La question avait été posée, à l’époque, lors d’un colloque sur la géopolitique et les nouvelles technologies alors que les portables étaient encore vus en France comme un luxe voire une curiosité.
Si vous aviez répondu les « Etats-Unis » - comme la majorité des personnes présentes - vous auriez eu tout faux. La bonne réponse était le Nigeria. Et pour cause, on le sait très bien aujourd’hui, dans plusieurs pays d’Afrique la téléphonie mobile s’est développée à la vitesse de l’éclair pour compenser l’absence d’infrastructure de téléphonie fixe, très couteuse, grâce à un prix de déploiement très faible.
Depuis, la pénétration des mobiles n’a fait que s’accélérer. Mardi, la Banque Mondiale a publié un rapport qui évalue que ¾ de la population mondiale est équipée (soit environ 5.5 milliards d’humains).
« Dans le monde, le nombre d’abonnements à la téléphonie mobile – à forfaits ou prépayés – a augmenté de moins de 1 milliard en 2000 à plus de 6 milliards aujourd’hui, dont près de 5 milliards dans les pays en développement, écrivent les experts de l’institution. Posséder plusieurs abonnements est de plus en plus courant, ce qui suggère que leur nombre va bientôt dépasser celui de la population humaine ».
Dans les pays en développement comme dans les pays industrialisés, cette révolution n’en serait même qu’à ses débuts « et s’étend à présent aux zones rurales ».
Image de la World Wide Web Foundation
La réaction typique à ce genre de constat est de dire que les pays les plus pauvres ont plus besoin d’eau et de nourriture que de téléphones. C’est certainement vrai. Mais ces téléphones – qui peuvent se transformer en véritable couteau-suisse de survie – permettent aussi d’améliorer le niveau de vie des populations locales.
« Dans les pays en développement, les citoyens utilisent de plus en plus les téléphones portables pour créer de nouveaux moyens de gagner leur vie et améliorer leur niveau de vie, tandis que les États les utilisent pour améliorer la prestation de services et les mécanismes de consultation des administrés », note la Banque Mondiale qui met en avant des cas en Palestine et au Kenya.
Les exemples qui utilisent ces téléphones ne manquent pas.
infoDev par exemple, est un projet lancé par le gouvernement finlandais et Nokia pour créer des « laboratoires régionaux d’innovation mobile » en Arménie, au Kenya, au Pakistan, en Afrique du Sud et au Vietnam. Un des fruits de cette initiative est l’utilisation des réseaux sociaux mobiles pour organiser des rencontres entre des entrepreneurs novices et d’autres parties prenantes.
Un acteur comme SAP a bien perçu cette réalité. Sous la direction du responsable français de la R&D mondiale, Hervé Couturier, l’éditeur est sur le point de fournir une solution clef en main pour transformer des « feature phones » (téléphones portables très basiques n’ayant rien à voir avec des smartphones) en suite complète de gestion de micro-entreprise (porte-monnaie, caisse enregistreuse, consultation de compte en banque, mail, etc.) et ce à très bas prix.
Un des nombreux projets de TSF
Sir Tim Berners-Lee, un des créateurs du Web, a pour sa part lancé la World Wide Web Fondation pour aider les plus défavorisés de la planète avec Internet et les technologies libres. Un de ses premiers projets est de donner aux fermiers africains les informations nécessaires pour cultiver au mieux leurs terres et améliorer leurs récoltes (météo, etc.). Le tout via un « Internet vocal » n’ayant rien à voir avec celui que nous utilisons sur nos ordinateurs et terminaux mobiles tactiles.
D’autres associations, comme Télécom Sans Frontière, se fondent sur la même philosophie de développement durable « assisté » par la technologie. Souvent avec succès.
Quoiqu’on pense des « retombées positives en matière de développement humain et économique » mises en avant par le rapport, avec 6 milliards d’unités dans le monde, le portable est bel et bien l’objet qui définit notre époque.
Le défunt prix Nobel de Physique français Pierre-Gilles de Gennes avançait que l’intelligence consistait - pour partie - à avoir une notion claire des ordres de grandeur.
Dans le cas qui nous intéresse, ce taux de pénétration de 75 % établi par la Banque Mondiale signifie qu’il y a plus de personnes dans le monde qui possèdent un téléphone mobile que l’accès à l’eau courante (environ 4,4 milliards). Ou, comme l’affirme la Mobile Marketing Association of Asia, qu’il y a effectivement plus d’êtres humains qui possèdent au moins un téléphone que de personnes qui ont une brosse à dent.
La partie choquante de ces comparaisons n’étant certainement pas le taux d’équipement en portables.
Source : Banque Mondiale, Sur les portables et les brosses à dent
Et vous ?
Pensez-vous que les portables puissent aider le développement durable, lutter contre les famines et favoriser la démocratie et les services publiques dans les pays défavorisés ?