Les médias sociaux ont transformé les campagnes politiques en offrant de nouvelles opportunités de communication, d'engagement et d'influence. Des plateformes comme Twitter, Facebook et YouTube sont devenues essentielles pour les politiciens, facilitant la diffusion d'informations et l'interaction avec les électeurs. Elles ont également favorisé l'augmentation des contributions aux campagnes, en particulier pour les nouveaux candidats. Les campagnes sur ces plateformes peuvent influencer les résultats électoraux, notamment par la diffusion de messages plutôt que par l'engagement direct.
Les médias sociaux permettent aux politiciens de cibler des segments spécifiques d'électeurs, tout en façonnant le discours public. Toutefois, l'impact de ces plateformes sur la notoriété des candidats reste limité, et des préoccupations existent quant à la propagation de désinformation, notamment lors des élections américaines de 2012 et 2016. L'analyse des sentiments en ligne peut éclairer la perception des électeurs, mais elle ne reflète pas toujours les résultats réels.
Enfin, les entreprises technologiques comme Facebook et Twitter jouent un rôle clé dans les campagnes en fournissant une stratégie numérique et un soutien. Bien que les médias sociaux offrent de nombreuses opportunités, ils présentent aussi des défis concernant l'intégrité des informations et l'influence sur les processus politiques. Leur rôle dans les campagnes politiques continuera probablement de croître.
« Les médias sociaux sont devenus incontournables dans la vie quotidienne, en particulier lors des derniers cycles électoraux. Le débat autour de leur influence s’est concentré sur leur rôle dans la polarisation des individus », a expliqué Wael Jabr, professeur adjoint en chaîne d'approvisionnement et systèmes d'information à Penn State. « Mais peut-on vraiment accuser les médias sociaux de ce phénomène ? Des études précédentes montrent que la polarisation a augmenté au cours des trois ou quatre dernières décennies, bien avant l’émergence des médias sociaux. Cela nous a poussés à mener une étude sur l'impact des médias sociaux tout au long du cycle électoral, en analysant les effets sur les citoyens, les candidats et les médias traditionnels comme la presse écrite et la télévision. »
Les chercheurs ont utilisé un modèle « Hotelling » pour examiner l’influence des médias sociaux sur les partis politiques, les citoyens et les médias traditionnels. Ce modèle, couramment utilisé en affaires et en sciences politiques, permet de simplifier les interactions sociales entre plusieurs acteurs et d’approfondir la compréhension de leurs prises de décision.
TikTok sous enquête après des accusations d'ingérence dans les élections présidentielles roumaines
TikTok est récemment devenu le centre des critiques après avoir admis avoir permis des groupes de comptes soutenant le nationaliste d'extrême droite pro-russe Călin Georgescu, qui a surpris en arrivant en tête du premier tour de l'élection présidentielle roumaine. Cette révélation a soulevé des préoccupations concernant l'influence de la plateforme sur les processus démocratiques et a incité le Parlement et la Commission européens à enquêter sur cette affaire.
Brie Pegum, responsable mondiale des produits de TikTok, a été interpellée par le Parlement européen pour répondre aux accusations selon lesquelles les algorithmes de la plateforme auraient amplifié la candidature de Georgescu. Ce dernier, avec plus de 20 % des voix, s’est qualifié pour le second tour face à la candidate libérale Elena Lasconi. Les critiques affirment que la modération de contenu et les décisions algorithmiques de TikTok ont joué un rôle clé dans sa visibilité accrue.
TikTok a reconnu avoir supprimé les comptes contrevenant à ses règles concernant la publicité politique non identifiée, y compris ceux soutenant Georgescu et Mircea Geoană, un ancien dirigeant de l'OTAN ayant récolté 6 % des voix. Avant les élections, la plateforme avait également éliminé 66 000 faux comptes et 10 millions de faux abonnés. Cependant, malgré ces actions, le contenu pro-Georgescu est devenu viral, augmentant significativement sa visibilité.
Envoyé par TikTok
La Cour constitutionnelle roumaine a ordonné un recomptage des voix en raison de préoccupations liées à une ingérence étrangère, notamment de la Russie. Cependant, aucun problème majeur n’a été trouvé et les résultats ont été certifiés. Cet incident a déclenché de vives critiques parmi les législateurs européens, certains accusant TikTok de ne pas avoir suffisamment surveillé sa plateforme pendant l'élection. Dirk Gotink, député européen, a comparé la réaction de TikTok à celle d'une « brigade de pompiers » qui attend que l'incendie se propage avant d’agir.
Caroline Greer, directrice de la politique publique de TikTok, a défendu la plateforme, soulignant son équipe de 6 000 modérateurs à travers l’Europe et ses partenariats avec des organisations de vérification des faits. Toutefois, les députés ont exprimé des doutes sur l’efficacité de ces mesures, pointant un manque de transparence et de responsabilité.
Face à ces critiques, la Commission européenne a ouvert une enquête pour déterminer si TikTok a violé la loi sur les services numériques de l'UE, qui oblige les plateformes à prévenir l'abus de leurs services dans les processus politiques. Si une infraction est confirmée, TikTok pourrait être condamné à une amende allant jusqu’à 6 % de son chiffre d'affaires mondial, soit environ 6,6 milliards de dollars. Cette enquête met en lumière l'attention croissante de l’Europe sur le rôle des plateformes technologiques dans les élections démocratiques.
