
au cours de ses 100 premiers jours de sa présidence
Cela fait 100 jours que le président Donald Trump a prêté serment et que certains des plus grands noms de la technologie sont à ses côtés. Plusieurs milliardaires de la technologie se sont rapprochés de Trump avant son second mandat, notamment en assistant à l'investiture et en faisant des dons au fonds d'inauguration. L'apparition d'un front commun contrastait avec des années de critiques de Trump à l'égard des grandes entreprises technologiques et d'interpellations directes de certains dirigeants du secteur.
Beaucoup de choses ont changé depuis le jour de l'investiture. Les leaders de la tech qui ont soutenu Trump ont vu leur valeur nette et la valeur des actions des entreprises qu'ils dirigent diminuer, car la guerre commerciale de l'administration, alimentée par les tarifs douaniers, a coïncidé avec une perturbation des marchés financiers dans le monde entier.
Les cent premiers jours de la présidence Trump ont été marqués par une forte volatilité boursière qui n’a pas épargné les géants de la tech liés à son investiture. Selon le Bloomberg Billionaires Index, quatre patrons de la tech – Elon Musk (Tesla/SpaceX/X), Jeff Bezos (Amazon), Mark Zuckerberg (Meta/Facebook) et Jensen Huang (Nvidia) – ont vu leur fortune individuelle chuter de manière spectaculaire sous l’effet des politiques de Trump et des tensions commerciales. Collectivement, ils ont perdu près de 194 milliards de dollars depuis le 20 janvier. Voici leur situation au 28 avril 2025 :
- Elon Musk (Tesla, SpaceX) : fortune passée de 449 Md$ à 335 Md$, perte ≈114 Md$
- Jeff Bezos (Amazon) : fortune passée de 245 Md$ à 209 Md$, perte ≈36 Md$
- Mark Zuckerberg (Meta/Facebook) : fortune passée de 217 Md$ à 195 Md$, perte ≈22 Md$
- Jensen Huang (Nvidia) : fortune passée de 117 Md$ à 95,4 Md$, perte ≈21,6 Md$
Ces chiffres soulignent l’ampleur du revers subi par ces milliardaires pro-Trump. Par exemple, la capitalisation boursière de Tesla a plongé de près de 25 % en 2025, et Nvidia anticipe un coup supplémentaire de 5,5 Md$ sur son prochain trimestre du fait des restrictions à l’exportation de puces décidées par l’administration Trump. De même, Amazon est particulièrement vulnérable aux droits de douane américains sur les importations chinoises.
Participation et soutien à l’investiture
Ces pertes surviennent malgré les efforts – pour ne pas dire les appuis – de ces dirigeants en faveur de Trump.
Elon Musk
Elon Musk a manifestement cherché à se rapprocher du nouveau pouvoir. Il a non seulement assisté à l’investiture aux côtés des principaux candidats au Cabinet, mais il a aussi joué un rôle de conseiller officieux. Business Insider note « qu'Elon Musk, qui s’est rapproché de Trump plus que tout autre en tant que conseiller, a subi la plus forte baisse de fortune ».
Musk est même à la tête du département de l'Efficacité gouvernementale (en anglais, « Department of Government Efficiency », abrégé en DOGE), une structure gouvernementale des États-Unis, lancée par le président Donald Trump le premier jour de son second mandat, dont la mission est de réduire les dépenses publiques.
Le DOGE a notamment organisé des licenciements de masse d'employés fédéraux et mis fin à des contrats liés à la diversité, équité et inclusion, à la lutte contre le changement climatique, à l'aide étrangère, à la protection des consommateurs financiers, et à la recherche scientifique.
Le DOGE englobe deux organisations, le U.S. DOGE service (issue du renommage du U.S. Digital Service), et le U.S. DOGE Service Temporary Organization (une organisation temporaire dont la date de fin est prévue le 4 juillet 2026). L'acronyme DOGE fait référence au Dogecoin, une cryptomonnaie prisée par Elon Musk. Malgré son nom, le DOGE n'est pas pour l'instant un département exécutif fédéral, puisque la création d'un tel département nécessiterait l'approbation du Congrès.
