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Désinformation : des associations alertent sur le risque posé par une exemption de modération pour les médias
Estimant qu'elle pourrait profiter à des acteurs malveillants se déclarant « médias »

Le , par Stéphane le calme

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La lutte contre la désinformation en ligne est un enjeu majeur pour la démocratie. Mais comment garantir la liberté de la presse tout en empêchant les fausses informations de se propager sur les plateformes numériques ? C’est le dilemme auquel sont confrontés les législateurs européens, qui travaillent actuellement sur une clause d'exemption de modération des médias.

Une clause d’exemption de modération est proposée pour les médias qui figurent dans la législation sur la liberté des médias, aussi appelée European Media Freedom Act (EMFA). Cette proposition de législation est examinée actuellement par les États membres de l'UE et le Parlement européen.

L’exemption pour les médias avait déjà été proposée en tant qu’amendement pour le Digital Services Act (DSA), une autre législation européenne, adoptée en juillet 2022. Qualifiée par la vice-présidente de la Commission européenne Vera Jourova de « bonnes intentions qui mènent en enfer », l’exemption avait été rejetée par les législateurs européens.

Concrètement, selon cette proposition, les grandes plateformes comme Facebook ou Twitter doivent informer les médias avant de supprimer ou de restreindre leurs contenus, afin de leur laisser la possibilité de contester la décision. L’idée est que les plateformes numériques envoient une notification aux médias concernés par des décisions de suspension ou de restriction de contenu pour leur laisser un délai de contestation de la décision.

L’objectif est de protéger la liberté d’expression et le pluralisme des médias, qui pourraient être menacés par une censure arbitraire des plateformes. Les éditeurs de presse craignent en effet que leurs contenus soient injustement sanctionnés par des algorithmes ou des modérateurs qui ne respecteraient pas les règles déontologiques du journalisme.

Quelques mois après le DSA, l’EMFA opère un revirement. L’une des mesures envisagées impose aux plateformes d’envoyer une notification aux médias concernés par une décision de suspension ou de restriction de leur contenu ou de leurs comptes, et de leur fournir un délai pour contester cette décision. La France soutient cette mesure.

Cela peut sembler pertinent de prime abord. La liberté de la presse étant absolument essentielle, elle ne devrait pas être soumise à l’arbitraire des plateformes en ligne.


Une exemption controversée

Mais cette exemption est vivement critiquée par des associations de lutte contre la désinformation, qui y voient une « fausse bonne idée ». Dans une lettre ouverte adressée à la ministre de la Culture Rima Abdul Malak, le groupe #jesuislà, l’Institute for Strategic Dialogue, AI Forensics et AlgoTransparency estiment que ce mécanisme de notification préalable va « probablement conduire les plateformes à limiter leurs actions de modération ».

Pour illustrer la raison pour laquelle ils estiment que la clause d'exemption de modération des médias est discutable, ils ont évoqué une image reprise par plusieurs médias de Marlène Schiappa :

Début avril, plusieurs médias – dont le quotidien italien La Stampa – publiaient une photo de Marlène Schiappa, censée être la une à venir de Playboy. Sauf qu’il s’agissait là d’un fake. Si des médias dits traditionnels ont pu être induits en erreur par un montage grossier, qu’en sera-t-il face à des contenus texte, image, audio, ou vidéo créés par des intelligences artificielles génératives de plus en plus sophistiquées ? Ces faux contenus se multiplient dernièrement sur Internet et les réseaux sociaux, comme l’illustrent, par exemple, les productions particulièrement impressionnantes de la dernière version de l’IA Midjourney.
Selon eux, point n'est besoin de prévoir une telle clause, car « les cas de modération abusive de contenus journalistiques par les plateformes sont très rares » et généralement corrigés assez vite, tandis que « les cas de sous-modération de contenus faux ou haineux restent extrêmement nombreux » :

En effet, le coût et le temps associés à la mise en œuvre de ce mécanisme de notification préalable à l'examen des contenus vont probablement conduire les plateformes à limiter leurs actions de modération. Dans un contexte où plusieurs plateformes licencient en masse leur personnel et limitent leurs dépenses en matière de modération, ce statut spécial s’apparente finalement à une exemption de modération pour les médias.

Dans la pratique, les cas de modération abusive de contenus journalistiques par les plateformes sont très rares. Ils sont en général bien vite corrigés, et le DSA offrira même de meilleurs recours pour les utilisateurs. En revanche, les cas de sous-modération de contenus faux ou haineux restent extrêmement nombreux.
Ils s’inquiètent également que l’exemption profite à des acteurs malveillants qui se déclareraient « médias » auprès des plateformes pour échapper à toute régulation.

De plus, l’EMFA permet à n’importe quel acteur de se déclarer « média » auprès des plateformes. Or, le fait que de nombreux médias diffusent délibérément de la désinformation ou propagande d’état, visant parfois à déstabiliser nos sociétés démocratiques, n’échappe aujourd’hui à personne.

