
mais les défis techniques, philosophiques et éthiques associés suscitent le scepticisme
Est-il possible de transférer l'esprit humain dans un support numérique ? Dans un récent article, le neuroscientifique Dobromir Rahnev a déclaré que cela pourrait un jour devenir une réalité. Il estime que, bien que théoriquement possible, le téléchargement de l'esprit humain dans un support numérique est actuellement hors de portée. Les principaux obstacles incluent : une cartographie cérébrale complète, une simulation minutieuse des fonctions neuronales et une reproduction des sensations. Mais les critiques affirment que l'idée relève de la science-fiction et ne tient pas compte des nombreux défis techniques, philosophiques et éthiques associés.
Le téléchargement de l'esprit dans un support numérique est un concept de plus en plus populaire. Il est décrit comme un moyen de créer une copie de votre cerveau, de transmettre votre esprit et votre conscience dans un ordinateur. Vous y vivriez numériquement, peut-être pour toujours. Vous auriez conscience de vous-même, vous conserveriez vos souvenirs et auriez toujours l'impression d'être vous-même. Mais vous n'auriez pas de corps.
Dans cet environnement simulé, vous pourriez faire tout ce que vous faites dans la vie réelle : manger, conduire une voiture, faire du sport. En outre, vous pourriez faire des choses impossibles dans le monde réel, comme traverser des murs, voler comme un oiseau ou voyager sur d'autres planètes. Cela fait de vous un « être » immortel dans le métavers. D'après Dobromir Rahnev, la seule limite est ce que la science peut simuler de manière réaliste.
Dans un article sur Science Alert, il a écrit : « en tant que spécialiste du cerveau qui étudie la perception, je m'attends à ce que le téléchargement de l'esprit devienne un jour une réalité. Mais à ce jour, nous sommes loin du compte ». Il identifie trois défis majeurs à surmonter pour que cela devienne une réalité.
Cartographier précisément l'ensemble du cerveau humain
Les chercheurs commencent à peine à comprendre le cerveau et Dobromir Rahnev admet qu'il sera extraordinairement difficile de reproduire toute sa complexité. Il souligne que le premier obstacle est la nécessité de scanner et de reproduire en détail la structure du cerveau humain. Ce défi est à la fois technique (scanners d'une précision extrême) et logistique (traiter un volume de données faramineux). Il implique plusieurs niveaux de complexité :
- il faut enregistrer la forme, la taille, l'emplacement et la connectivité des 86 milliards de neurones ainsi que leurs trillions de connexions synaptiques ;
- ce n'est pas seulement une question de capturer une image en 3D du cerveau, mais de reconstruire un « connectome » complet, c'est-à-dire le câblage intégral du cerveau à l'échelle nanométrique ;
- à ce jour, la science n'a réussi à cartographier que des cerveaux extrêmement simples, comme celui d'un ver (C. elegans) ou, partiellement, celui de la mouche. Le cerveau humain est des millions de fois plus complexe.
Simuler le fonctionnement du cerveau et de sa structure
Le deuxième défi est encore plus subtil : il ne suffit pas de copier la structure du cerveau, il faut aussi simuler son fonctionnement dynamique. En d'autres termes, il s'agit de reproduire l'esprit en action, pas seulement sa forme. Cette étape implique les étapes suivantes :
- chaque neurone ne fonctionne pas de façon rigide : il modifie constamment la force de ses connexions (synapses) selon des processus complexes comme la plasticité synaptique.
- il faudrait donc non seulement connaître l'état statique du cerveau à un moment donné, mais aussi comprendre et modéliser la façon dont il évolue dans le temps, en réponse à des stimuli et à l'expérience ;
- cela nécessiterait des algorithmes puissants capables de simuler ces processus en temps réel, avec une précision biologique.
Reproduire les entrées sensorielles utiles pour le cerveau
Selon Dobromir Rahnev, le cerveau téléchargé a besoin des mêmes données que celles qu'il a toujours eues. En d'autres termes, le monde extérieur doit lui être accessible. Même enfermé dans un ordinateur, l'être aura toujours besoin d'une simulation de ses sens, d'une reproduction de sa capacité à voir, entendre, sentir, toucher, ressentir, ainsi qu'à bouger, cligner des yeux, détecter son rythme cardiaque, régler son rythme circadien, et bien d'autres choses.
N'est-il pas possible d'exister à l'intérieur de l'ordinateur, sans apport sensoriel ? Selon le scientifique, la privation sensorielle est considérée comme une forme de torture. Les personnes qui ont des difficultés à percevoir leurs signaux corporels ont souvent des problèmes de santé mentale. Il faudrait donc créer un environnement numérique réaliste avec des systèmes sensoriels simulés capables de générer des expériences subjectives (la vue, l'ouïe, le toucher…).
Dobromir Rahnev explique : « pour que le téléchargement de l'esprit fonctionne, la simulation de vos sens et de l'environnement numérique dans lequel vous vous trouvez doit être exceptionnellement précise. Même des distorsions mineures peuvent avoir des conséquences mentales graves ». Pour l'instant, les chercheurs ne disposent pas de la puissance de calcul et encore moins des connaissances scientifiques nécessaires pour réaliser de telles simulations.
