Du Hardware, encore plus de Hardware
Sous l’œil décalé du philosophe et académicien Michel Serres, invité d’honneur de cette rentrée, le Président de Microsoft France, Alain Crozier, a confirmé que Microsoft avait pris plusieurs virages.
Le plus visible est certainement celui qui en fait un constructeur dans plusieurs segments de marché très distincts. « Nous allons encore plus vers la conception de devices (sic) », résume le dirigeant. Xbox One, Kinect, deuxième version de la tablette Surface… et rachat de Nokia - dont personne ne parlera pour cause de procédure en cours : Microsoft n’est plus uniquement un éditeur mais un vrai industriel qui fait aussi du hardware.
« Microsoft se réinvente », enchaine Alain Crozier. Y compris en interne, dans son organisation. Le marketing de toutes ses branches est pour la première fois centralisé. Une évolution qui fait suite à la réorganisation de l’entreprise annoncée en début d’année par Steve Ballmer.
Steve Ballmer, justement. Le PDG qui a pris la suite de Bill Gates prépare sa sortie qui adviendra dans les 12 prochains mois. Suscitant au passage toutes les spéculations sur son successeur (Stephen Elop de Nokia, Paul Maritz ancien PDG de VMWare, Reed Hastings co-createur de Netflix ou… Bill Gates).
« J’aimerais rappeler que sous sa présidence, Microsoft a multiplié son chiffre d’affaires par 4 » souligne le dirigeant de la filiale française, comme pour faire taire les critiques et les moqueries, souvent injustes, contre un président aux interventions certes étranges mais trop sous-estimé.
Windows Phone : vers un cercle vertueux ?
Il n’en reste pas moins que Steve Ballmer lui-même ne cache pas ses regrets d’avoir mal négocié le virage vers la mobilité. Sous ses ordres, Microsoft a pris un retard conséquent sur Apple et Google (Android).
Un retard qui serait cependant en passe d’être rattrapé si l’on en croit Microsoft.
« Windows Phone est numéro 3 en France, lance fièrement Marc Jalabert, Directeur de la division Grand Public et Opérateurs, et nous visons la deuxième place ». Sur les dernières semaines, Windows Phone aurait gagné un point de part de marché par mois. Le Lumia 520, à 149 €, serait également devenu LE best-seller des opérateurs.
Mais surtout, un chiffre intéressera les développeurs qui travaillent sur la plateforme. Windows Phone a atteint les 11 % de part de marché en France. « C’est une étape importante. Nous avons remarqué que la barre des 10 % est celle qui permet de rentrer dans un cercle vertueux pour iOS et Android » constate Marc Jalabert. Le potentiel commercial des apps devrait donc, si sa prédiction se réalise, lui aussi décoller.
Avec l’arrivée de nouveaux terminaux et d’une gamme complète (520, 625, 925 et 1020) disponible pour la première fois pour les fêtes de fin d’année, Microsoft se montre particulièrement confiant pour son OS mobile.
Autre élément de satisfaction pour l’éditeur, la galerie a dépassé les 170.000 applications, dans 231 marchés, en plus de 100 langues (chiffres officiels du jour).
Windows 8.1 : le diable était dans les détails
Qui dit mobilité dit smartphones mais aussi tablettes et laptops. Et donc, pour Microsoft, Windows 8.1. Une autre évolution – un léger pas en arrière ? – qui devrait aider à enterrer Windows XP et à faciliter les transitions depuis Windows 7.
Démo de David Catuhe : un Drone piloté depuis Windows 8.1
« Nous avons écouté nos clients. Windows 8 a révolutionné le PC », affirme Alain Crozier. Peut-être même un peu trop. Dans son style plein d’humour, David Catuhe, responsable de l'expertise développeurs, confirme sans langue de bois. « Quand ils ont vu qu’il n’y avait plus le bouton démarrer, certains de nos utilisateurs ont pris feu ». La 8.1 le réintroduit.
