Un récent rapport sur la façon dont les autorités fédérales américaines ont élucidé le vol par James Zhong de 3,4 milliards de dollars en cryptomonnaies affirme que les États-Unis ont craqué l'anonymat du bitcoin. Le rapport suggère que les enquêteurs fédéraux peuvent désormais identifier les adresses de portefeuilles associés à des terroristes, des trafiquants de drogue, des blanchisseurs d'argent et des cybercriminels, qui étaient tous censés être anonymes. Cependant, le rapport a été fortement critiqué par les initiés du secteur qui affirment que la plupart des cryptomonnaies, en particulier le bitcoin, n'ont jamais été "anonymes", mais elles sont plus qualifiées de "pseudonymes".
L'histoire est celle de James Zhong, un Américain qui a orchestré, entre fin 2012 et 2021, le vol et la dissimulation de plus de 50 000 bitcoins d'une valeur totale estimée à 3,36 milliards de dollars. Il avait découvert une faille sur Silk Road, un marché en ligne utilisé pour dissimuler des transactions criminelles. Zhong, étudiant en informatique à l'université de Géorgie à l'époque, utilisait le site pour acheter de la cocaïne. Après le premier retrait frauduleux, Zhong a créé de nouveaux comptes et, en quelques heures de travail, a volé 50 000 bitcoins d'une valeur d'environ 600 000 dollars à l'époque. Silk Road a été fermé un an plus tard et le propriétaire a été condamné à vie.
Pendant au moins huit ans, Zhong a transféré les bitcoins volés d'un compte à l'autre afin de brouiller les pistes. Et fin 2021, le marché des cryptomonnaies, en pleine effervescence, a porté la valeur de son trésor à 3,4 milliards de dollars. Arrêté en 2021, Zhong a plaidé coupable de fraude électronique fin 2022 et devrait être condamné cette semaine par le tribunal fédéral de New York, où il risque une peine deux ans. L'histoire aurait pu s'arrêter là, mais un récent rapport du Wall Street Journal (WSJ) est revenu sur l'enquête qui a abouti à l'arrestation de Zhong, affirmant que les autorités américaines ont réussi à craquer l'anonymat dont jouissait le réseau bitcoin.
Le rapport note : « les enquêteurs gouvernementaux exploitent une caractéristique du bitcoin et de nombreuses autres monnaies numériques. Chaque transaction est stockée pour toujours dans le grand livre en ligne de la blockchain que tout le monde peut consulter. Depuis le vol de Zhong, les autorités et les entreprises privées ont compilé l'équivalent d'un carnet d'adresses sur la blockchain pour aider l'IRS, le FBI et les autorités locales et des États à enquêter sur les cybercrimes ». Chainalysis, une société d'analyse de la blockchain, affirme avoir cartographié plus d'un milliard d'adresses de portefeuilles, séparant les avoirs légitimes des avoirs douteux.
Chainalysis aurait également identifié les bourses où les cryptomonnaies sont converties en argent liquide. La société serait désormais capable de signaler les sources de fonds à risque pour plus de 1 000 clients, dont l'IRS, le FBI et la Drug Enforcement Administration, ainsi que des banques et des bourses de cryptomonnaies. Selon le rapport, ces avancées compliquent la tâche des criminels qui souhaitent convertir leur butin en argent liquide. Après la publication par des adresses de portefeuilles liés à des escrocs, le rapport estime que plus aucune bourse de cryptomonnaies légitime ne veut faire affaire avec eux, craignant des conséquences juridiques.
Avec les informations sur la blockchain, fournies par des entreprises telles que Chainalysis, les agences fédérales américaines auraient mis en place une vaste opération de surveillance. Ainsi, le rapport affirme que Zhong a commis sa grosse erreur le 16 décembre 2020, en combinant des cryptomonnaies que l'IRS avait liées aux vols de Silk Road avec des fonds légitimes qu'il conservait dans une bourse de cryptomonnaies. Avec ces informations, les autorités se seraient rendues à la bourse de bitcoins qui a géré la transaction. La bourse aurait fourni aux agents du fisc une adresse IP, 45.20.67.1, et le FAI de Zhong aurait confirmé qu'il utilisait cette adresse depuis 2016.
Un mois plus tard, des agents fédéraux ont perquisitionné le domicile de Zhong et ont trouvé les dispositifs de stockage numérique qui ont permis de faire avancer l'enquête. Selon le rapport, les techniques utilisées par les autorités américaines pour élucider l'affaire ont permis de craquer l'anonymat du bitcoin, mais les adeptes du bitcoin réfutent cette affirmation. D'après eux, le fait que les autorités fédérales aient réussi à mettre le doigt sur Zhong ne compromet pas nécessairement l'anonymat de Bitcoin. Ils ajoutent que le fait que le grand public croie à tort que le réseau bitcoin est anonyme est une bête noire de longue date pour les acteurs du secteur.
« Il s'agit peut-être d'un mauvais choix de mots de la part de l'organe de presse, mais les amateurs de cryptomonnaie savent que l'idée de l'anonymat du bitcoin a été réfutée depuis longtemps. Le bitcoin est plutôt pseudonyme et n'offre pas une confidentialité totale, comme celle offerte par les monnaies de confidentialité telles que Monero. Le bitcoin est en fait traçable, même s'il faut admettre qu'il faut un peu d'effort pour identifier quelqu'un. La croissance du marché facilite les choses. L'arrivée d'outils et de processus plus sophistiqués contribue également à cette tendance », affirme un critique du rapport selon lequel le terme "craquer" n'est pas approprié.
« L'idée qu'il existe des traces numériques pouvant être tracées a toujours existé sur le marché. Le bitcoin n'a jamais été anonyme. La seule différence est qu'il est désormais plus facile de le faire, en particulier grâce à l'offre de sociétés telles que Chainalysis », a ajouté ce critique. En effet, selon les experts des actifs cryptographiques, le bitcoin est pseudonyme. Il s'agit d'un terme que les partisans des cryptomonnaies tiennent à souligner. Les adresses de portefeuilles sont simplement des pseudonymes pour le détenteur, et ces adresses peuvent être étiquetées comme suspectes ou autres. Il est possible de retracer l'identité d'une personne par ce biais.
Il existerait des moyens de contourner cette pseudonymie, notamment en utilisant des mélangeurs de bitcoins. Selon les critiques, le gouvernement américain en est conscient et s'est efforcé de fermer les mélangeurs de cryptomonnaies. Toutefois, ils soulignent que la nature de la blockchain en fait un endroit idéal pour stocker des preuves. Les informations stockées dans le grand livre sont immuables et peuvent être retracées jusqu'à leur origine. Pour eux, rien n'est plus faux que de dire que le bitcoin offre l'anonymat.
Source : The Wall Street Journal
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Le , par Bill Fassinou
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