De nombreux cas d'escroquerie dans le secteur des cryptomonnaies ont été révélés au grand jour ces dernières années. Mais les analystes affirment que le cas du fonds spéculatif de cryptomonnaies Hyperverse laisse perplexe. Hyperverse s'est effondré fin 2022 et sa chute a entrainé environ 1,3 milliard de dollars de pertes pour les investisseurs. Une enquête du Guardian Australia a révélé que les investisseurs ont tous été manipulés depuis le début et que le directeur général de la société, un certain Steven Reece Lewis, n'a jamais existé. Aucune des organisations citées dans le curriculum vitæ de Steven Reece Lewis ne peut trouver une trace de lui.
Plus précisément, il s'agit d'un personnage fictif et ses qualifications ont toutes été inventées dans le but d'inciter les investisseurs à injecter de l'argent dans le projet HyperVerse. Cependant, lors du lancement d'HyperVerse entre fin 2021 et début 2022, une personne a bel et bien été payée pour jouer le rôle de Steven Reece Lewis : il s'agit de l'Anglais Stephen Harrison vivant en Thaïlande. Resté muet depuis l'effondrement d'HyperVerse, Stephen Harrison est récemment sorti de son silence et a déclaré qu'il a été payé pour jouer le rôle, recevant 180 000 bahts thaïlandais (environ 4 665 euros) sur neuf mois et un costume gratuit en guise de paiement.
Stephen Harrison était à l'époque présentateur de télévision indépendant et faisait des commentaires non rémunérés sur le football. Dans le cadre d'une interview, il a raconté avoir été approché par "un ami d'un ami" qui lui avait proposé de travailler sur HyperVerse. Harrison a déclaré qu'il était nouveau dans le secteur et qu'il avait été ouvert à l'idée d'acquérir plus de travail et d'expérience en tant que "présentateur" d'entreprise. « On m'a dit que je jouais un rôle pour représenter l'entreprise, ce que font beaucoup de gens », explique Harrison. Il a déclaré qu'il avait des doutes au départ, mais que son agent l'avait rassuré sur la légitimité de l'entreprise.
Harrison a déclaré qu'il avait été choqué d'apprendre que l'entreprise l'avait présenté comme ayant de fausses références pour promouvoir le projet. Il s'est dit désolé pour les investisseurs qui ont perdu de l'argent dans le cadre de ce programme, une escroquerie dans lequel il a déclaré n'avoir joué aucun rôle. « Je suis désolé pour ces personnes. Parce qu'ils ont cru à une idée dont j'étais le fer de lance et qu'ils ont cru à ce que j'ai dit, et Dieu sait ce que ces personnes ont perdu. Et je me sens mal à ce sujet », a déclaré Harrison. Il a déclaré lors de l'interview qu'il espère que la justice pourra venir en aide aux investisseurs lésés par cette escroquerie.
« Je suis profondément désolé pour ces personnes, vraiment. Vous savez, c'est horrible pour eux. J'espère simplement qu'il y aura une solution. Je sais qu'il est difficile de récupérer l'argent de ces personnes, mais j'espère qu'il y aura un peu de justice dans tout cela et qu'ils pourront aller au fond des choses », a déclaré Harrison. Il a tenu à préciser qu'il n'a empoché aucun centime des fonds perdus par les investisseurs d'HyperVerse. Comme souligné plus haut, Harrison a déclaré lors de l'interview qu'il avait des doutes sur l'entreprise HyperVerse, les promesses du projet et les promoteurs. Toutefois, cela ne l'a pas empêché de jouer son rôle jusqu'au bout.
Il a ajouté qu'il avait également fait ses propres recherches en ligne sur l'organisation et qu'il avait trouvé des articles sur l'entrepreneur australien de la blockchain et président d'HyperTech, Sam Lee. Lee a fondé avec Ryan Xu la société australienne de bitcoins Blockchain Global, qui s'est effondrée en 2021 à cause d'une dette de 58 millions de dollars envers ses créanciers. Lee et Xu ont été envoyés devant l'Australian Securities and Investments Commission (ASIC) pour des violations potentielles du Corporations Act en relation avec Blockchain Global. Cependant, l'ASIC a déclaré à l'époque qu'il n'avait pas l'intention de prendre des mesures pour l'instant.
« Je suis parti me renseigner sur l'entreprise, car je craignais qu'il ne s'agisse d'une escroquerie. J'ai donc regardé un peu en ligne et tout semblait correct, alors j'ai fait avec », affirme Harrison. Selon lui, lors de son deuxième enregistrement, on lui avait dit qu'il devait tourner sous un faux nom. « J'ai demandé pourquoi, et l'on m'a répondu : "eh bien, vous savez, vous êtes un acteur, vous jouez un rôle, vous présentez l'entreprise". Et mon agent m'a dit : "beaucoup de personnes font cela dans le métier. C'est tout à fait normal" », affirme Harrison. Dans les vidéos, Harrison parle des opportunités offertes aux personnes qui investissent dans HyperVerse.