Mais l’essentiel est ailleurs : plus de tailles de vignettes pour la Modern UI (ne dîtes plus « tuiles » !), possibilité de booter sur le desktop, liste en plein écran des applis installées, classées par ordre alphabétique ou par fréquence d’utilisation, possibilité d’ouvrir jusqu’à 4 applications sur la même fenêtre, fond d’écran unifié entre la Modern UI et le bureau (« cela donne l'impression que les interfaces se mélangent au lieu de s'ajouter »)… Autant de soi-disant petites nouveautés qui débusquent le diable qui se nichait dans les détails de Windows 8. Et qui font de Windows 8.1 l’aboutissement « user friendly » de l'OS hybride de Microsoft.
Du Cloud, plein de Clouds
Le troisième grand défi de Microsoft, avec les « devices » et la mobilité, est la bataille du Cloud. Un domaine où l’éditeur « est incontournable » pour le Président de Microsoft France.
Incontournable pour le grand public (Outlook.com, Xbox Live ou Skype (sic)), comme pour les entreprises. « Notre CRM online multiplie ses clients et son chiffre d’affaires par deux chaque année, la moitié du CAC 40 utilise Office 365, et Azure a atteint les 250.000 clients ! » s’enthousiasme le PDG.
Azure. Véritable fer de lance de la stratégie de Microsoft. Tous les services à la demande de l’éditeur s’appuient en effet sur l’infrastructure de cette plateforme.
Tous les services hébergés de Microsoft s'appuient sur Windows Azure
Pour contrer AWS, leader sur le marché IaaS et PaaS, l’offre bénéficie encore d’un gros effort d’investissement industriel. Le nombre de datacenters Windows Azure continue en effet d’augmenter (« une dizaine de la taille d’un terrain de foot »).
Côté utilisateur, le Cloud dédié aux développeurs joue de plus en plus la carte de l’ouverture. « Tous les langages, tous les frameworks, tous les OS sont les bienvenus : tout marche sur Azure ! », conclut Jean Ferré.
PRISM et Confidentialité
Reste la délicate question de PRISM, dont certaines études montrent que l’affaire d’espionnage par la NSA des données hébergées en ligne, pourrait avoir un impact (négatif) conséquent sur les revenus des éditeurs américains.
Le PDG de Microsoft France le sait. Et il prend les devants. Après s’être félicité des résultats de son Cloud, il enchaîne « chez Microsoft, nous ne lisons pas les mails de nos clients ; nous n’utilisons pas les données de nos clients à des fins commerciales, et c’est comme cela depuis 15 ans ».
Et à part Azure, quoi de neuf pour les Devs ?
Objectivement, les développeurs n’étaient pas au centre de cette rentrée. Mais il serait faux de dire qu’ils ont été oubliés. Simplement le sujet a été abordé sous un angle spécial : celui de la démocratisation.
Pour Jean Ferré, Directeur de la division Développeurs, Plateforme et Écosystème, « la vision initiale de Bill Gates a été de mettre un PC sur chaque bureau. Aujourd’hui la vision de Microsoft est que tout le monde doit pouvoir développer une application ».
Le sujet est sensible et Jean Ferré souligne tout de suite que toutes les applications – et donc tous les développeurs – ne sont pas identiques. Le développement en .NET ou avec DirectX demande incontestablement plus de compétences que l’utilisation d’un « app generator » comme la beta de « Windows Phone App Studio ».
Mais la réalité est là. « Nous voulons démocratiser l’accès au développement » répète Jean Ferré. Il faut donc s'attendre à une nouvelle concurrence – par le bas – pour les programmeurs.
Jean Ferré, Directeur de la division Développeurs, Plateforme et Écosystème
La seule vraie annonce pour les développeurs est au final celle de l’arrivée de Visual Studio 2013 et de ses fonctionnalités encore plus poussées de collaboration (TFS). La prochaine version de l’EDI est officiellement prévue pour le 13 novembre à New-York.
Pas sûr que tous les « Moonlighters » (expression de Microsoft pour désigner les developpeurs du soir ou « du dimanche ») soient intéressés.
A l’opposé, ceux qui touchent au .NET/C#/C++ retiendront surtout de cette rentrée la date de cette sortie très attendue.
Source : Reportage Developpez.com, 24/09/2013