La popularité croissante de Bluesky, qui a une base largement libérale et un algorithme plus difficile à manipuler, a suscité des « discussions inquiètes dans les cercles des médias d'État chinois », a écrit un ancien employé de Xinhua et du China Daily dans sa lettre d'information. Il prédit que les comptes migreront vers Bluesky, même si cela peut prendre du temps. Pour l'instant, le secteur s'est recentré sur les chaînes et plateformes nationales en mandarin comme Bilibili, WeChat et Douyin, la version chinoise de TikTok.
Une croissance rapide
Bluesky a été lancé avec une ambition claire : proposer une alternative décentralisée aux réseaux sociaux traditionnels. La plateforme repose sur le protocole AT Protocol, qui permet une interopérabilité et une personnalisation accrues par rapport aux modèles centralisés classiques. Cet aspect technique, bien que complexe, séduit un public soucieux de la confidentialité des données et de la liberté d’expression.
Bluesky, le réseau social concurrent de X, a bénéficié de la vague de départs de l'application d'Elon Musk, anciennement connue sous le nom de Twitter. Il y a quelques jours, Bluesky a franchi une étape importante : elle a dépassé les 20 millions d'utilisateurs. De plus, de nouvelles données indiquent que la croissance rapide de l'application lui permet de réduire l'écart avec un autre grand rival de X, Instagram Threads, dans des mesures telles que les utilisateurs actifs quotidiens et les visites de sites web.
Bluesky en bonne voie pour surclasser le réseau social Threads de Meta ?
Selon Mashable, Threads a commencé le mois de novembre avec 5 fois plus d'utilisateurs quotidiens que Bluesky. Ce chiffre n'est plus que de 1,5. Bluesky est en train de combler l'écart avec Threads à une vitesse fulgurante, l'application Bluesky comptant désormais 3,5 millions d'utilisateurs actifs quotidiens. Ce changement de dynamique a été impressionnant, en particulier dans le sillage de l'élection présidentielle américaine du 5 novembre 2024.
Journalistes, universitaires et entreprises fuient en masse le réseau social d'Elon Musk, et Bluesky devient rapidement leur plateforme de prédilection. Pourquoi Bluesky et pas Threads ? La décision du PDG de Meta, Mark Zuckerberg, de modérer le contenu politique sur Threads semble avoir rebuté les utilisateurs à la recherche d'un discours public dynamique. Les critiques y voient une tentative de rester dans les bonnes grâces du président élu Donald Trump.
Axel Bruns, chercheur en médias sociaux, affirme que Bluesky offre une alternative à X, notamment grâce à un système plus efficace de blocage ou de suspension des comptes problématiques et de contrôle des comportements préjudiciables. « Il est devenu un refuge pour les gens qui veulent avoir le même type d'expérience des médias sociaux qu'avec Twitter, mais sans l'activisme d'extrême droite, la désinformation, les discours de haine et les bots », a-t-il déclaré.
Le nombre d'utilisateurs de Bluesky a grimpé en flèche depuis l'élection de Donald Trump pour atteindre plus de 23 millions à l'heure où nous écrivons ces lignes. Cela dit, Bluesky est encore un travail en cours. Sa croissance rapide a entraîné son lot de maux de tête, notamment des pannes, des pépins et des escrocs. À mesure que les utilisateurs affluent vers la plateforme, il faut s'attendre à ce que des problèmes de croissance apparaissent en cours de route.
Une situation qui n'arrange pas la Chine
Blue Sky, né de l'initiative de Jack Dorsey, ancien PDG de Twitter, se distingue par son architecture décentralisée qui met l'accent sur la liberté d'expression et la protection des données des utilisateurs. Cette approche tranche nettement avec X, qui, sous la direction d'Elon Musk, reste un réseau centralisé et plus accessible à l'influence extérieure, notamment celle des États.
La Chine, ayant investi massivement dans l’utilisation de X comme un levier pour diffuser sa vision du monde et promouvoir ses intérêts stratégiques, voit dans Blue Sky une menace. La décentralisation rend plus difficile le contrôle de la plateforme ou la diffusion d’une narration homogène, comme c’est souvent le cas sur des réseaux plus traditionnels.
Des investissements menacés par une migration des utilisateurs
Ces dernières années, la Chine a fait preuve d’une habileté redoutable pour utiliser les médias sociaux internationaux afin de façonner l’opinion publique mondiale. Par le biais de campagnes bien financées et de comptes influents, Pékin a cherché à promouvoir des messages sur des sujets clés, tels que Taïwan, les droits humains ou encore la Belt and Road Initiative (la nouvelle route de la soie).
