Sans oublier d'évoquer le déclin de la France. « Si la France, 5e puissance économique mondiale, tenait sa place dans le numérique, au lieu d’être 20e, elle aurait réglé le problème de l’emploi », a-t-il ainsi commencé sa conférence de presse.
Cette nouvelle école, baptisée « 42 » (hommage appuyé à l’œuvre de Douglas Adams), sera gratuite, en 3 à 5 ans, et presque « ouverte à tous ». Les sélections, intégralement sur Internet, s’adressent en effet uniquement aux 18-30 ans.
Xavier Niel a débauché plusieurs anciens du Groupe IONIS (Epita/Epitech) pour l’accompagner dans ce projet et mettra de sa poche 50 millions d’euros sur 10 ans (dont 20 déjà investis pour l'achat des locaux et du matériel).
Nicolas Sadirac, Floriant Bucher, Kwame Yamgnane,
trois anciens de l’Epitech débauchés par Xavier Niel
Après une première phase de sélection, 4 000 candidats – avec ou sans diplôme - seront « plongés dans une piscine » pendant l’été. Comprendre, ils passeront une deuxième sélection pendant laquelle ils coderont 15 heures par jour. Les 1 000 meilleurs pourront alors intégrer l’école, dans le 17e arrondissement de Paris.
L’enseignement abordera toutes les technologies numériques (sans autre précision) et se fondera sur la collaboration et la créativité ; et non pas - précisent ses nouveaux directeurs - sur une pédagogie « classique ».
Un point qui a permis aux initiateurs du projet de se lancer dans un concours de petites phrases polémiques certainement destinées à accrocher les journalistes.
« Dans l’école classique, travailler à deux cela s’appelle tricher, lance par exemple Nicolas Sadirac, ancien Executive Director de l'Epitech, aujourd’hui, un professeur qui fait des cours dans un amphi c’est ridicule ». Ou un très joli « les jeunes refusent d’avoir des horaires fixes et une hiérarchie, l’école n’est pas adaptée à ces aspirations, c’est l’armée ».
Xavier Niel a lui plus taclé le système politique et économique : « La pénurie de talents informatiques en France ne peut être résolue que par l’initiative privée […] seul le privé peut sauver la France du déclin numérique, les pouvoirs publics sont tournés vers le passé. Ils ne cherchent qu’à sauver ce qui ne peut plus l’être ». Tacles appuyés également sur les écoles privées qui « ne cherchent qu’à faire du fric ».
Sans oublier l’enseignement supérieur public « où l’on retrouve des gens qui ont été à la maternelle ensemble, à l’école ensemble, au lycée ensemble et dont les parents vont en vacances aux mêmes endroits… et à la même manif du dimanche à 14h », enfonce Kwame Yamgnane, lui aussi ancien responsable de l’Epitech.
Bref, l’usine à croquettes pour trolls a fonctionné à plein.
À l’opposé, cette école veut donc proposer une pédagogie alternative, « 2.0, et ouverte » où les élèves participeront à des projets, ensemble, voire en s’évaluant les uns les autres. « C’est un enseignement Peer-to-Peer » résume Xavier Niel, qui explique par ailleurs que ces capacités à échanger et à s'adapter en permanence aux évolutions sont indispensables puisqu'on ne sait pas quels métiers numériques existeront demain.
« Ce que nous initions, c’est un changement de paradigme identique à celui qu'il y a eu entre le logiciel et le logiciel libre », enchaîne Nicolas Sadirac en se référant au « Self Organized Learning Environement », cher à Sugata Mitra.
Finis les horaires stricts. L’école sera ouverte 7 jours sur 7 et 24 h sur 24. Les enseignants, eux, viendront du monde de l’entreprise. Visiblement pas dans une optique de professeurs mais plus de coordinateurs.
Cette école visera principalement les jeunes en échec scolaire (les 200 000 exclus du « système » qui ne sont pas adaptés à sa rigidité) pour en faire chaque année « 1 000 génies » (sic) de l’informatique qui permettront, d'après Xavier Niel, de créer 10 000 emplois en France. « Même si on est un cancre et qu’on a 0, c’est potentiellement ouvert », martèle-t-il.
Jugeant que le système des normes des grandes écoles et des formations est trop rigide – et donc contraire à la formation d’esprits créatifs – ce nouvel organisme n’a pas de certification et ne donnera pas lieu à un diplôme reconnu.
« On ne leur propose pas un diplôme… mais un métier ! », rétorque Nicolas Sadirac. Xavier Niel le soutient, constatant que 70 % des entreprises font face à une pénurie de recrutement de développeurs : « elles n’achètent pas un diplôme mais un savoir-faire ».
Avant de conclure (en réponse à une question - il est vrai hors sujet - d’une journaliste de France Télévisions) par une autre pique acérée : « Moi je ne m’occupe pas des politiques. Il y a ceux qui font, et il y a ceux qui parlent. Moi je fais. Eux, ils trouveront certainement quelque chose à redire. Je ne sais pas moi, par exemple que je vais créer du chômage dans les autres écoles » rigole-t-il, satisfait de son dernier troll du jour sous forme de missile contre deux de ses détracteurs, Arnaud Montebourg et Flore Pellerin.
Source : conférence de presse, 26/03/2013
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