"Nous sommes enthousiasmés par l’accueil réservé au Kindle et à la boutique Kindle", déclarait fin novembre Xavier Garambois, Président d’Amazon.fr. "Ces premiers résultats confortent notre conviction que la lecture sur livre électronique va se démocratiser en France, et favoriser non seulement la découverte d’auteurs consacrés, mais aussi de nouveaux auteurs".
Avec ce succès indéniable, et bien que l’on ne connaisse pas les chiffres exactes, la presse grand public (Le Parisien, Elle, etc.) s’est emparée du sujet flairant un phénomène de mode pour les fêtes de fin d’année.
Face à cet engouement (ou à l’inverse, à une condamnation sans appel au motif que, je cite un magazine féminin, "l’iPad est mieux parce qu’on peut y télécharger des livres d’art") la question se pose de savoir si l’achat d’une liseuse est pertinent à l’ère des tablettes et des PC nomades de plus en plus fins et de plus en plus multi-tâches.
Pour y répondre, le mieux était encore de tester l’appareil. Ce que nous avons fait.
Peut-on acheter un Kindle pour Noël ?
Oui. Indéniablement oui. Mais avec deux gros "mais".
Tout d’abord, un constat. Le confort de lecture sur Kindle est tout simplement bluffant. A l’ouverture de la boite, l’écran de veille fait presque penser qu’une feuille de papier avec un dessin est posée sur l’appareil pour le protéger. Il n’en est rien. L’encre numérique est juste, objectivement, la meilleure solution pour lire sur un appareil de ce type.
Certains diront en revanche que l’absence de retro-éclairage empêche de lire dans l’obscurité (ou oblige à acheter une lampe en complément). C’est vrai. Mais il en va de même pour un livre, et les tablettes rétro-éclairées fatiguent plus rapidement les yeux.
Deuxième avantage pour le Kindle, sa taille et son poids. Ses 15 cm et ses 200 grammes en font un lecteur nomade par excellence. Même plus que la tablette d’Archos ou la Galaxy Tab de 7 pouces.
Côté look, un peu rétro, l’appareil ne plaira peut-être pas à tous, mais il permet de garder et de condenser l’essentiel.
Le Wifi fonctionne parfaitement. L’autonomie de la batterie est remarquable (bien qu’a priori inférieure au 1 mois annoncé, elle n’a nécessité strictement aucune recharge en plus de deux semaines de test). Côté connectique, on trouve une prise USB pour la recharge et le transfert des fichiers qui se fait par glisser-déposer avec une simplicité dont d’autres appareils feraient bien de s’inspirer. Quant à la capacité de stockage, Amazon affirme que le Kindle peut emporter 1.400 titres. Un chiffre que nous n’avons pas pu vérifier, mais nous avons pu y mettre bien plus que ce qu’il est possible de lire en plusieurs jours.
En revanche le clavier de la précédente version a disparu, ce qui nous le verrons, n’est pas nécessairement un progrès. Et aucune autre connectique (prise casque par exemple) n’est disponible.
Pour ceux qui n’ont jamais eu de livre numérique entre les mains, rappelons qu’un e-book n’est pas qu’un simple livre numérisé. On y trouve en plus des fonctionnalités innovantes : dictionnaire intégré, navigation simplifiée dans le texte, possibilité d’étiqueter des passages, passages qui sont ensuite centralisés dans une rubrique à part, etc.
En plus de ces fonctionnalités, un des atouts d’Amazon est de proposer une synchronisation avec sa plateforme Cloud via un service baptisé Whispersync. Cette technologie synchronise sur différents appareils la dernière page lue, les signets et les annotations.
Il en va de même avec les livres téléchargés. Les e-books sont automatiquement sauvegardés en ligne dans la bibliothèque Kindle de l’utilisateur puis re-téléchargés gratuitement sur tout nouvel appareil.
Par nouvel appareil, il faut comprendre PC ou tablette puisque Kindle est également une application installable en local pour Windows (Kindle For PC) et une web application en HTML 5 (Kindle Cloud Reader).
L'application Kindle pour PC
Que lit-on sur un Kindle ?
Tout. A condition que ce soit dans le bon format.
Pour être clair, le Kindle a été conçu pour acheter sur Amazon. D’autres usages sont certes possibles, mais pas optimaux.
Il est par exemple possible de lire des PDF (encore que l’appareil plante sur certains fichiers que nous lui avons donnés à déchiffrer). En revanche Kindle ne supporte pas en natif les formats Word ou HTML (certains livres numérisés des bibliothèques publiques sont proposés dans ces formats).
Pour le reste, la liseuse fait parfaitement ce qu'on lui demande. A savoir lire des livres au format AZW. AZW est une variante propriétaire du format MOBI/PRC, avec une forte compression pour diminuer la bande passante nécessaire aux téléchargements depuis la bibliothèque Amazon, et verouillée par des DRM.
Le catalogue disponible dans ce format, bien que fermé, joue en faveur d’un achat du Kindle. Amazon propose de très nombreux titres classiques gratuits, même si le catalogue est malheureusement loin d’être exhaustif (pas de mythologie grecque ou romaine librement accessible... à part en allemand)
Et pour le surf ?
