
L’étude, réalisée en amont de l’élection présidentielle américaine de 2020, s’est appuyée sur plus de 35 000 utilisateurs recrutés pour désactiver volontairement leur compte pendant six semaines. L’objectif : mesurer l’impact réel de cette déconnexion sur leur état émotionnel, en évaluant leur niveau de bonheur, d’anxiété et de dépression.
À l’heure où nous passons parfois plusieurs heures par jour à faire défiler les publications sur nos écrans, une question revient de plus en plus souvent : « Et si on faisait une pause ? Est-ce que se déconnecter de Facebook ou d’Instagram pourrait réellement nous faire du bien ? »
Une équipe internationale de chercheurs, en collaboration avec des institutions prestigieuses comme Stanford, Princeton ou le MIT, a décidé de répondre sérieusement à cette question. Leur étude, menée en 2020 mais publiée en avril 2025, est la plus grande jamais réalisée sur ce sujet. Elle permet enfin de mettre des chiffres sur ce que beaucoup ressentent intuitivement : les réseaux sociaux peuvent affecter nos émotions, pour le meilleur… ou pour le pire.
Une expérience grandeur nature
Les chercheurs ont recruté près de 20 000 utilisateurs de Facebook et plus de 15 000 d’Instagram, tous actifs au quotidien sur ces plateformes. L’idée ? Leur proposer de désactiver leur compte pendant six semaines avant les élections américaines de 2020. En échange, ils recevaient une compensation financière. Un autre groupe, dit « de contrôle », n’a désactivé son compte que pendant une semaine.
Les participants ont ensuite répondu à des questionnaires sur leur état émotionnel : à quelle fréquence s’étaient-ils sentis heureux, déprimés ou anxieux au cours des dernières semaines ? Ces réponses ont permis aux chercheurs de construire un indice global de bien-être émotionnel.
Voici ce qu'ils ont expliqué :
« La question de savoir comment les médias sociaux affectent le bien-être psychologique des utilisateurs fait l'objet d'un débat animé. Les médias sociaux rendent-ils les gens plus heureux, par exemple en facilitant les connexions sociales bénéfiques ? Ou bien rendent-ils les gens déprimés et anxieux, par exemple en réduisant les interactions en face à face ou en augmentant les comparaisons sociales défavorables ? Certains analystes affirment que les médias sociaux ont contribué au déclin récent et alarmant de la santé mentale des jeunes, et les décideurs politiques ont réagi en adoptant des lois et des mesures juridiques. Ces débats aux enjeux considérables se sont principalement appuyés sur des données issues de séries chronologiques et de corrélations transversales, ainsi que sur quelques expériences randomisées relativement modestes, et les chercheurs ne s'accordent pas sur les implications de ce phénomène
« Par ailleurs, les élections américaines sont devenues de plus en plus stressantes : une étude réalisée en août 2020 a révélé que 68 % des adultes américains considéraient les élections à venir comme une source importante de stress, ce qui représente une augmentation importante par rapport à 2016. D'autres études montrent que l'exposition à l'actualité politique réduit le bien-être psychologique. Étant donné que de nombreuses personnes obtiennent des informations politiques sur les médias sociaux, ces faits soulèvent la question de savoir comment l'utilisation des médias sociaux avant une élection affecte l'état émotionnel des gens.
« Dans cet article, nous présentons les résultats de la plus grande étude expérimentale jamais réalisée sur l'effet de la désactivation des médias sociaux sur l'état émotionnel des utilisateurs, que nous avons menée dans le cadre d'une étude plus large des résultats politiques avant l'élection présidentielle américaine de 2020. Nous avons recruté 19 857 utilisateurs de Facebook et 15 585 utilisateurs d'Instagram qui passaient au moins 15 minutes par jour sur leur plateforme respective. Nous avons assigné au hasard 27 % des participants à un groupe de traitement qui s'est vu offrir un paiement pour la désactivation de leurs comptes pendant les six semaines précédant l'élection. Les autres participants ont formé un groupe de contrôle qui a été payé pour désactiver son compte pendant la première de ces six semaines. Nos enquêtes de départ et d'arrivée ont permis de recueillir trois mesures de l'état émotionnel autodéclaré, à savoir la durée pendant laquelle les personnes se sont senties heureuses, déprimées ou anxieuses au cours des quatre dernières semaines, ainsi qu'un large éventail de résultats politiques que nous étudions séparément ».
Résultat : une amélioration réelle… mais modérée
Les utilisateurs qui se sont déconnectés de Facebook pendant six semaines ont vu leur état émotionnel s’améliorer de manière significative. Ceux qui ont quitté Instagram ont également ressenti un mieux-être, mais dans une moindre mesure.
Ce que disent les chiffres :
- Déconnexion de Facebook : +0,060 sur l’échelle de bien-être
- Déconnexion d’Instagram : +0,041
Dit plus simplement, ces chiffres montrent une petite amélioration, mais tout de même perceptible. Pour donner un ordre d’idée : c’est à peu près l’équivalent de passer d’un « je suis heureux parfois » à « je suis heureux souvent » pour environ 4 % des participants.
Des effets plus forts selon le profil
Tous les utilisateurs ne sont pas égaux face à la déconnexion. L’étude a révélé que :
- Sur Facebook, l’effet positif est plus fort chez les personnes de plus de 35 ans.
- Sur Instagram, les jeunes femmes de 18 à 24 ans sont celles qui ressentent le plus d’amélioration, avec un score deux fois supérieur à la moyenne.
Cela confirme certaines inquiétudes : Instagram, très axé sur l’image, exerce une pression psychologique plus forte sur les jeunes femmes, notamment en matière d’apparence et de comparaison sociale.
Et le temps gagné, on en fait quoi ?
L’un des éléments intéressants de l’étude est qu’elle a aussi mesuré ce que les gens faisaient du temps libéré par l’arrêt des réseaux. Et là, surprise : les participants n’ont pas passé plus de temps à lire, faire du sport ou sortir avec des amis.
En réalité, ils ont juste utilisé d’autres applications, comme YouTube, TikTok ou Snapchat. Autrement dit, ils ont remplacé un réseau par un autre, ce qui signifie que les bénéfices émotionnels viennent surtout du fait d’éviter certaines dynamiques propres à Facebook et Instagram (comme les polémiques politiques ou les photos de vacances parfaites).
[B][SIZE=3]Comparé à d’autres solutions : que vaut la pause r[/size=3]...
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