
Sarah Wynn-Williams fut directrice de la politique publique mondiale de Facebook (désormais Meta). Cette ancienne diplomate néo-zélandaise a rejoint Facebook en 2011 et y a travaillé jusqu'en 2017. Le mardi 11 mars 2025, Sarah Wynn-Williams a publié un livre intitulé « Careless People: A Cautionary Tale of Power, Greed, and Lost Idealism » et qui offre une perspective critique sur la culture d'entreprise et les pratiques internes du géant des réseaux sociaux.
L'ouvrage met en lumière des anecdotes sur les dirigeants de Facebook, notamment le PDG Mark Zuckerberg, l'ex-directrice des opérations Sheryl Sandberg et d'autres cadres clés. Elle contient une série d'affirmations critiques sur ce dont l'auteure a été témoin lors de son passage chez Facebook.
Sarah Wynn-Williams retrace son parcours de jeune employée idéaliste à employée désillusionnée. « Aujourd'hui, c'est embarrassant, mais nous oublions ce qu'était l'Internet à l'époque - c'était un espace incroyable, où tout était possible », se souvient Sarah Wynn-Williams.
L'auteure raconte comment elle a travaillé au plus haut niveau dans l'une des entreprises les plus puissantes d'aujourd'hui. Elle évoque le fossé qui existe entre la façon idéaliste dont Meta s'est vendu à ses employés et la réalité de ce que l'on ressent lorsqu'on veut croître à tout prix. Ce qui frappe le lecteur, c'est que Meta et ses homologues ne sont que les équivalents numériques des conglomérats pétroliers, miniers et tabagiques de l'ère analogique.
Et ce sont toutes des entreprises américaines qui se sont acoquinées avec le président Donald Trump, ce qui signifie que leurs intérêts sont maintenant inextricablement liés à ceux de l'État américain. Nombre d'entre elles ont déjà adopté les politiques anti-woke et anti-DEI de Donald Trump.
Meta : une simple extension de la personnalité du PDG Mark Zuckerberg
Ce qui ressort le plus clairement du récit de Sarah Wynn-Williams, c'est le fait que Meta n'est en fait qu'une extension de la personnalité de son dirigeant suprême, rappelant ce qu'était Microsoft lorsque Bill Gates était le patron. Le livre de Sarah Wynn-Williams montre qu'il y a une sorte de culte de la personnalité autour de Mark Zuckerberg au sein de Meta, ce qui contribue à accroître son pouvoir en tant que PDG. Mark Zuckerberg a le contrôle total de Meta.
Dans les documents déposés auprès de la SEC, il y a toujours un paragraphe qui indique clairement qu'il pourrait même vendre la société contre l'avis de tous les actionnaires et de son conseil d'administration. Le résultat est que Meta, en tant qu'entreprise, suit toujours les obsessions de Mark Zuckerberg.
Pendant de nombreuses années, il s'agissait d'assurer une croissance exponentielle du nombre d'utilisateurs. Mark Zuckerberg voyait le monde comme les fanatiques de jeux de société voient les jeux de conquête. Et ce qui l'exaspérait vraiment, c'est qu'une immense région du monde - la Chine - lui était fermée.
Mark Zuckerberg décrit comme « un adolescent truculent et un bambin »
Pendant les 14 années où Sheryl Sandberg a travaillé chez Meta, en tant que directrice des opérations de Mark Zuckerberg, elle était présentée comme l'adulte qui gardait les enfants turbulents de la technologie dans le droit chemin. Cependant, dans une interview sur ses mémoires avec le quotidien britannique The Times, Sarah Wynn-Williams affirme que ce n'était pas le cas. « Il n'y avait pas d'adultes dans la pièce », a déclaré l'ancienne directrice de Meta.
Sarah Wynn-Williams, qui a travaillé chez Facebook entre 2011 et 2017, a ajouté : « ce sont des gens qui ont pris beaucoup de pouvoir, pensant qu'aucune règle ne s'applique à eux ». Son livre est un exposé choquant et très critique des sept années qu'elle a passées chez le géant de la technologie.
Sarah Wynn-Williams, 45 ans, n'est que de 5 ans l'aînée de Mark Zuckerberg. Elle affirme qu'elle avait souvent l'impression de « garder » son patron, alors qu'elle assistait à sa transformation d'ingénieur maladroit sans aucun sens politique en courtier en puissance courtisé par les dirigeants du monde entier.
Elle le décrit comme un croisement entre un adolescent truculent et un bambin : il n'aime pas se lever avant midi, même pour rencontrer les Premiers ministres, et ses collègues obséquieux se sentent obligés de le laisser les battre à des jeux de société. Lorsque l'ancien président américain Barack Obama l'a réprimandé pour le rôle joué par Facebook dans la diffusion d'infox lors de l'élection présidentielle de 2016, Mark Zuckerberg a piqué une colère noire.
« Il n'a rien compris, il s'est trompé du tout au tout », avait-il fulminé, selon Sarah Wynn-Williams. Elle rapporte que, malgré sa modernité éclatante, Meta fonctionne de manière étrangement anachronique. Le népotisme était monnaie courante. Il semble que tout le monde soit allé à Harvard.
