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JayGr
Disons que j'ai l'impression que tu vois ça comme une surveillance par la peur qui diminue nos libertés fondamentales. Je le conçois. Maintenant la question que je me pose est la suivante : N'est-ce pas un bien pour un mal ?
Ma façon de voir les choses en fait, qui est plutôt devenu une réflexion après t'avoir lu, c'est que finalement si l'on ne fait pas ça, que fait-on ?
Puisque aujourd'hui la sécurité physique et moral de nos concitoyens passe par le numérique (et donc le téléphone pour faire le parallèle avec l'article quand même...) qui est omniprésent. C'est là que ta façon de voir les choses me pose problème.
C'est qu'en voulant à tout prix défendre la liberté à son extrême on finit par la mettre en danger. N'oublions pas que sans sécurité, et je parle bien de sécurité et pas de sûreté, il n'y a pas de liberté. Se sentir en danger est-il réellement plus intéressant que se sentir surveiller ?
J'aime à penser que tous les esclaves ne sont pas des révolutionnaires en puissance, ni que tous les maîtres sont des sadiques : il se peut tout à fait qu'il y en ait qui préfèrent leur situation d'esclave parce qu'ils estiment que leur maître est plus apte à décider pour eux. Et je n'ai rien contre ça. En revanche, il serait extrême de l'imposer. Aujourd'hui, l'esclavage est (en théorie) aboli, mais chacun peut se contraindre au travers de contrats de façon à déléguer les responsabilités (le patron décide ce qui doit être fait et les employés ne sont que des exécutants). Je ne m'étend pas sur le sujet, sinon on risque d'en revenir à l'esclavage par le travail, le revenu de base, etc., et c'est pas le sujet. L'important ici étant de noter qu'on est passé d'une imposition à un choix, au moins jusqu'à un certain degré (on peut faire mieux, mais ça me semble quand même mieux qu'avant). L'extrême dans l'autre sens est tout aussi critiquable : être libre implique d'assumer ses actions, mais il serait extrême de dire que telle personne doit être emprisonnée en partant du principe qu'elle a forcément agit de manière consciente et volontaire sur l'unique raison qu'elle est libre. On sait aujourd'hui que tout ne s'effectue pas de manière consciente : une conséquence imprévue, un état (e.g. ébriété) qui fait perdre le contrôle de soi, une maladie mentale qui décroît les capacités de jugement, etc. Ici aussi, on est passé d'une généralisation abusive à une application personnalisée.
Par conséquent, quand tu parles de "défendre la liberté à son extrême", je ne peux qu'être d'accord avec toi par principe : le trop est l'ennemi du bien. Aller dans l'extrême n'est jamais réellement profitable, quel qu'il soit. Or c'est précisément ce que fait cette loi, mais dans l'autre sens : on ne cherche plus à personnaliser, mais à généraliser. La critique ne va pas sur la surveillance en elle-même, mais sur son côté généralisé. On ne cherche pas à identifier des terroristes (1 champs d'application de cette loi, il y en a 7), mais à identifier des comportements dits
"déviants", ce qui veut dire des comportements qui sortent du lot (toute minorité est déviante par définition). En bref, si tu n'es pas un mouton, tu es placé d'office dans les gens à potentiellement surveiller, peu importe la raison. Ensuite, c'est aux services de renseignement de décider si ta déviance est "intéressante" ou pas, mais là c'est de l'ordre du secret défense.
Un autre point est que seuls les algos -et leurs propriétaires, donc le gouvernement- auront l'info nécessaire pour savoir qu'est-ce qui est déviant. Pour savoir cela, il faut avoir l'information sur l'ensemble (ou au moins la majorité) de façon à pouvoir comparer, impossible donc pour les citoyens (et par extension l'Assemblée Nationale qui fait office de contre-pouvoir au gouvernement) de savoir qui serait potentiellement surveillé ni pourquoi. Certes j'exagère, il y a la CNCTR, mais celle-ci n'est là qu'à titre consultatif. Elle ne peut bloquer aucune décision et, si elle estime que ça va trop loin elle ne peut que passer par le Conseil d'État. Autant dire que ça n'a de contrôleur que le nom. Toute boulette ne sera corrigée que a posteriori, une fois que le mal sera fait, et à la condition que celle-ci soit vue.
Autrement dit, je suis d'accord avec ce que tu dis du point de vue qu'il ne faille pas aller à l'extrême, mais là où je met le doigt c'est que c'est précisément ce qu'on reproche, mais dans l'autre sens : la loi renseignement va trop loin.
Enfin, quand tu dis que "sans sécurité, et je parle bien de sécurité et pas de sûreté, il n'y a pas de liberté", il va falloir que tu développes. Mais là je te renvois à ce post de Maître Eolas qui traite fort bien le sujet :
http://www.maitre-eolas.fr/post/2015...sons-la-notice

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JayGr
Je ne défend pas l'un ou l'autre... J'essaie simplement de comprendre et de me positionner. Et disons qu'en retournant les points de vues dans tous les sens je comprends les deux.
=> Alors où est le juste milieu pour toi ? Pour vous ?
Ça on pourrait en discuter longtemps, mais ce n'est pas ici que LA réponse se trouvera. Ce genre de chose est à voir en débat publique, avec des discussions riches où chacun échange ses points de vue et où les avis se forgent progressivement avant d'aboutir à un consensus. Et non comme l'a fait le gouvernement : en faisant une loi dans son coin pendant 2 ans puis en passant par une procédure accélérée pour la faire voter. Ce point là a aussi été critiqué à maintes reprises, y compris au sein même de l'Assemblée Nationale pendant la discussion des amendements.

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JayGr
C'est un petit peu vrai et un petit faux en même temps non ?
Finalement pour trouver ceux qu'ils ont trouvés il fallait bien faire une surveillance de masse.
Après peut-être qu'on se concentre trop sur ça. Et qu'on devrait maintenant investir dans de l'humain plutôt que dans des outils.
Non, la surveillance de masse n'est en rien nécessaire, bien au contraire. Les auteurs des derniers attentats en France étaient déjà connus et surveillés depuis belle lurette. Ce qui a manqué, c'est l'efficacité, et non l'information. La surveillance généralisée n'apporte que plus d'information, et non plus d'efficacité. Il faut ensuite mettre les moyens derrière pour que l'information soit traité efficacement, et c'est là que le bas blesse : la NSA n'a, à ce qu'il paraît, pas déjoué un seul attentat grâce à sa surveillance de masse, qui a donné énormément de faux positifs et donc surchargé ses services. Et c'est ce à quoi on s'attend avec cette loi renseignement.
Et c'est là qu'être contre ce projet de loi prend tout son sens : si l'expérience nous montre que ce n'est pas efficace, alors que c'est précisément d'efficacité dont on a besoin, pourquoi donc devrait on permettre l'instauration d'une telle loi alors que celle-ci peut avoir des effets pervers sur notre société ? On peut être dans le tout sécuritaire, mais il faut quand même rester pragmatique. On ne se met pas des contraintes s'il n'y a pas d'avantages derrière.
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