La protection des données personnelles, sujet largement débattu sur les médias depuis les révélations de Snowden, refait à nouveau surface au Canada. Cette fois, il s’agit non pas d’une affaire d’espionnage, mais du refus pour un passager de divulguer le mot de passe de son téléphone lors d’un contrôle de douane.
Les faits remontent à lundi dernier lorsque Alain Philippon, ressortissant québécois, arrive à l’aéroport international Stanfield d’Halifax à Nova Scotia après avoir effectué un voyage en République Dominicaine. Ce dernier se soumet sans difficulté aux formalités douanières. Mais contre toute attente, il lui est demandé de communiquer le mot de passe de son téléphone portable BlackBerry en vue d’une inspection de son contenu. Ce dernier refuse systématiquement de se soumettre à cette dernière mesure, ce qui lui vaut une garde à vue et la saisie de son téléphone.
Le motif avancé par l’Agence des services frontaliers du Canada est une violation de l’article 153.1 (b) de la loi douanière canadienne qui stipule que « Nul ne peut, physiquement ou autrement… tenter d’entraver, de rudoyer ou de contrecarrer, un agent qui fait une chose qu’il est autorisé à faire en vertu de la présente loi, ni empêcher ou tenter d’empêcher un agent de faire une telle chose ».
Dans le cas d’espèce, il est imputé à Alain Philipon d’avoir empêché l’officier des services de douane de l’agence canadienne d’inspecter l’article détenu par ce dernier à l’entrée du pays. Il faut préciser que la loi ne dit pas explicitement qu’un tiers doit lors d’un contrôle de douane fournir un mot de passe d’un équipement électronique qu’il détient pour faciliter le travail des agents des gouvernements.
Ce cas qui est un premier dans son genre suscite de vifs débats dans le pays de l’érable, car l’issue de cette affaire fera certainement l’objet de jurisprudence pour tous les autres cas similaires. Nous soulignons que s’il est juridiquement démontré que le passager en question a violé la loi, il risque jusqu' un an d’emprisonnement et une amende allant de 1000 $ à 25 000 CAD.
Pour mieux apprécier la portée de cette affaire, on peut également se référer au précédent qui a eu lieu en 2006 lors d’un contrôle de douane aux USA. En effet, arrivé à la frontière américaine, Sebastien D. Boucher qui revenait d’un séjour au Canada avait allumé son ordinateur portable. Pendant le contrôle, l’officier de douane aperçoit des images pédophiles sur l’ordinateur portable de ce dernier. Le PC est saisi et éteint et Boucher est mis aux arrêts. Lorsqu’il est à nouveau allumé quelques jours plus tard, la partition sur laquelle se trouvaient les images pédophiles est chiffrée avec PGP Disk.
Lors du premier procès qui a eu lieu sur cette affaire Boucher, le juge affirma qu’il est impossible de contraindre une personne à produire des preuves qui l’incriminent. Cela va à l’encontre du 5e amendement qui protège les personnes contre tout acte favorisant l’auto-inculpation. Dans un second procès en appel, le second juge ordonna à Boucher de produire une version chiffrée des images aperçues par l’agent de douane le jour du contrôle. Boucher accède donc à son PC et permet aux autorités de voir les images pédophiles sur son PC. Les forces de l’ordre ont pu confirmer, par cet acte, la présence de la partition Z qui abritait les données pédophiles. Ne pouvant utiliser directement les données pour son inculpation, les autorités ont établi un lien entre ces données et le propriétaire. Ce dernier a été condamné pour transport interétat de données pédophiles.
Toutefois, Alain Philippon n’en est pas encore là. Aucune donnée pédophile ou immorale n’a été découverte sur son téléphone. Seul son mot de passe lui a été demandé pour parcourir le contenu de son téléphone.
Dans bien des cas, cela pourrait aider à appréhender des criminels. Mais jusqu’où devrait-on aller pour y arriver ? L’arrestation des délinquants de tout genre justifie-t-elle de fouler aux pieds les valeurs de la vie privée ? Le débat est à nouveau relancé avec cette affaire dont le procès débutera le 12 mai de l’année en cours. En attendant, Alain a été relaxé après avoir payé une caution.
SOURCE : CBC News
Et vous ?
Que pensez-vous de cette affaire ?
Que pensez-vous de la réaction d’Alain Philippon ?
Canada : il risque la prison pour avoir refusé de donner le mot de passe de son portable
Pendant un contrôle douanier
Canada : il risque la prison pour avoir refusé de donner le mot de passe de son portable
Pendant un contrôle douanier
Le , par Olivier Famien
Une erreur dans cette actualité ? Signalez-nous-la !