livres électroniques, matches de football, séries télévisées – doivent pouvoir l’emporter où qu’ils aillent en Europe. C'est un réel changement, à l’instar de ce que nous avons fait pour mettre fin aux frais d’itinérance. Aujourd’hui, nous présentons aussi notre vision d'un cadre moderne pour le droit d'auteur en Europe, ainsi que la manière dont nous comptons le mettre en place. Notre objectif est d’améliorer l’accès des Européens aux contenus culturels en ligne et de soutenir les créateurs. Nous voulons renforcer la recherche et le développement en Europe, notamment par le recours à des technologies de fouille telles que le text and data mining. L'accomplissement du marché unique numérique est notre objectif ultime afin d'offrir à l’Europe sa place dans l’ère numérique. Nous faisons aujourd'hui le premier pas pour y parvenir ».
De son côté, Günther H. Oettinger a expliqué que : « le règlement proposé aujourd'hui est la première étape d'une réforme ambitieuse. Je compte sur les colégislateurs pour que la portabilité transfrontalière devienne une réalité pour les consommateurs européens d’ici à 2017, afin qu’ils puissent profiter de leurs contenus préférés lors de leurs déplacements en Europe, sans crainte des frais d’itinérance qui prendront fin d’ici à la mi-2017. Notre plan d’action fournit les orientations pour la poursuite des réformes, au printemps de l’année prochaine : nous voulons un cadre pour le droit d’auteur qui soit stimulant et juste, qui récompense l’investissement dans la créativité et qui facilite, pour les Européens, l’accès légal aux contenus ainsi que leur utilisation. Nos travaux en cours sur le rôle des plateformes et des intermédiaires en ligne contribueront également à traduire notre plan en propositions concrètes ».
Source : communiqué de presse Commission européenne
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