Le DOGE fait l'objet de vives controverses et de poursuites judiciaires. Le rôle de Elon Musk est particulièrement contesté, des critiques affirmant qu'il viole la clause de nomination de la Constitution et qu'il fait l'objet de multiples conflits d'intérêt. Musk, le DOGE et l'administration Trump ont fait plusieurs allégations concernant la découverte de fraudes importantes, dont aucune n'a résisté à un examen minutieux. Bien que Musk ait déclaré que le DOGE est « maximalement transparent », Trump a exempté le DOGE des règles de divulgation publique.
Une situation catastrophique qui a suscité de vives polémiques et des protestations contre Tesla. Reuters rapporte par ailleurs que Musk avait dépensé plus de 250 millions de dollars pour soutenir la campagne de Trump en novembre 2024.
Jeff Bezos
Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, s’était longtemps montré distant – voire hostile – vis-à-vis de Trump (qu’il critiquait souvent via son Washington Post). Pourtant, avant l’investiture Trump, Amazon a annoncé un don d’un million de dollars au fonds d’inauguration (plus d'un million de dollars de service de streaming Prime Video). Le Washington Post confirme qu’Amazon (et Meta) ont versé chacun un million de dollars pour ce comité, en marge d’une visite de Bezos à Trump. Ce geste, présenté comme une tentative « d'améliorer la relation » avec la nouvelle administration, survient dans un contexte où Bezos se montrait récemment « optimiste » sur une déréglementation sous Trump.
Lors du DealBook Summit organisé par le New York Times le 4 décembre, Bezos a déclaré qu'il s'attendait à un environnement réglementaire plus favorable sous la prochaine administration. « Je suis en fait très optimiste cette fois-ci », a déclaré Bezos sur scène. « Il semble consacrer beaucoup d'énergie à la réduction de la réglementation. Si je peux l'aider à le faire, je l'aiderai ».
Les analystes ont déclaré qu'Amazon risquait tout particulièrement d'être affecté par la guerre commerciale de Trump, notamment par les droits de douane de 145 % imposés à la Chine, en raison du nombre de produits vendus sur le site, directement ou par l'intermédiaire de tiers, qui proviennent de ce pays. Certains vendeurs d'Amazon ont augmenté les prix de produits tels que les appareils électroménagers, les snacks et les produits électroniques, bien que l'entreprise ait déclaré que cela ne représentait qu'une petite fraction de la quantité totale de produits vendus sur le site.
Mark Zuckerberg
Mark Zuckerberg, patron de Meta, est un cas plus complexe. Initialement très critiqué par Trump (celui-ci le menaçait publiquement et le traitait de « Mark Zuckerberg Bucks »), il a opéré une volte-face spectaculaire. Meta a donné 1 million de dollars au comité d’inauguration, juste après que Zuckerberg ait dîné à Mar-a-Lago avec Trump fin novembre 2024. Le New York Times et le Washington Post soulignent que ce geste s’inscrit dans « une opération de charme » destinée à « réparer les ponts » avec l’aile droite du paysage politique. Cette donation, rapportée par Meta, vient malgré les vives critiques de Trump — qui a vu son compte banni après le 6 janvier 2021 — et fait suite à des déclarations de l’entourage de Trump : Stephen Miller affirme que Zuckerberg « comprend que Trump est un agent de prospérité » et veut soutenir ses plans économiques.
Jensen Huang
Jensen Huang, PDG de Nvidia, est le seul de ces quatre à n’avoir pas physiquement assisté à la cérémonie d’investiture. Selon le Financial Times, il a fêté le Nouvel An chinois en Asie à cette date. En revanche, sa société a bel et bien versé 1 million de dollars au fonds inaugural de Trump. Huang s’est publiquement montré désireux de féliciter la nouvelle administration tout en promouvant l’industrie américaine des semiconducteurs. Nvidia, pourtant privée de l’investiture, a salué la « politique moins restrictive » de Trump pour l’intelligence artificielle et un retour à des « politiques qui renforcent le leadership américain » dans la tech. Ce positionnement pro-Trump s’explique par les intérêts stratégiques de Nvidia : le groupe, leader mondial des puces graphiques, subit directement les restrictions américaines sur les exportations vers la Chine, d’où le préjudice de 5,5 milliards de dollars évoqué.
