Lors d’une interview avec le New York Times, Laszlo Bock, qui était alors le Vice-Président aux ressources humaines chez Google, a avancé que « nous avons regardé des dizaines de milliers d'entrevues ainsi que ceux qui les avaient fait passer et qui ont noté les entrevues et les notes attribuées aux candidats, mais également les performances des candidats dans leur travail. Nous n’avons trouvé aucune relation. Ça a été cafouillage complet, sauf pour une personne qui était hautement prédictif parce qu'il n’a fait passer des entretiens qu’aux candidats dans un domaine très spécialisé, où il s'avérait qu'il possédait la plus grande expertise dans le monde »
Et de continuer « vos résultats scolaires et vos résultats de tests ont peu de valeur dans les critères qui peuvent vous faire embaucher (…) Après deux ou trois ans, votre habileté à évoluer au sein de Google est totalement désolidarisée de vos performances à l’école parce que les compétences dont vous aviez besoin à l’université sont différentes (…) Les environnements académiques sont des environnements artificiels. Les gens qui s’en sortent là-bas sont en quelque sorte finement formés, ils sont conditionnés pour réussir dans cet environnement ».
De plus, d’après les résultats menés par Google, « en parlant de l’embauche, nous avons constaté que les casse-têtes sont une perte totale de temps (…) ils ne permettent pas de prédire quoi que ce soit. Ils servent principalement à faire que l’interviewer se sente intelligent ».
Dans un billet, l’ingénieur Thomas Ptacek rejoignait un peu ce résultat en expliquant que « l’entretien de l’ingénieur logiciel ne marche pas. Les entreprises devraient cesser de s’y fier. Les équipes avisées vont supplanter leurs pairs en concevant des programmes alternatifs d’embauche. Dans des années, nous verrons l’entrevue du développeur en 2015 comme un anachronisme qui s’apparente à embaucher un violoncelliste d’orchestre avec un test de personnalité et un questionnaire sur sa théorie de la musique plutôt qu’une audition en aveugle. ». Mais alors pourquoi les entreprises persistent-elles avec ces méthodes ?
Pour le blogueur Danny Crichton, « peu de profession semblent si ouvertement hostiles à leurs membres actuels comme l’est l'ingénierie de logiciels (...) nous nous attendons à ce que les gens fassent de l'ingénierie en direct sur un tableau blanc dans les conditions d'entrevue stressantes parce que, bon, parce que c’est comme ça que nous avons toujours fait... Dans un moment d'austérité de l’ingénieur, nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de jeter tant de talent ».
Il faut quand même reconnaître quelques points essentiels :
- tout d’abord, les tests techniques sont des processus répétitifs relativement mesurables du point de vue de l’entreprise. Tout le monde comprend comment ils fonctionnent. Vous vous retrouvez en face de quelques questions, il y a des critères pour évaluer les réponses ainsi qu’une certaine rigueur. Les employés techniques peuvent mener l’entrevue ;
- les entreprises veulent séparer le bon grain de l’ivraie suffisamment tôt ;
- il y a ce qu’on appelle le talent et les entreprises veulent pouvoir repérer les candidats qui en disposent assez vite. Même si les entretiens techniques traditionnels sont perçus comme étant plus enclins à conduire à des faux négatifs qu’à des faux positifs, un faux positif étant perçu comme le scénario catastrophe : embaucher un mauvais ingénieur au lieu de deux bons ;
- l’attribution d’un projet de test (qui peut s’avérer être une alternative aux entretiens techniques) même s’il est difficile de proposer aux candidats des projets réels qui sont à la fois significatifs et vont occuper les candidats pendant quelques jours. D’un côté les candidats pourraient demander à être rémunérés pour le temps passé dessus ou le rejeter sous prétexte qu’ils ont déjà un autre travail et ne peuvent pas mettre autant d’effort sur un projet spéculatif, d’un autre côté les entreprises peuvent craindre que leurs projets soient plagiés ou même externalisés ;
- raison pour laquelle les références et les recommandations personnelles demeurent une technique de recrutement technique encore très en vogue ;
- … ce qui peut en partie expliquer pourquoi les statistiques des rapports sur la diversité sont si catastrophiques dans l’industrie de la haute technologie.
Alors si nous devions proposer des alternatives aux tests techniques qui seraient à la fois profitables au candidat, mais également à l’entreprise ? Voici ce que Bock proposait « au lieu de cela, ce qui pourrait bien fonctionner ce sont des entretiens comportementaux structurés où vous avez une rubrique cohérente pour la façon dont vous évaluez les candidats (…) les entretiens comportementaux peuvent également marcher – où vous ne posez pas une question hypothétique, mais vous commencez avec une question du genre ‘donnez-moi un exemple d’une fois où vous avez du résoudre un problème analytique difficile’. L’une des choses les plus intéressantes avec l’entretien comportemental est que lorsque vous demandez à quelqu’un de parler de sa propre expérience et vous creusez dans ce sens, vous obtenez deux genres d’informations. L’une qui vous permet de voir comment le candidat réagit en situation réelle et l’information précieuse ‘meta’ que vous obtenez est de prendre connaissance de ce que le candidat considère comme difficile ».
Source : NYT, blog Thomas Ptacek
Et vous ?
Qu'en pensez-vous ? Êtes-vous pour ou contre les entretiens techniques ? Pour quelles raisons ?
Si vous êtes contre, pouvez-vous proposer un processus de sélection alternatif qui serait plus productif selon vous ?