Le Premier Ministre, qui a présenté le projet de loi sur le renseignement en procédure d’urgence le 19 mars dernier, n’a pas manqué de s’insurger contre « les accusations insupportables quand il s'agissait de mettre en cause les aspects liberticides de ce texte ». Un projet de loi qui a soulevé des oppositions larges, argumentées et vigoureuses de la part de nombreuses associations de défense des libertés, de collectifs, de syndicats de magistrats et d'avocats, de l’association française des victimes du terrorisme, du Conseil National du Numérique mais également des autorités administratives françaises telles que la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) ou la CNCDH (Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme).
« Le projet de loi sur le renseignement a mis en jeu des questions qui sont au fondement même de notre démocratie : libertés fondamentales, séparation des pouvoirs, contrôle de la puissance publique. L'attitude du gouvernement et le vote indigne des députés montrent à quel point un sursaut citoyen est absolument nécessaire pour sauvegarder les principes démocratiques de notre pays. Nous en appelons aux sénateurs pour qu'ils reprennent la main sur ce projet de loi, et demandons aux nombreux citoyens qui se sont mobilisés contre de ne surtout pas relâcher la pression sur les parlementaires » s'indigne Philippe Aigrain, co-fondateur de La Quadrature du Net, le même jour où le projet a été adopté.
La Fondation Mozilla s’est également fait entendre en expliquant que, tel qu’il est écrit actuellement, le projet de loi menace l’intégrité de l’infrastructure d’internet, la vie privée des utilisateurs ainsi que la sécurité des données. Le projet de loi permet en particulier :
- d’opérer une surveillance et un stockage généralisé des communications, métadonnées et activités web de tous les utilisateurs en France et à l’étranger ;
- obliger les fournisseurs d’accès à internet (et potentiellement d’autres acteurs du numérique) à installer des « boîtes noires » sur leurs réseaux afin de recueillir des quantités énormes de données et d’utiliser des algorithmes pour y rechercher des « comportements suspects » ;
- intercepter les communications, y compris en lisant les courriels et en mettant les téléphones sur écoute, sans procédure judiciaire sérieuse ni supervision ;
- mettre en danger l’infrastructure internet en France et au-delà de ses frontières.
Mozilla s’inquiète du fait que les législateurs semblent avoir accordé peu d’attention à la myriade de voix qui se sont élevées pour exprimer les inquiétudes que cette loi inspire. La Fondation regrette également que toutes les dispositions, sur lesquelles elle avait mis une emphase dans un précédent communiqué, aient été votées dans le projet de loi adopté par l’Assemblée Nationale.
« Il y a une profonde discordance entre les discussions ouvertes et constructives qui ont été menées sur la scène internationale et la trajectoire suivie par la France, ainsi que son indifférence vis-à-vis des inquiétudes exprimées sur ce sujet » a avancé Mozilla qui a illustré ses propos en prenant pour exemple le fait que le gouvernement français était absent de la conférence annuelle de la « Coalition pour la Liberté en Ligne » (Freedom Online Coalition) qui s’est tenue la semaine dernière en Mongolie (et ce en dépit du fait que la France soit l’un des membres fondateurs de ce groupe de 26 gouvernements engagés dans la lutte pour la liberté sur internet).
Désormais, l’avenir de ce projet de loi repose dans les mains du Sénat. Aussi, Mozilla exhorte ses membres à défendre les engagements internationaux de la France en plus de répondre de manière significative aux inquiétudes qui ont été soulevées par de nombreuses parties prenantes. La Fondation conclut en appelant la France, en tant que leader international dans la défense des droits de l’homme dans le monde, à être un exemple pour les autres gouvernements plutôt que de poursuivre sur une voie qui érode les protections des utilisateurs et qui met en danger l’ouverture d’internet.
Source : blog Mozilla
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