Controverses autour du concept de téléchargement de l'esprit
Bien que les défis à relever soient énormes et que la voie à suivre soit incertaine, Dobromir Rahnev reste convaincu qu'un jour, le téléchargement de l'esprit sera une réalité. Les plus optimistes tablent sur 2045, soit dans 20 ans seulement. D'autres parlent de la fin de ce siècle. « À mon avis, ces deux prévisions sont probablement trop optimistes. Je serais choqué si le transfert d'esprit fonctionnait dans les 100 prochaines années », a déclaré Dobromir Rahnev.
« Cela pourrait se produire dans 200 ans, ce qui signifie que la première personne à vivre éternellement pourrait naître de votre vivant », a-t-il ajouté. Ses perspectives de Dobromir Rahnev sur le transfert de l'esprit humain vers un support numérique ont suscité des critiques et un débat intense dans la communauté scientifique et philosophique. De nombreux critiques affirment que son article minimise l'ampleur des barrières techniques à franchir :
- complexité technique sous-estimée : la cartographie complète des 86 milliards de neurones et des trillions de synapses du cerveau humain et la simulation de leurs interactions dynamiques représentent des défis colossaux. Kenneth D. Miller, professeur de neurosciences à l'Université Columbia, souligne que la duplication exacte d'un esprit individuel est une tâche insurmontable pour les siècles à venir ;
- problèmes philosophiques de l'identité : des experts tels que Susan Schneider, philosophe et spécialiste en IA, soutiennent que le transfert de l'esprit créerait au mieux une copie de l'esprit original, sans garantir la continuité de la conscience. Ainsi, la version numérique ne serait qu'un double, sans lien direct avec le "soi" original ;
- risques éthiques et sociétaux : le concept de transfert de l'esprit soulève des préoccupations éthiques majeures. Par exemple, la possibilité de créer une "élite numérique" ou d'exploiter des copies d'esprits pose des questions sur la propriété et l'utilisation des données mentales. De plus, la question de savoir qui aurait accès à cette technologie pourrait exacerber les inégalités sociales ;
- conscience et expérience subjective : un autre point de critique concerne la question de la conscience. Même si une copie numérique du cerveau est créée, rien ne garantit qu'elle possédera une conscience ou une expérience subjective ;
- impact sur la société et la culture : certains s'inquiètent des implications culturelles et sociétales d'une telle technologie. Par exemple, la possibilité de vivre éternellement dans un monde numérique pourrait altérer notre perception de la vie, de la mort et des relations humaines. De plus, cela pourrait entraîner des changements fondamentaux dans la structure sociale et les valeurs culturelles.
Ces milliardaires de la technologie en quête de l'immortalité
Selon le neuroscientifique Ariel Zeleznikow-Johnston, l'humanité peut échapper à la mort. Il estime que la technologie actuelle peut permettre de mettre en pause l'horloge biologique des malades en phase terminale et des mourants jusqu'à ce que la science et la médecine aient suffisamment progressé pour leur offrir une nouvelle vie, voire l'immortalité. Il évoque la possibilité de transférer l'esprit d'une personne sous forme numérique dans un autre corps.
Il a déclaré qu'il est possible de « prendre des scans à très haute résolution de la structure du cerveau afin de caractériser le fonctionnement des neurones d'une personne, la recréer sous forme numérique puis l'intégrer dans un autre corps sous une forme robotique, virtuelle ou biologique ».
Ray Kurzweil, futurologue américain et ancien ingénieur de Google, a déclaré que « l'humanité pourrait atteindre l'immortalité d'ici 2030 grâce à des nanorobots qui exploitent la puissance de la nanotechnologie, la robotique et la génétique ». Sa prédiction suggère que cette réalité pourrait se concrétiser d'ici les six prochaines années. Selon certaines statistiques, près de 86 % des 147 prédictions antérieures de Ray Kurzweil se sont avérées exactes.
Somnium Space, une société de métavers, a révélé en 2022 son intention d'offrir l'immortalité à ses utilisateurs grâce à un nouveau mode « Live Forever ». L'entreprise développe un moyen de parler à ses proches même après sa mort. Tout ce dont l'entreprise a besoin, c'est que les personnes prêtes à vivre « éternellement » lui fournissent une quantité très importante de données sur elles, ce qui devrait permettre de façonner leurs avatars immortels.
Des esprits tels que Richard Branson, Elon Musk, Larry Page, Sergey Brin, Mark Zuckerberg, et Jeff Bezos ont certaines choses en commun. Ils ont tous fondé des entreprises technologiques qui ont fait d'eux des milliardaires, mais ils convoitent aussi la vie éternelle. Elon Musk veut battre la singularité avec son entreprise d'implants cérébraux Neuralink ; Larry Page et Sergey Brin financent des recherches sur le prolongement de la durée de vie humaine.
Jeff Bezos a lancé la startup Altos Labs afin de transformer la médecine via la programmation du rajeunissement cellulaire. Sa mission est la suivante : restaurer la santé et la résilience des cellules pour inverser les états de maladies, les blessures et les handicaps qui peuvent survenir tout au long de la vie.
Source : Dobromir Rahnev, professeur agrégé de psychologie, Georgia Institute of Technology
Et vous ?


Voir aussi



Vous avez lu gratuitement 29 articles depuis plus d'un an.
Soutenez le club developpez.com en souscrivant un abonnement pour que nous puissions continuer à vous proposer des publications.
Soutenez le club developpez.com en souscrivant un abonnement pour que nous puissions continuer à vous proposer des publications.