Mais il ne demande pas explicitement de l'argent et ne fait aucune déclaration sur les bénéfices potentiels. Harrison a expliqué qu'il n'avait appris l'existence des fausses références qui accompagnaient la présentation de lancement dans laquelle il figurait que grâce à l'enquête du Guardian Australia. De nombreux critiques ont toutefois remis en cause cette déclaration d'Harrison. L'enquête a révélé qu'aucune des organisations citées dans la vidéo n'avait la moindre trace d'un Steven Reece Lewis dans leurs archives. HyperVerse prétendait qu'il est diplômé des universités de Leeds et de Cambridge et a plus de dix ans d'expérience dans le secteur de la FinTech.
L'université de Leeds et l'université de Cambridge n'avaient aucune trace de lui dans leurs bases de données. Steven Reece Lewis est censé être passé d'un emploi au sein de Goldman Sachs à la vente d'une société de développement Web à l'éditeur Adobe avant de lancer sa propre startup informatique. Mais Adobe n'a aucune trace d'une quelconque acquisition d'une entreprise appartenant à Steven Reece Lewis dans ses archives publiques et Goldman Sachs n'a trouvé aucune trace d'un Steven Reece Lewis ayant travaillé pour l'entreprise. L'enquête a aussi révélé que Steven Reece Lewis n'a aucune présence en ligne en dehors de la vidéo promotionnelle.
« J'ai été absolument choqué par ce que j'ai vu. Je ne suis jamais allé sur Internet pour me renseigner sur Steven Reece Lewis. J'ai regardé sur YouTube de temps en temps, à l'époque où ils mettaient les présentations en ligne, mais à part cela, j'étais détaché de ce rôle. Quand j'ai lu cela dans les journaux, je me suis dit : "bon sang, ils me font passer pour quelqu'un de très éduqué. J'ai le baccalauréat, je ne suis certainement pas à ce niveau-là". Ils ont donné une bonne image de moi, mais ils ne m'ont jamais rien dit de tout cela », a déclaré Harrison. Selon ses déclarations, toutes les autres qualifications citées dans la présentation sont fausses.
En réalité, la véritable identité de Stephen Harrison a été révélée par un Youtubeur américain, Jack Gamble, après la publication de l'enquête. Cette révélation a poussé Harrison à faire part de ce qu'il savait. Selon le contrat proposé à Harrison pour le rôle, dont une copie non signée a été vue par Guardian Australia, il était employé en tant que "présentateur talentueux" par une agence de talents basée en Indonésie dénommée "Mass Focus Ltd". Cependant, l'enquête n'a retrouvé aucune trace d'une société de ce nom dans le registre indonésien des sociétés. Mais encore, Harrison affirme n'avoir jamais rencontré ou parlé à une personne d'HyperVerse.
Harrison a déclaré qu'en dehors d'interactions scénarisées en ligne, il n'avait jamais parlé à personne d'HyperVerse, ne traitant qu'avec son contact local. En outre, il a insisté sur le fait qu'il n'avait eu aucun contact avec Lee ou Xu. Le contrat prévoyait un engagement de trois mois renouvelables, au cours duquel il serait payé 20 000 bahts thaïlandais (environ 519 euros) par mois pour un maximum de six heures de travail par mois. Harrison a déclaré que la plupart des mois, il ne travaillait qu'une ou deux heures, et que trois vidéos en un mois constituaient le plus gros de son travail. Il recevait un script avant chaque enregistrement.
À un moment donné, il était prévu de l'emmener en avion aux États-Unis pour un événement, mais cela ne s'est jamais produit. On lui a également fourni un costume en laine et cachemire, deux chemises d'affaires, deux cravates et une paire de chaussures pour le rôle. Harrison affirme que le tournage avait eu lieu dans des studios improvisés à Bangkok, notamment dans un appartement du quartier d'Ekkamai et, plus tard, dans la tour Empire à Sathon. Il a ajouté qu'il n'avait aucun contrôle sur le compte Twitter géré sous le nom du faux chef d'entreprise ni sur les messages de soutien au projet obtenus de la part d'un groupe de célébrités.
Steve Wozniak, cofondateur d'Apple, et l'acteur Chuck Norris figuraient parmi ces célébrités. Harrison a confié qu'après avoir renouvelé son contrat à deux reprises, de septembre 2021 à juin 2022, il a demandé que le compte Twitter soit fermé. L'enquête a confirmé que la date de sa dernière fiche de paie coïncidait avec la dernière date à laquelle le compte Twitter était actif. Cependant, le témoignage d'Harrison, qu'il soit vrai ou pas, est critiqué par de nombreuses personnes. Certains critiques affirment, à tort ou à raison, qu'Harrison avait des doutes sérieux, mais a préféré se remplir les poches plutôt que de dénoncer ce qui se jouait devant lui.
Vendredi, une personne appelée Rodney Burton a été arrêté et inculpé aux États-Unis pour son rôle présumé dans HyperVerse. Des documents judiciaires allèguent qu'il faisait partie du réseau qui a fait les "présentations promotionnelles frauduleuses" à des investisseurs et à des investisseurs potentiels. Il a été inculpé d'exploitation et de conspiration en vue d'exploiter une entreprise de transmission de fonds sans licence. C'est la première fois que des accusations sont portées contre des personnes impliquées dans le système HyperVerse.
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Comment cette mise en scène a-t-il pu passer inaperçue auprès des régulateurs jusqu'à l'effondrement d'HyperVerse ?
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