En parallèle, la Russie et la Chine ont développé des stratégies pour influencer les élections mondiales en soutenant des candidats favorables à leurs intérêts, tandis que les gouvernements occidentaux n’ont pas encore pris de mesures strictes contre ces plateformes. Des campagnes similaires ont également été observées sur la plateforme X d'Elon Musk, toutes alignées sur l’objectif de déstabiliser les démocraties occidentales.
Médias sociaux et influence étrangère : un nouvel enjeu pour la démocratie et la souveraineté électorale
Les médias sociaux ont indéniablement un impact profond sur les sociétés contemporaines, tant sur le plan politique que social. Si, d'une part, ces plateformes offrent une vaste liberté d'expression, d'autre part, elles constituent un terrain de manipulation, parfois involontaire, parfois délibérée. Ce phénomène est particulièrement visible lors des élections, où les algorithmes des plateformes peuvent amplifier des messages polarisants, qu'ils soient d'extrême gauche ou d'extrême droite, dans le but de diviser plutôt que de promouvoir un véritable débat démocratique. L’ampleur de cette influence devient encore plus préoccupante lorsque des acteurs externes, tels que des groupes étrangers ou des régimes autoritaires, exploitent ces outils pour manipuler l’opinion publique et interférer avec les processus électoraux d’autres pays.
L'une des grandes préoccupations soulevées par l’utilisation des médias sociaux dans le cadre des élections est la question de la transparence et de la responsabilité. Bien que les plateformes comme TikTok ou Facebook affirment avoir des équipes de modération pour contrôler la désinformation, leur efficacité est souvent remise en question. Les décisions algorithmiques, qui privilégient la viralité et l’engagement, semblent parfois favoriser les messages polarisants au détriment des informations factuelles, ce qui crée un environnement propice à la propagation de fake news et de manipulations politiques. La lenteur de réaction face à de telles dérives aggrave la situation, comme l’illustre l’exemple de TikTok, qui a tardé à supprimer des comptes pro-Georgescu durant la campagne électorale roumaine.
De plus, la logique des plateformes sociales semble s’opposer à l’idée d’une information démocratique. Loin de stimuler un débat pluraliste, ces plateformes tendent à enfermer les utilisateurs dans des chambres d’écho, où les opinions similaires se renforcent et se radicalisent. L’algorithme de recommandation favorise les contenus qui suscitent des émotions fortes, qu’il s’agisse de colère, de peur ou d’enthousiasme, ce qui conduit à une polarisation accrue. Ce phénomène est renforcé par des acteurs extérieurs, qui utilisent ces mêmes outils pour semer la discorde et soutenir des candidats ou des idéologies favorables à leurs intérêts géopolitiques, souvent dans le but de déstabiliser des démocraties.
Cependant, il est important de reconnaître que les problèmes soulevés par les médias sociaux ne sont pas unilatéraux. Les régimes autoritaires, qui sont généralement les plus préoccupés par l'usage de ces plateformes, sont bien conscients de leur potentiel subversif. En interdisant l’accès à des plateformes comme YouTube ou Facebook, ces gouvernements cherchent à contrôler le flux d’informations et à limiter la diffusion de contenu qui pourrait remettre en question leur autorité.
Paradoxalement, ces mêmes gouvernements sont prêts à utiliser les médias sociaux à leur avantage lorsque cela sert leurs objectifs. Ce double standard souligne la complexité du problème : si ces outils peuvent être utilisés pour défendre la liberté d’expression et la démocratie, ils peuvent également servir de leviers pour manipuler l’opinion publique et affaiblir les régimes démocratiques.
Enfin, face à cette situation, il est primordial d’agir sur deux fronts. D'une part, il est nécessaire d'améliorer la régulation des plateformes afin de garantir la transparence des algorithmes et la lutte contre la désinformation. D'autre part, un effort d'éducation des citoyens est essentiel pour qu’ils puissent mieux comprendre les mécanismes des médias sociaux et leur impact sur la société. La clé réside dans une approche équilibrée, où la liberté d’expression est préservée tout en minimisant les risques d’influence étrangère et de manipulation de masse. Les démocraties doivent renforcer leur résilience face à ces défis afin de préserver la souveraineté de leurs processus électoraux et la qualité de leur débat public.
Sources : European Commission, TikTok
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Comment évaluer l’efficacité des actions de modération de TikTok dans la lutte contre la désinformation, et quels mécanismes devraient être mis en place pour renforcer cette modération ?
L’enquête ouverte par la Commission européenne sur TikTok représente-t-elle une réponse suffisante face aux risques d’ingérence étrangère, ou faut-il une législation plus stricte et plus rapide ?
Quelles sont les conséquences pour les processus démocratiques européens lorsque des régimes autoritaires comme la Russie et la Chine utilisent des plateformes sociales pour influencer les élections d'autres pays ?
Voir aussi :
L'UE ouvre une enquête sur TikTok pour ingérence électorale : la Commission ouvre une procédure formelle contre TikTok sur les risques électoraux en vertu de la loi sur les services numériques
Cinq candidats républicains à l'élection présidentielle demandent l'interdiction de TikTok en Amérique : "TikTok n'est pas seulement un logiciel espion, il pollue l'esprit des jeunes Américains."