Aaron Swartz, 26 ans, était un des développeurs / hackers / geeks / activistes les plus importants de sa génération. Parmi ses (co)réalisations les plus connues on compte le RSS 1.0 (à 14 ans), le Creative Commons ou le lancement de Reddit.
Militant impliqué dans les grandes causes comme la neutralité du Net, il s’était opposé aux lois SOPA et PIPA (équivalentes de la Hadoopi aux Etats-Unis).
Aaron Swartz s’est suicidé vendredi.
Les causes de son geste sont encore floues. Mais d'après sa famille et ses collègues, son prochain procès aurait été au centre de sa décision (lire ci-après). Car le jeune Aaron, sujet aux épisodes dépressifs, était sous le coup d’une procédure légale lourde.
Il encourait pas moins de 4 millions de dollars d’amende et 30 ans de prison pour avoir cracké et dérobé 4 millions de documents académiques du MIT et du site Jstor. Un acte réalisé au nom du libre accès à la connaissance.
Un acte qui lui valait également l'accusation de "crime" ("felony") par la justice américaine.
Aaron Swartz refusait obstinément d’accepter ce terme, d'après son collègue Lawrence Lessig. Un refus qui, après 18 mois de négociations, allait donc déboucher sur un procès aux peines potentiellement très sévères.
En réaction à sa mort, plusieurs professeurs du MIT ont décidé d’honorer son combat – qu’ils soutiennent – en mettant en ligne des PDF de leurs travaux pour lutter contre le copyright sur les articles universitaires. L’initiative a trouvé un immense soutien durant le week-end. Une preuve parmi d'autres, un hashtag a été créé sur Twitter (#pdftribute) : il a compté jusqu'à plus de 500 tweets par heure.
En plus de ces professeurs, le MIT a également – officiellement et en tant qu’institution – décidé de mener une enquête interne pour déterminer comment l’école de Boston avait agi, dans le détail, depuis le début de l’affaire des « vols » de documents. Et si ses décisions n’avaient pas été disproportionnées.
Trop tard, de toute façon. La famille de Aaron Swartz a perdu un fils et n’a visiblement que faire des condoléances du MIT. « Sa mort est le fruit d’une justice pénale qui utilise l’intimidation et les poursuites de manière disproportionnée. Les décisions prises par les responsables du bureau du procureur du Massachusetts et du MIT ont contribué à sa mort », écrit-elle.
De leur côté, les Anonymous (un mouvement auquel il n’était pas lié) ont attaqué la page du MIT.
Le site web de l’école a été remplacé par un hommage à la mémoire du jeune développeur surdoué et par une liste de revendications (réforme des lois qui s’appliquent à l’IT, réforme de la propriété intellectuelle, appel pour un internet non contrôlé, et reconnaissance de « la persécution et des injustices dont sont victimes ceux qui se dressent contre l’autorité des institutions » (sic)).
L’autre acteur de ce procès, Jstor, le site d’archivage des publications numériques, a qualifié ce suicide « d’évènement très triste » et regrette d’avoir participé à la pression qui s’exerçait autour d'Aaron Swartz.
Le site tente également de rappeler qu’il est un service à but non lucratif et qu’il n’est pas opposé au libre accès à la connaissance.
Mais trop tard, là encore, pour faire un mea-culpa.
Le procès de Aaron Swartz devait avoir lieu en avril.
Ses funérailles se tiendront demain, à Highland Park, une petite ville calme et paisible sur les bords du lac Michigan, au nord de Chicago. Loin de Boston.
Aaron Swartz