
Envoyé par
Beanux
J'essaye simplement de trouver une raison plausible et d'essayer de comprendre pourquoi cette loi "doit" passer.
Il est très difficile de tenter une analyse de causalité sur un événement qui implique un grand nombre de facteurs. D'autant plus lorsque parmi ces nombreux facteurs, certains ne sont pas publics; donc nous n'avons pas toutes les pièces du puzzle. C'est la raison pour laquelle le temps aide à l'analyse politique, car avec le temps, certaines pièce du puzzle peuvent apparaître. Par exemple, lorsque N. Chomsky analyse les documents déclassifiés du gouvernement américain, il est capable de produire des analyses exceptionnelles; mais ces analyses concernent des faits qui se sont produits au moins 30 ans plus tôt.
Cela dit, la difficulté de la tâche ne doit pas nous astreindre à la résignation. Donc je propose mon analyse. Il s'agit d'opinion, je me permet donc de ne pas sourcer, ni de construire une argumentation réellement construite.
La question est: "Cette loi est inutile et liberticide, pourquoi donc nos élus l'ont écrite et approuvée?".
Si on attaque le problème selon une approche systémique (ou sociologique; par opposition à une approche psychologique, qui tenterait de comprendre ce qu'il se passe précisément dans la tête de ces élus), alors on peut voir deux choses apparaître.
1/ Les élus font partie de ce que Bourdieu appelait un "champ social" bien précis. Il s'agit d'un champ social qui regroupe une certaine élite éduquée: hauts fonctionnaires, médiacrates, une certaine partie du grand patronat, etc. Ce champ social est très particulier à bien des égards, mais la particularité qui m'intéresse ici est la suivante: il est tout petit en terme de population (ces gens-là sont peu nombreux), mais il a un énorme pouvoir. C'est ce qu'on appelle parfois l'aristocratie (au second sens).
Depuis Machiavel, nous savons que ce petit groupe de population a peur de "la masse" constituée par l'ensemble des autres citoyens. Et à juste titre: leurs privilèges ne sont (à ma connaissance) jamais légitimes, et ils sont en infériorité numérique. Comme disait La Boétie: ils sont forts parce que nous sommes faibles. Ils nous apparaissent fort, mais en réalité ils sont faibles, et ils en sont conscient. Par conséquent, ils doivent se protéger. Et ils ont trouvé, vers le milieu du XXème siècle, la meilleure façon de se protéger: un mélange de fabrication du consentement et de contrôle a-priori. Tout le monde sait ce qu'est la fabrication du consentement, en revanche on connait moins l'idée de contrôle a-priori. Le contrôle a-priori consiste à savoir ce qui va se passer pour stopper un événement le plus tôt possible, et si possible, avant qu'il ne se produise. Pour prévoir qu'un événement va se produire, il faut contrôler au maximum, il faut tout savoir.
Selon cet angle de vue, on peut considérer que le comportement de ces élus, lorsqu'ils ont voté cette loi, est une sorte d'instinct de survie. Instinct de survie au sens darwinien, sauf qu'il ne s'agit pas d'une espèce, mais d'une classe sociale (ou plutôt d'un champ social).
2/ L'analyse marxiste ne me semble pas non plus stupide: il y a une guerre de classes, les politiciens sont du côté des riches, ils ont besoin de nous contrôler, nous les pauvres. Simple mais efficace.
En guise de conclusion, je pense que nous avons une image biaisée de ce qu'est un grand politicien (député, ministre, sénateur, ...) aujourd'hui. Il faut comprendre que ces gens-là passent une grande majorité de leur temps à faire de la communication. Ils n'ont pas le temps, ni l'envie, de s'intéresser aux détails des lois qu'ils votent et des amendements qu'ils proposent. Ils n'écrivent ni ne votent les lois avec leur raison, mais avec leurs tripes, ou en fonction de leur intérêt direct (essentiellement des intérêts stratégiques). C'est pourquoi, si on souhaite analyser leurs comportement, il ne faut pas chercher du côté de l'éthologie (bien que cela puisse être amusant, j'en conviens), mais plutôt du côté de la sociologie.
Souvent on se demande pourquoi nos politiciens sont si "nuls". En fait, ils ne sont pas "nuls", ce sont même les meilleurs sur un point: se faire élire. Mais se faire élire est une chose (c'est essentiellement de la com' et de la stratégie), alors que le travail qu'ils sont sensé effectuer, faire de la politique (au sens premier, celui d'Aristote), en est une autre. Et moi je crois qu'en vérité, ces gens-là ignorent tout de la politique (au sens premier toujours), et que même s'ils en avaient envie, il n'auraient pas le temps de s'en occuper. Parce que c'est bien simple, et moi qui gravite dans différents partis, syndicats et associations depuis 15 ans, je vois bien comment ça fonctionne. Si dans le tas il y en a un ou une qui fait réellement de la politique, il ne montera jamais dans la hiérarchie, et que ce soit dans un parti, un syndicat, ou une association, ce sont les "beaux parleurs", les pros de la com', qui montent en grade.
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