Enjeux politiques : image, régulation et influence
Cette association étroite avec Trump soulève de nombreuses questions stratégiques. D’abord, l’image de ces entreprises en pâtit vis-à-vis de leurs utilisateurs et employés, souvent hostiles à la rhétorique de Trump. Le Washington Post note que ce « tour de charme » envers Trump « risque d’aliéner les démocrates et militants libéraux » critiques de la stratégie de Meta. Des responsables de droits numériques ont dénoncé l’utilisation de cette manne pour célébrer « le fastueux spectacle de l’investiture » au lieu de protéger ceux qui seront affectés par les politiques de Trump.
Sur le plan réglementaire, la manœuvre est plus ambiguë. Les géants de la tech espèrent manifestement une dérégulation accrue et un antitrust plus clément. Des sociétés comme Meta, Apple ou Google ont tout intérêt à ce que l'administration Trump soit plus souple sur la concurrence. Beaucoup de patrons ont même fait le pèlerinage à Mar-a-Lago pour discuter directement de leurs priorités technologiques. Musk lui-même a décroché un rôle de conseiller officiel grâce à cet « early head start ».
Pourtant, les politiques de Trump leur ont souvent été nuisibles : les taxes sur l’importation chinoise ont fait chuter Amazon et Tesla, et les restrictions à l’export de puces affectent Nvidia. En d’autres termes, leur calcul politique pouvait se révéler contre-productif pour leurs affaires. L’ancien président Obama avait d’ailleurs proscrit ce type de dons d’entreprise (en 2009 mais pas en 2013, Obama a interdit les contributions des entreprises, des syndicats, des PAC et des lobbyistes, ainsi que les dons individuels de plus de 50 000 dollars), là où Trump n’impose pas de plafond. La normalisation de ces cadeaux aux présidents est controversée — un analyste note que, « après 2016, de tels gestes étaient extrêmement scrutés, mais désormais ce serait le prix à payer pour faire des affaires ».
Enfin, leur influence à Washington demeure incertaine. Bien que ces dirigeants aient obtenu des entretiens (Zuckerberg à Mar-a-Lago, Musk au conseil présidentiel), il n’est pas acquis qu’ils concrétiseront des avantages politiques durables. En coulisse, certains experts rappellent que ces concessions sont devenues « une nécessité des affaires » plutôt qu’un gage de confiance. Au final, le président Trump a lui-même averti lors de son discours de départ « qu'une oligarchie de richesse extrême, de pouvoir et d’influence » menaçait la démocratie américaine. Il est permis de s’interroger si ces milliardaires, en alignant leurs intérêts avec une administration controversée, ne renforcent pas cette critique.
Critique des motivations et conséquences
D’un point de vue critique, cette situation s’explique surtout par la recherche d’influence et de protection de leurs intérêts industriels. L’investiture était, pour eux, l’occasion « d'embrasser l’anneau » du pouvoir économique. Mais cette stratégie comporte des coûts réputationnels. De nombreux observateurs et militants dénoncent « l'opportunisme » de patrons qui ont longtemps combattu Trump, puis ont soudain « adhéré au spectacle politique » pour servir leur modèle économique.
La leçon politique semble malgré tout mitigée pour ces milliardaires : malgré leurs dons et contacts, leurs entreprises ont pâti des orientations protectionnistes de l’administration. Les prochains mois nous diront si cette parenthèse « d'alignement » porte des fruits concrets (délégitimation des régulations antitrust, commandes publiques, etc.) ou si elle restera avant tout un épisode controversé de leurs stratégies d’influence.
Source : Bloomberg Billionaires Index
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