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Sodium
On n'est pas seuls au monde.
Oui, il y a toujours la possibilité de vivre alternativement à la norme.
Si je n'aime pas notre système politique, je peux toujours aller vivre sur une île déserte.
L'homme est un animal sociable. Si tous mes contacts utilisent Facebook, je peux soit les oublier et me faire de nouveaux potes/amis/famille sur des trucs libres utilisés par trois barbus à 2000km de chez moi, soit me résigner à l'utiliser. Ce n'est pas pour autant que je ne peux pas me permettre de critiquer le service lorsqu'il va à l'encontre du respect de ma vie privée.
Google s'est rendu indispensable en s’immiscent dans chaque partie de notre vie. Aujourd'hui un commerçant peut soit se plier aux règles de Google pour apparaître en tête des résultats d'une recherche, soit fermer boutique. Il faudra que tu m'expliques ce que sont dans ses alternatives.
Google investit aujourd'hui dans la santé, demain ils auront peut-être droit de vie ou de mort sur une grande partie de l'humanité. Le plus inquiétant est qu'il y en a que ça n'inquiète pas.
Bonjour,
cette remarque est passionnante. J'y réfléchis depuis ce matin. Et je suis arrivé à la conclusion, partielle, que le fond du problème n'est pas tant l'aspect normatif de la chose, que sa praxis performative. Je m'explique.
En gros, la question qui vous soulevez est celle posée par Jacques Ellul: d'un côté, nous nous méfions des normes et nous ne cessons de lutter contre elles. Mais d'un autre, nous avons besoin d'elles, car ce sont elles qui créent un cadre dans lequel nous pouvons nous entendre, donc vivre ensemble. Autrement dit, bien que nous devons les remettre constamment en question, ces normes sont indispensables. Certains philosophes vont plus loin, comme par exemple Spinoza, et pensent que ces normes sont dans notre nature*. Plus précisément, il est dans notre nature (ontologie) de créer ces normes. Et je pense que la vraie question est donc là: puisque ces normes sont inévitables, la question est de réfléchir à la façon dont nous les créons. Il s'agit donc d'un problème de pratique quotidienne (praxis) et de l'influence que ces pratiques quotidiennes ont sur la construction de ces normes (l'aspect performatif de la praxis).
Et cet antagonisme pose tout un tas de problème. Par exemple, prenons le cas d'un individu qui vit dans une société dont les normes ne lui conviennent pas. Il y a trois grandes lignes de conduite. La première, la plus simple, est la fuite. La seconde, la plus répandue, est l'acceptation. Le dernière, est la lutte. Cette dernière est noble, mais c'est la plus difficile. Lutter contre les normes demande de l'énergie et des sacrifices. Par exemple, le fait d'être considéré comme un marginal est un sacrifice. C'est la raison pour laquelle il est préférable de lutter contre une tendance performative avant qu'elle ne devienne une norme.
Lorsque je discute de ces histoires de normes et de praxis performative, j'utilise souvent l'exemple de l'emprunt (d'argent). Lorsqu'on y réfléchit de façon parfaitement objective, le principe de l'emprunt est assez étrange, très peu naturel. Il est aujourd'hui une norme (presque tout le monde est endetté), mais cette norme n'est pas naturelle, et a été créée par une praxis performative. Je suis personnellement d'avis que cette norme là est néfaste, mais comment lutter contre elle? Rien que par mon point de vue, je suis déjà marginalisé, donc mon influence est déjà limitée.
Avec les nouvelles techniques, la construction des normes (l'aspect performatif) est en train d'évoluer. Les algorithmes prennent une part de plus en plus importante dans cette construction, et c'est peut-être ce qu'il y a de plus inquiétant. Certains chercheurs planchent dessus, mais c'est extrêmement complexe. Ici par exemple, une étude intéressante de Antoinette Rouvoy:
clic.
Enfin bref, tout ceci est passionnant mais pour ma part, j'ai plus de questions que de réponses...
* cette distinction entre nature et condition (ontologie et contingence) peut paraître inutile, mais elle est en fait primordiale. Il est en effet indispensable de distinguer la cause et la conséquence (le symptôme et la maladie).
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