Le nouveau Kindle est équipé du Wifi et intègre un navigateur, qualifié "d’expérimental" par Amazon lui-même, qui s’appuie sur WebKit. Il ne s’agit pas de Silk, présent sur la tablette Kindle Fire, mais d’un navigateur à part très satisfaisant.
Le JavaScript est supporté. En mode paysage il se révèle bien adapté à la lecture des sites de presse. Et nous avons même poussé le test jusqu’à suivre en direct le déroulé d’une rencontre sportive avec rafraîchissement des pages pour l’évolution des scores.
En revanche, si le navigateur reconnaît bien les liens hypertextes et permet de sauter de l'un à l'autre, ce n’est pas le cas des ascenseurs ce qui fait que le surf peut vite s’avérer laborieux. En bref, Kindle permet de consulter quelques pages, comme appareil d’appoint, mais pas beaucoup plus.
L'appareil idéal ?
Pour moins de 100 euros, livraison comprise, c’est effectivement un cadeau de choix.
Mais...
Mais Kindle a le défaut de ses qualités. Il est entièrement lié à Amazon. Il sera par exemple strictement impossible de lire un e-book acheté à la FNAC. Et s’il supporte les PDF, leur lecture est souvent fastidieuse (zoom assez inadapté pour avoir la bonne taille de caractères, etc.).
Le jour où l’utilisateur se sépare (ou perd) son Kindle, les deux seules possibilités qui lui resteront pour accéder à sa bibliothèque seront l’application (pour PC ou Web) ou racheter un autre Kindle. Il paraîtrait qu'une troisième option consisterait à faire sauter les DRM des fichiers AZW mais nous n’en savons rien du tout.
Avec ce système, le client est donc très captif.
A ce très gros bémol s’ajoutent des erreurs de conception parfois majeures. Impossible d'effacer simplement des soulignements par exemple. Le retour à la page d’accueil se fera en mode paysage (conçue pour être en mode portrait) si le document consulté l’était lui aussi - ce qui est souvent le cas pour mieux lire un PDF ou surfer. Résultat, l’utilisateur doit aller naviguer dans les paramètres pour revenir en mode portrait.
Autre exemple, lors de la consultation des Collections (listes de livres pour classer les ouvrages d’une bibliothèque), arriver en bas de page ne permet pas de repasser en haut de la liste. On voit vite le côté pénible dès que la liste d’ouvrage devient conséquente.
En fait l'interface devient vite impraticable pour une utilisation légèrement plus poussée.
Le zoom demande des manipulations répétitives et n’est pas assez granulaire. Il propose un affichage normal, à 150 %, ou 200 %, et rien d’autre. Un exemple caricatural concerne la navigation pour se rendre à une page donnée. Le processus est entièrement inversé par rapport à une utilisation intuitive ("aller à", "page", "numéro" et "aller à", "numéro", "page"... un détail sur le papier, déroutant en condition réelle). En tout état de cause, on aurait aimé que les deux fonctionnent.
Un clavier mal conçu
Quant à la saisie de texte, elle relève très vite du calvaire. Pas de proposition de mots pour raccourcir la saisie (comme le proposent de nombreux appareils nomades), ni de modification des touches en fonction de l’usage.
Un simple clavier numérique carré serait par exemple plus adapté pour entrer un numéro de page plutôt que le clavier entier qui nécessite 16 pressions pour taper "91". Dans ces conditions, on regrette vite le clavier physique de l’ancien modèle. Ou le modèle tactile, disponible aux Etats-Unis mais pas encore en Europe.
Mais soyons objectifs, malgré ces détails (dans lesquels il est bien-connu que se cache le Diable), le Kindle reste très agréable. Les plus exigeants regretteront simplement une UI avec des erreurs de conception petites mais nombreuses, qui auraient été facilement évitables.
Et pour le prix ?
A 99 euros, le Kindle est abordable.
Mais... les accessoires comme les pochettes de protection ou les lampes d’appoint sont assez chers (comptez une vingtaine d’euros supplémentaire). Il n’en reste pas moins que face à des tablettes à plusieurs centaines d’euros, la liseuse a une réelle niche économique pour exister.
On regrettera simplement sur ce point la comparaison avec les prix Nord-Américains d’Amazon.com où l’on retrouve le Kindle à 99 dollars... dans sa version tactile "Touch".
La version disponible en Europe, elle, y est facturée 79 $. Soit quasiment 40% moins cher. Un écart de prix difficilement compréhensible entre les deux côtés de l'Atlantique.
Conclusion
Kindle est un produit parfaitement adapté à la lecture numérique, beaucoup plus que n’importe quelle tablette avec lesquelles il est vain de le comparer puisqu’il est quasiment mono-usage.
Son prix reste un atout majeur. Il faut néanmois garder à l’esprit que l’appareil est assez fermé et très lié au format propriétaire d’Amazon. Ce qui peut poser des problèmes pour la pérénité de votre bibliothèque.
Enfin, son interface pourra dérouter, voire décevoir, les plus exigeants. Ceux-ci attendront donc la version tactile (ou prendront une version avec clavier).
Tous les autres pourront choisir dès Noël ce modèle basique, mais efficace, sans aucun problème.
Ressources complémentaires :
Le Projet Gutenberg, propose 100.000 ebooks gratuits légaux tombés dans le domaine public (y compris au format AZW)
Et vous ?
Vous possédez un Kindle : le recommanderiez-vous comme cadeau de Noël ?