Ce projet de loi assez controversé a pour objectif de renforcer la lutte contre le terrorisme, tout en encadrant les ressources utilisées par les services de renseignement français. Le projet tire sa source d’un constat : « la France est la seule démocratie occidentale à ne pas avoir de cadre juridique sur les pratiques de ses six services de renseignement, laissant ceux-ci opérer dans des zones grises à la merci de condamnations de la Cour européenne des droits de l'homme. »
Le texte bénéficie du soutien de l’UMP au nom de l’unité contre le terrorisme, depuis les attentats meurtriers de janvier dernier qui ont fait 17 morts.
Le projet est cependant critiqué sur plusieurs points par les défenseurs des libertés et des entreprises de l’IT, qui estiment qu’on passera « d’une surveillance ciblée » à une « surveillance de masse », qui portera atteinte à la vie privée des Français.
En effet, en cas d’adoption de cette loi, les services de renseignements pourront en toute légalité avoir recours à des techniques d’accès à l’information pour intercepter les échanges en lignes, les communications téléphoniques, poser des cameras, des micros ou des balises, installer les logiciels espions, etc. partout ou ils estiment nécessaire.
Les agents n’auront plus à avoir recours à un juge afin d’obtenir une autorisation dès lors qu’ils estiment que les données collectées sont relatives aux intérêts publics suivants :
- La sécurité nationale ;
- Les intérêts essentiels de la politique étrangère et l'exécution des engagements européens et internationaux de la France ;
- Les intérêts économiques et scientifiques essentiels de la France ;
- La prévention du terrorisme ;
- La prévention de la criminalité et de la délinquance organisées ;
- La prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique.
L'un des points les plus controversés concerne les « Imsi-catchers », des appareils qui permettent, en imitant le fonctionnement d'une antenne-relais, d'intercepter les téléphones portables, leurs données de connexion ou d'écouter les conversations.
Pour les échanges en ligne, l’aspect qui attire le plus l’attention est l’implémentation d’un algorithme sur les réseaux d’opérateurs, qui permettra de détecter par une « succession suspecte de données de connexion » une « menace terroriste ». Ce système est qualifié de « boite noire » par les opposants.
Les hébergeurs français sont montés au créneau et ont appelé le Premier ministre à abandonner le projet de loi. « Imposer aux hébergeurs français d’accepter une captation en temps réel des données de connexion et la mise en place de « boîtes noires » aux contours flous dans leurs infrastructures, c'est donner aux services de renseignement français un accès et une visibilité sur toutes les données transitant sur les réseaux », notent ceux-ci dans une missive adressée à Manuel Valls. « Les entreprises et les particuliers choisissent un hébergeur sur des critères de confiance et de transparence, qu'il ne sera plus possible de respecter, car seuls les services de l'État auront, directement ou indirectement, le contrôle et la connaissance de ces données. »
Les hébergeurs français font savoir qu’un nombre important de leurs clients (représentant 30 à 40% de leur chiffre d’affaires) sont basés à l’étranger, et ceux-ci ont choisi la France pour la protection de leurs données personnelles. « Ces clients viennent parce qu’il n’y a pas de Patriot Act en France, que la protection des données des entreprises et des personnes est considérée comme importante. Si cela n’est plus le cas demain en raison de ces fameuses boîtes noires, il leur faudra entre 10 minutes et quelques jours pour quitter leur hébergeur français », affirment ceux-ci.
Un projet qui pourrait donc leur contraindre à l’exile, puisqu’ils s’éloigneront de la France pour la construction des Datacenter. Ce qui ne manquera pas d’avoir un impact sur l’économie du pays.
De plus, cette disposition ouvrira la voie à la collecte d’une masse importante de données, dont les services de renseignement auront du mal à faire les tris avec les ressources qu’ils disposent. « l’efficacité de ce dispositif de boite noire nous semble plus que douteuse, car il concerne moins de 5 000 personnes en France. Une organisation terroriste bien structurée saura échapper à ces mesures. Un loup solitaire sera noyé dans la masse des informations colossales et donc difficilement détectable », mettent en exergue les hébergeurs.
Toutefois, il y aura la mise sur pied d’une Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) qui devra au préalable donner son avis à chaque déploiement de ces techniques. Cependant, sa constitution (neuf membres, pouvant décider avec la présence de quatre d’entre eux), fait encore débat.
Le vote de l’Assemblée est prévu pour le 5 mai, après deux semaines de vacances parlementaires. Pour les hébergeurs français, il est clair que « ce projet n'atteindra pas son objectif, mettra potentiellement chaque Français sous surveillance, et détruira ainsi un pan majeur de l’activité économique de notre pays. »
Source : AFP, Legifrance, Message des hébergeurs français
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