Bonjour à tous,
Merci «
dutilleul » ; vous êtes à la retraite et c’est, me semble-t-il, bien dommage : vous auriez de l’avenir en matière de
bon sens...
Parce que je ne suis pas développeur professionnel ; et je ne le serai JAMAIS. Mais j’ai la chance de faire un métier qui a une
conscience temporelle semble-t-il infiniment plus développée que celle des développeurs...
Aujourd’hui encore, il est plus facile d’accéder aux archives de la guerre de Sécession (1860-1865) qu’à celles du Viêt Nam (1954-1975), juste parce que la seconde a utilisé des techniques plus sophistiquées que la première. Et là, les enfants, y’a quand même de graves questions à se poser sur la fonction même que vous occupez dans la société parce que ça me semble dépasser largement le simple rejet d’une balise HTML. Quand vos propres enfants ne seront même pas capables de lire ce que vous leur aurez laissé pour des raisons de compatibilité de format, il sera toujours temps de revenir à la plume d’oie et l’encrier. Okay, à l’image d’un cercle familial, l’image est évidemment outrée ; réfléchissez quand même à ce qu’elle peut être en l’élargissant à celle d’une société.
Parce que si le Web est bien une révolution qui à l’ampleur de celle de l’imprimerie (XVe) ce serait, il me semble, une bonne idée de ne pas remettre en œuvre la totalité de son fondement tous les quatre matins. C’est quoi
quinze ans dans une vie d’humain ? Combien de gens ont appris le HTML, parce que c’était
SIMPLE, donc potentiellement
DURABLE pour publier du
contenu (car, voyez-vous,
voilà le but) ? Même si je vis — plus que jamais — au XXIe siècle, quand me prend l’envie furieuse de faire un meuble, j’ai
encore la possibilité de le faire à la main, sans dégauchisseuse ni raboteuse, avec des outils dont l’acier fut fondu il y a plus de quatre générations et avec des
zoulis-zoulis assemblages à queues d’arondes comme on en faisait 1000 ans avant J.-C. (Jean-Claude, pour les intimes), que même dans trois siècles ils seront parfaitement en place si on y fait juste un peu gaffe...
Évidemment, les assemblages
modernes de Monsieur
Y-qu’est-A, ils sont (en apparence) beaucoup plus propres que les miens. La technologie pour les produire ressemble au quatre lignes de code CSS qui remplacent mes vieux
<blink></blink> (avec un
k et sans
g ;
merci). C’est réglable à souhait, mais dans dix ans cela ne fonctionnera plus parce qu’un génial concepteur aura trouvé forcément beaucoup mieux. D’ailleurs en dix ans, on n’a pas manqué de normaliser du CSS aujourd’hui obsolète (Cf. plus haut). Donc, si j’ai à retoucher ce
merdier, c’est comme les moteurs super-propres d’aujourd’hui, je dois y passer (moi ou le petit chinois qui travaille 60 heures par semaines), au final, beaucoup plus d’énergie que si j’avais juste eu à nettoyer mon delco. Vous les trouvez vraiment plus «
propres », ces
tours de Babel ? Ça ne vous vient pas à l’idée de voir que l’accumulation de ces petits renoncements fait qu’au final, tout devient extrêmement compliqué avec un gain d’amélioration de fonctionnalité inversement proportionnel ?
Deux internets sont en train de se créer : celui des riches pollueurs qui ne savent pas produire autre chose que de la
forme, et celui des pauvres qui s’attachent encore au
fond. Les seconds ont un avantage : ils n’ont pas besoin des premiers sauf quand ceux-ci font tout pour se rendre indispensables. L’inverse est par contre impossible ; sans fond, il n’y a pas de forme... Dans tous les cas, les pauvres se foutent royalement du réglage en millisecondes d’un clignotement, conscient du fait que ce n’est pas (et ne sera jamais) un
but, mais un
moyen. Il y a une
intelligence de la pauvreté ; vous ne trouvez pas ?
Évidement, la balise
<blink>, je vous accorde que ce n’est pas la mer à boire de s’en défaire ; c’était bien un truc de bonne murge pondu dans un esprit potache dont on a raison de rappeler que le W3C ne l’a jamais validé. Mais vous me dites («
LSMetag ») que des choses comme
<b>,
<i> et
<u> sont à revoir, ce que je veux bien admettre en me forçant un peu (beaucoup), ajoutant à cela (en substance) que
cela ne vous pose pas de problème d’en voir disparaître la possibilité de lecture ? Donc il semble que pour vous, tout ce que nous avons écrit, mis en place, publié dans ce dernier quart de siècle ne sera plus lisible dans un siècle ou deux sans devoir être filtré par la moulinette de la ré-écriture ? Vous rendez-vous compte de ce que cela veut dire au pesé de
l’ampleur, tant passée qu’à (surtout) venir ? Faut-il être informaticien — et uniquement — pour passer à ce point à côté du
réel dans la projection de ce monde parfaitement normé qui n’est que fantasme ? Votre temps d’humanité est-il si court dans la perspective que vous vous en faites que vous ne puissiez envisager qu’il vous dépasse, tant dans le sens passé que futur ?
Ce n’est pas l’Humain qui doit s’adapter à la machine mais l’inverse et ÇA, ça porte un nom réel : «
modernité ». Si vous n’accréditez celle-ci que par la validation d’une
norme, sans cesse renouvelée et faisant chaque fois «
du passé, table rase », vous bégayez alors plus le passé (dans ce qu’il a de plus odieux) que n’apportez quoi que ce soit de nouveau.
<blink> est évidemment un cas d’espèce, forcément très bancal par sa futilité ; mais il soulève un point que les informaticiens ne prennent généralement conscience que tard dans leur carrière : celui de la pérennité et du sens de leurs actes, au sein d’une société. La «
modernité » du XXIe siècle, c’est quelque chose de beaucoup plus complexe que le simple «
progrès », dans le sens où l’entendait le XIXe. Cela prend en compte la
conscience de la temporalité humaine, très courte, mais indispensable si elle veut, elle-même, pouvoir être dépassée.
Paradoxe ou
récursion ? Je laisse les développeurs que vous êtes débattre de ce dernier point puisqu’aussi bien cette théorie-là ne me semble pas hors sujet.
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