Ce qu’ils voulaient mesurer en particulier était ce qu’ils ont appelé le coût de l’interruption. « L’un des types de coût d’interruption supplémentaire serait le temps de revenir à une tâche interrompue après avoir traité l’interruption », a expliqué le rapport. Il convient ici de nuancer les contextes des interruptions puisque quelqu’un pourrait être en train de travailler et être interrompu par un sujet tout à fait différent (par exemple des questions sur le budget alors que la personne n’est pas en train de traiter un document en rapport avec les finances). « Si l’interruption a un contexte différent de la tâche actuellement menée, cela pourrait conduire à un coût de l’interruption puisque cela implique un changement cognitif de contexte pour pouvoir y répondre et la personne devrait par la suite se réorienter pour achever la tâche interrompue ».
D’un autre côté, quelqu’un pourrait être interrompu par une question dans le même contexte que la tâche sur laquelle il planche. « Cela pourrait être profitable, cependant, si l’objet de l’interruption et la tâche première sont semblable, cela pourrait conduire à des interférences et donc entrainer des interférences ».
Mais il y a également des situations où les contextes de distraction peuvent importer peu. Dans ce cas, toute distraction peut entrainer des coûts. L’étude a donc été pensée pour vérifier ces hypothèses.
L’univers a été constitué par 48 personnes. 81% du panel était constitué par des étudiants universitaires allemands avec un âge moyen de 26 ans. La plupart était spécialisé en psychologie (27,1%), médecine / sciences (16,7%), ou en mathématiques / ingénierie / informatique (10,4%). Quinze étaient des hommes et 33 étaient des femmes.
Pour les besoins de l’étude, les chercheurs ont stimulé un environnement de bureau et choisi que les tâches devaient être effectuées par courriel, outil très souvent sollicité dans ce cadre. Selon les directives, les sujets devaient se mettre dans la peau d’un gestionnaire de ressources humaines dans une moyenne entreprise d’approvisionnement artisanal. Ils venaient juste de rentrer de vacances et ont reçu comme consigne de répondre à tous les courriels dans leur messagerie aussi rapidement, correctement et poliment que possible. Ils ont reçu une fiche avec des canevas de réponses qu’il devait suivre pour donner suite à des courriels par exemple niveau dans l’entreprise et scolaire du personnel, heures supplémentaires, etc. Les sujets devaient répondre à 12 courriels quel que soit le type d’interruption auquel il faisait face.
Au départ, aucune interruption n’a été provoquée et le panel a répondu aux questions comme dans une entreprise, ce qui a constitué la condition de base. Par la suite, un « superviseur » les appelait de façon sporadique pour leur poser des questions relatives aux ressources humaines (par exemple combien d’employés, y compris vous, êtes dans le département aujourd’hui ?). Ces questions étaient donc dans le même contexte que la tâche initiale. Par la suite, le superviseur les appelait pour leur poser des questions qui n’avaient rien à voir avec les ressources humaines et sur des sujets pris au hasard pour stimuler le type d’interruption qui pourrait être créées en condition réelle en entreprise (comme de combien de hamburgers avons-nous besoin pour 240 employés ?).
Les chercheurs ont alors dressé un tableau des variables dépendantes. L’une d’elle était le temps total pour effectuer une tâche. Les chercheurs ont déduit à chaque fois le temps total des interruptions (ce temps étant de zéro pour la condition de base). Si le temps pour effectuer une tâche était plus grand avec des interruptions, alors cela pouvait révéler qu’un temps additionnel était nécessaire pour finir une tâche après une interruption. D’autres variables ont également été prises en compte comme le stress, la frustration ou encore la pression du temps pour constituer un autre tableau.
Les résultats des chercheurs ont montré que toute interruption introduit un changement dans le modèle de travail et ne sont donc pas liées en soi au contexte. « Etonnamment, nos résultats montrent qu’un travail interrompu est effectué plus vite. Nous proposons une interprétation. Lorsque les gens sont constamment interrompus, ils développent un mode de travail plus rapide (et écrivent moins) pour compenser le temps qu’ils savent qu’ils vont perdre à cause de cette interruption. Cependant, travailler plus vite avec des interruptions à son prix ; les gens qui sont dans des conditions d’interruptions font l’expérience d’une charge de travail plus lourde, de plus de stress, de frustration, de plus de pression du temps mais fournissent également plus d’efforts (…) nos résultats suggèrent que les interruptions ne changent pas uniquement le rythme du travail mais également les états mentaux et les stratégies ».
Par la suite, pour la recherche de Mark, des observateurs ont été envoyé observer dans l’ombre des travailleurs (qui en étaient informés) dans de nombreuses entreprises financières mais aussi technologiques pendant trois jours et demi, a expliqué Mark à Fast Company. Les chercheurs ont enregistré les activités de chaque travailleur ainsi que le temps que leur prenait chaque tâche. Ils ont découvert que près de la moitié des interruptions provenaient d’eux même, comme travailler sur un projet et changer d’onglet pour parcourir son mur Facebook, contrairement à une interruption causée par un collègue qui vient parler d’un projet.
« Les gens doivent changer leurs ressources cognitives ou attentionnelles pour l’orienter vers un sujet complètement différent. Vous devez complètement changer votre façon de penser, cela vous prend un moment pour y revenir et vous rappeler où vous vous étiez arrêté », a expliqué Mark.
Et pour ceux qui pensent être des exceptions, le consultant en management d’entreprise Peter Drucker, à l’origine de nombreux concepts utilisés dans le monde de l’entreprise (comme l’esprit d’entreprise et l’innovation systématique), a écrit un livre appelé « The Effective Executive » où il s’adresse à ceux-là. « Il y a eu Mozart, bien sûr. Il pouvait, à ce qu’il paraît, travailler sur plusieurs compositions au même moment, toutes des chefs d’œuvre. Mais il est la seule exception connue. Les autres compositeurs prolifiques de première catégorie – Bach par exemple, Handel, Haydn ou Verdi – composait une pièce à la fois. Ils ne commençaient pas la suivante à moins d’avoir fini la précédente ou à moins d’avoir arrêté de travailler dessus à l’instant et l’avoir rangé dans le tiroir. Les cadres peuvent difficilement prétendre être des ‘cadres Mozarts’ ».
Source : résultat de l'enquête (au format PDF), Fast Company, The Effective Executive
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