Meta présenté comme un réseau « fou » pour les frères de la technologie
Sarah Wynn-Williams explique : « c'est un réseau fou et enchevêtré ; ils ont tous été de mariage l'un de l'autre, ils achètent les maisons l'un de l'autre. Les gens disent que Mark et Sheryl sont dans une bulle, mais cela implique qu'elle est transparente, qu'ils peuvent voir le monde réel. Cette bulle est opaque ; on ne voit rien en dehors du jet privé ». Elle a décrit son départ de l'entreprise d'une manière qui donne l'impression qu'elle a quitté une secte.
Les deux leaders de la secte seraient donc Mark Zuckerberg et Sheryl Sandberg. Le comportement de cette dernière, tel qu'il est décrit dans le livre, contraste fortement avec sa personnalité publique. En public, l'ancienne directrice des opérations de Meta s'affichait comme une féministe dont le manifeste de 2013, Lean In, s'est vendu à plus de quatre millions d'exemplaires et a enseigné à d'autres femmes comment s'affirmer au travail et à la maison.
Sarah Wynn-Williams a déclaré lors de l'interview avec The Times qu'elle était présente lors des discussions sur les tentatives de Facebook pour entrer en Chine, et dans le jet privé en 2016 lorsque Mark Zuckerberg a finalement reconnu son rôle dans l'accession de Donald Trump à la Maison Blanche.

Ce passage rappelle aussi le scandale Cambridge Analytica très médiatisé. Cette affaire de violation de données personnelles des utilisateurs de Facebook a éclaté en 2018. Cambridge Analytica, une société britannique d'analyse de données, avait orchestré une campagne de manipulation de masse en exploitant les données personnelles de 50 millions d’utilisateurs de Facebook à leur insu. Cela aurait influencé l'élection présidentielle américaine en 2016.
Pendant son séjour chez Facebook, Sarah Wynn-Williams avait souvent eu l'impression que les besoins de l'entreprise passaient avant le bien-être des employés. Sarah Wynn-Williams raconte qu'en 2014, elle avait été envoyée à l'épicentre de l'épidémie de Zika alors qu'elle était enceinte.
La Chine : la « baleine blanche » de Mark Zuckerberg d'après l'auteure
Sarah Wynn-Williams affirme que la « baleine blanche » de Mark Zuckerberg est la Chine et sa population de 1,4 milliard de personnes. « C'est la chose qu'il a toujours cherché à conquérir, mais qui lui a échappé », a déclaré Sarah Wynn-Williams. Pour tenter d'accéder au marché chinois, Facebook a garanti qu'il favoriserait l'ordre social et a donné aux ingénieurs chinois des explications détaillées sur le fonctionnement de sa fonction de reconnaissance faciale.
Sarah Wynn-Williams ajoute également que Facebook a essentiellement proposé d'aider le parti communiste chinois à censurer les messages viraux, en suggérant que le gouvernement fournisse à l'entreprise une liste noire de contenus interdits. « Ce qui est encore plus inquiétant, c'est qu'ils ont installé ces compteurs de viralité à Hong Kong et à Taïwan », affirme-t-elle. Facebook aurait également essayé diverses autres méthodes visant à censure le discours.
En 2015, Mark Zuckerberg aurait demandé au président chinois Xi Jinping s'il lui ferait « l'honneur de nommer son enfant à naître ». Xi Jinping a refusé. Dans son ouvrage, Sarah Wynn-Williams souligne que malgré leurs efforts, Meta et son PDG n'ont jamais réussi à pénétrer pleinement le marché chinois.
Depuis 2019, Meta a déclaré qu'elle n'opérait pas en Chine, mais Sarah Wynn-Williams note que la société a tout de même réalisé 23 milliards de dollars de recettes l'année dernière grâce à des entreprises basées en Chine qui font de la publicité sur ses plateformes de médias sociaux du groupe.
Technologie et politique : les mises en garde de Sarah Wynn-Williams
Ces derniers mois, Mark Zuckerberg a semblé beaucoup moins soucieux d'apaiser les critiques des libéraux, allant même jusqu'à faire un don au fonds d'investiture du président Donald Trump. Y a-t-il une idéologie derrière tout cela ? « Pas vraiment. Les gens veulent qu'il y ait un ensemble de valeurs ; on a le sentiment que quelqu'un qui a accumulé autant de pouvoir devrait en avoir. Mais il n'y a rien... à part l'argent », a répondu Sarah Wynn-Williams.
Elle ajoute : « ils n'ont pas d'amitiés comme vous et moi. Il y a tellement de gens autour d'eux qui ne sont pas seulement sur la liste de paie, ils ont une grande richesse dérivée d'eux. Lorsque les gens disaient quelque chose d'inconfortable, ils disparaissaient discrètement - ils n'avaient pas fait preuve d'une loyauté suffisante envers le régime ». Elle pense que nous verrons de plus en plus de milliardaires de la Tech imiter Elon Musk et s'impliquer politiquement.
« Les hommes politiques et les chefs d'entreprise du secteur technologique comprennent qu...
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