Ils appellent donc à renoncer à cette exemption, qui avait déjà été abandonnée lors de l’élaboration du DSA.

Des médias bien établis ne sont d’ailleurs pas à l’abri. BFM fait actuellement l’objet d’une enquête pour soupçons d’ingérence étrangère. De son côté, Valeurs Actuelles a relayé une campagne de manipulation sur le CICR (Comité International de la Croix Rouge) au Sahel.

À l’international, les médias propageant de fausses informations sont également légion. Ainsi, 750 médias dans 116 pays ont relayé une campagne de désinformation indienne. En Hongrie, 80% des médias sont aux mains de proches du pouvoir. Véritables organes de propagande, ils désinforment et attisent la haine sans entrave. En Pologne, la chaîne publique TVP a mené une campagne de désinformation ayant entrainé des menaces de mort contre une journaliste bruxelloise.

À peine entré en vigueur, le DSA, qui vise à garantir une plus grande modération des contenus haineux et de désinformation, semble déjà menacé. L’exemption pour les médias vient mettre en péril tout ce qui a été bâti de haute lutte. Nous comptons sur Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, qui s’est déclaré « gardien du temple du Digital Services Act », pour prendre le sujet à bras-le-corps.

Nous soutenons la législation européenne pour la liberté des médias. Oui, le pluralisme et l’indépendance des médias doivent être défendus. Le travail des médias et des journalistes, nécessaire au bon fonctionnement de la démocratie, doit être protégé de la censure et des pressions politiques. Mais pas de cette façon-là. Le remède ne doit pas être pire que le mal.
Ils se réfèrent à l’appel lancé en septembre 2022 par les prix Nobel de la Paix Maria Ressa et Dmitry Murtov, qui ont demandé à « protéger la liberté des médias en coupant court à la désinformation en amont », notamment en veillant à ce que « les nouvelles législations sur la technologie et les médias » ne prévoient « aucune dérogation ou règle spéciale concernant une quelconque organisation ou personne ».

Maria Ressa et Dmitry Muratov, lauréats du prix Nobel de la paix, défenseurs du journalisme et de la liberté d'expression au péril de leur vie, s'opposent également fermement à cette exemption. En septembre 2022, ils ont appelé les gouvernements à « protéger la liberté des médias en coupant la désinformation en amont. Cela signifie qu'il ne devrait pas y avoir d'exemptions ou de dérogations spéciales pour une organisation ou un individu dans toute nouvelle technologie ou législation sur les médias. »

Nous demandons donc au gouvernement français, et en particulier à Madame la Ministre de la Culture Rima Abdul Malak, de défendre le rejet de l’exemption pour les médias au sein de l’article 17 de la législation sur la liberté des médias (EMFA).
Des arguments qui rappellent ceux évoqués par un collectif d'experts visant à empêcher une telle clause au DSA

Alors que vous débattez de la position du Parlement européen sur le règlement sur les services numériques (DSA), nous vous exhortons à rejeter la proposition formulée in extremis par la commission des affaires juridiques visant à inclure dans ce texte une clause d'exemption pour les médias.

Une exemption pour les médias annulerait des années de progrès dans la lutte contre les discours de haine et la désinformation en ligne, empêchant les très grandes plateformes en ligne de sanctionner, de supprimer ou même d'étiqueter tout contenu provenant d'une publication de presse, qu'une publication diffuse ou non un contenu haineux, manifestement faux ou préjudiciable. Non seulement cela protégerait des milliers de comptes revendiquant des privilèges conférés par le statut de média du DSA, mais cela empêcherait ou dissuaderait les plateformes elles-mêmes de prendre des mesures correctives volontaires.

[...]Une meilleure solution consiste à se concentrer sur le renforcement des dispositions relatives à la transparence, à l'examen des données et à l'application du DSA. Les pouvoirs d'audit en particulier sont essentiels pour s'assurer que soient définies les responsabilités autour des pratiques automatisées de modération de contenus. Les dispositions d'audit devraient être améliorées en permettant à la société civile et aux journalistes d'investigation - pas seulement aux chercheurs - d'accéder aux données de la plateforme pour aider à identifier et atténuer les risques systémiques. En outre, les plateformes ne devraient pas pouvoir invoquer le secret lié à la sécurité ou le secret commercial comme excuse pour ne pas accorder l'accès aux données qui sont nécessaires pour protéger l'intérêt public.

Sources : lettre ouverte, législation européenne sur la liberté des médias, prix Nobel de la Paix Maria Ressa et Dmitry Murtov

Et vous ?

Que pensez-vous de l’exemption de modération proposée pour les médias ?
Que pensez-vous de la solution proposée par le collectif d'experts ?
Selon vous, quel est le meilleur moyen de lutter contre la désinformation en ligne ?
Faites-vous confiance aux plateformes numériques pour modérer les contenus de manière équitable et transparente ?

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