Décidément, ces cookies font du bruit. Leur futur filtrage dans Firefox, le navigateur de la Fondation Mozilla, suscite des réactions ulcérées de la part de l’industrie publicitaire.
La dernière en date vient du IAB (Interactive Advertising Bureau). Son président, Randall Rothenberg, considère que la volonté de la Fondation de bloquer par défaut les cookies – utilisés pour suivre la navigation des internautes sur plusieurs sites – est la preuve que celle-ci serait « un cocon rempli de techno-libertariens et d’une élite académique qui croit en la liberté et à l’indépendance individuelle (N.D.L.R. : en vo "liberty and freedom", [mais à qui] il reste encore à définir ces deux concepts ».
En février, Mozilla a décidé ce blocage, avant de décaler sa mise en application. Une extension réalisée l’année dernière par la fondation permet de saisir l'ampleur du problème traité. Collusion modélise clairement la manière dont les cookies sont utilisés pour suivre l’internaute et partager ces données via des réseaux publicitaires croisés.
Collusion de Mozilla
À la différence de AdBlock ou du filtrage des publicités – envisagé par Free par exemple – bloquer les cookies par défaut ne retire pas les annonces. Un tel projet empêche juste de les personnaliser.
C’est déjà trop pour Randall Rothenberg.
Pour lui, les cookies tiers (N.B. : qui sont différents, dans l’usage, de ceux liés à un seul site, et dont les données de navigation ne quittent pas ce site), seraient au centre du système publicitaire du web depuis 15 ans. Ils permettent, par exemple, la mesure des retombés d’une campagne. « S’ils sont boycottés, des milliards de dollars et des centaines de milliers d’emplois disparaîtront », écrit-il. Les grands réseaux survivraient à ce blocage, mais pas les petits.
Les « techno-libertariens » de Mozilla ne travaillent pas seuls sur le projet. Le code de l’outil de blocage est réalisé en collaboration avec le CCH - le Cookie Clearinghouse – au sein de la prestigieuse université de Stanford.
La directrice du CCH - Aleecia McDonald - en prend donc elle aussi pour son grade. Cette dernière ne cache pas que, pour elle, la protection de la vie privée est une valeur supérieure à la survie d’une ou de plusieurs entreprises. Ce peu de compassion pour le secteur publicitaire ne plait évidemment pas à Randall Rothenberg qui qualifie la directrice « d’insensible » et le CCH de repère « de radicaux antibusiness » (du fait qu’aucun représentant du secteur n’y soit invité).
Quant à l'un des initiateurs – Jonathan Mayer - du projet côté Mozilla, sa virulence en ferait purement et simplement un « extrémiste ».
Randall Rothenberg termine son billet en demandant à la Fondation de revenir dans le droit chemin.
Comment ?
En abandonnant le projet bien sûr. Mais aussi en « bloquant les bloqueurs de pub » (rien à voir avec les cookies donc…). En ne se liant pas avec des personnes « dont l'histoire montre qu’elles sont peu disposées à rechercher un consensus entre plusieurs groupes d'intervenants ». En faisant la différence entre « protéger la vie privée et l’anonymat de l'utilisateur », et « isoler l'utilisateur » ce qui empêcherait la diversité du web. Et enfin en montrant clairement que Mozilla s’inquiète aussi de l’écosystème publicitaire avec des solutions qui permettent « de rémunérer les créateurs de contenus à leur juste valeur ». Mozilla qui est une fondation à but non lucratif dont le pub est de promouvoir un web « agnostique », des standards ouverts et le respect de la vie privée.
Rappelons tout de même – et une fois encore - que le CCH ne travaille pas sur un blocage de la publicité, ni sur un filtrage total des cookies.
Sa proposition s’appuie sur une liste blanche et une liste noire.
Autrement dit, il ne s’agira que d’un blocage partiel, après étude des différents réseaux publicitaires. Le blocage total des cookies, lui, peut dès aujourd’hui être enclenché sur les navigateur en allant fouiller dans les paramètres de sécurité ou avec des extensions dédiées.
Source : texte de Randall Rothenberg