Cependant, la montée en puissance de Blue Sky, qui attire des utilisateurs frustrés par les algorithmes et la modération opaque de X, complique cette stratégie. La fragmentation des plateformes affaiblit la portée des campagnes d’influence chinoises, rendant plus difficile le ciblage précis et la diffusion massive de messages.
Les défis pour Pékin dans un paysage numérique fragmenté
Cette situation illustre un défi plus large pour la Chine : l’adaptation à un paysage numérique en mutation rapide, où les plateformes centralisées ne sont plus les seules voies dominantes de communication. Avec l’émergence de réseaux décentralisés comme Blue Sky, les outils traditionnels de contrôle et d’influence risquent de devenir obsolètes.
Pour Pékin, cela signifie repenser sa stratégie numérique. Investir dans des campagnes multicanaux, développer des outils adaptés aux plateformes décentralisées, voire encourager la création de réseaux alternatifs alignés avec ses intérêts, pourrait devenir une priorité.
Un symbole des tensions entre autoritarisme et liberté numérique
Au-delà de l’influence politique, ce conflit entre X et Blue Sky reflète une bataille idéologique. D’un côté, les plateformes centralisées offrent aux États un certain contrôle ; de l’autre, des modèles décentralisés défendent la souveraineté numérique des individus.
Si Blue Sky parvient à maintenir sa trajectoire ascendante, la Chine devra non seulement revoir sa stratégie mais aussi faire face à un nouveau paradigme numérique qui complique son objectif de façonner un discours mondial à son image.
En fin de compte, l’ascension de Blue Sky ne concerne pas uniquement la Chine ou X, mais illustre une transition plus large dans la manière dont le pouvoir et l’influence sont exercés à l’ère des technologies décentralisées.
X et la gestion chaotique d'Elon Musk
Depuis son acquisition par Elon Musk, la plateforme Twitter – rebaptisée X – a suscité une avalanche de critiques, tant de la part de ses utilisateurs que de ses anciens employés. Les décisions controversées de Musk, souvent abruptes et mal accueillies, ont provoqué une crise de confiance au sein de la communauté qui avait longtemps considéré Twitter comme un pilier de la communication en ligne.
La perte de repères pour les utilisateurs
En transformant Twitter en X, Elon Musk a entrepris des changements radicaux dans la structure et la gouvernance de la plateforme, souvent au détriment de la stabilité et de la convivialité de l’application. La suppression de certaines fonctionnalités gratuites, le déploiement de l’abonnement Twitter Blue (maintenant X Premium) et la mise en avant du contenu payant ont désorienté les utilisateurs habitués à une plateforme accessible. Pour beaucoup, ces modifications ont transformé X en un espace axé sur la monétisation plutôt que sur l’échange d’idées.
Une approche contestée de la modération
Sous la direction de Musk, la modération sur X a pris une tournure problématique, avec des promesses de liberté d’expression étendue qui ont parfois ouvert la porte à la désinformation, aux discours haineux, et aux contenus controversés. La réduction drastique des équipes de modération et le relâchement des règles ont donné le sentiment que la plateforme était devenue moins sûre et plus propice aux abus. Cette situation a poussé certains utilisateurs à quitter X, craignant que l’espace soit devenu inapproprié pour les échanges respectueux.
La recherche de profit au détriment de l’expérience utilisateur
Elon Musk a également mis l’accent sur la rentabilité, multipliant les options payantes et les publicités, une stratégie qui a déplu aux utilisateurs. En transformant une bonne partie des fonctionnalités autrefois gratuites en options payantes, Musk a radicalement changé la nature de la plateforme. Cette quête de rentabilité a souvent semblé se faire sans prendre en compte les besoins et les attentes de la communauté. Résultat : une expérience utilisateur moins fluide et une frustration croissante parmi ceux qui avaient fait de Twitter un espace d’information et de partage.
Sources : Semafor, Blue Sky User Count
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Quel impact la montée en puissance des plateformes décentralisées pourrait-elle avoir sur la capacité des États à contrôler le discours mondial ?
La fragmentation des réseaux sociaux représente-t-elle une opportunité ou une menace pour la liberté d'expression ?
Quels outils les grandes puissances, comme la Chine, pourraient-elles développer pour maintenir leur influence sur des plateformes décentralisées ?