Malgré les négociations en cours entre TikTok et Washington pour tenter de trouver des garanties de sécurités en ce qui concerne les données des utilisateurs américains, la grogne monte contre l'administration Biden. En septembre, le président Joe Biden a annoncé que TikTok resterait accessible aux États-Unis dès qu'un accord raisonnable serait trouvé pour apaiser les craintes en matière de sécurité nationale. À l'époque, Biden avait déclaré qu'il faudrait des mois à son administration pour évaluer tous les risques liés à la conclusion de cet accord. Mais l'accord est décrié et l'administration Biden est accusée d'être laxiste sur le sujet TikTok.
Lors des discussions avec la commission des investissements étrangers aux États-Unis (CFIUS), TikTok aurait accepté de prendre des mesures pour répondre aux préoccupations de sécurité nationale des États-Unis, notamment en stockant les données des utilisateurs américains sur des serveurs américains afin d'empêcher les employés basés en Chine d'accéder aux données américaines. TikTok a déclaré qu'il accorderait à Oracle, basé aux États-Unis, l'autorisation de surveiller les recommandations émises par son algorithme. Il a ajouté qu'il formerait un conseil d'experts en sécurité qui rendrait compte directement au gouvernement américain.
Le sénateur Marco Rubio (R-FL) et le député Mike Gallagher (R-WI) sont deux des principaux détracteurs de l'accord. Dans une tribune libre du Washington Post, ils ont affirmé que tout accord conclu par Biden avec la plateforme chinoise de médias sociaux "compromettrait dangereusement la sécurité nationale". Mardi, les deux ont fait équipe avec le député Raja Krishnamoorthi (D-IL) pour introduire un projet de loi bipartisane au Sénat et à la Chambre des représentants, demandant l'interdiction de TikTok. Ils estiment que c'est le seul moyen d'empêcher TikTok de collecter les données sensibles des Américains pour le compte de la Chine.
L'équipe a ajouté que la législation empêcherait Pékin de censurer le contenu pour influencer les élections, semer la discorde ou même potentiellement "endoctriner" les utilisateurs. « Le gouvernement fédéral n'a pas encore pris une seule mesure significative pour protéger les utilisateurs américains de la menace de TikTok. Nous savons qu'il est utilisé pour manipuler les flux et influencer les élections. Nous savons qu'il répond à la République populaire de Chine. Il n'y a plus de temps à perdre dans des négociations insignifiantes avec une société fantoche du parti communiste chinois (PCC) », a déclaré Rubio dans un communiqué de presse.
« Il est temps d'interdire définitivement TikTok, contrôlé par Pékin », a-t-il ajouté. Le projet de loi, officiellement connu sous le nom de ''Averting the National Threat of Internet Surveillance, Oppressive Censorship and Influence, and Algorithmic Learning by the Chinese Communist Party Act'' ou ''ANTI-SOCIAL CCP Act'', vise à bloquer et à interdire toutes les transactions effectuées par des entreprises de médias sociaux contrôlées ou influencées par des "pays préoccupants". La législation désigne spécifiquement TikTok et son propriétaire ByteDance comme des menaces existantes pour la sécurité nationale des États-Unis.
Toutefois, si elle est adoptée, ses dispositions s'étendront également à toute plateforme de médias sociaux contrôlée par d'autres adversaires étrangers des États-Unis, notamment la Russie, l'Iran, la Corée du Nord, Cuba et le Venezuela. De son côté, TikTok dénonce un acharnement politique et affirme que le projet de loi est contre-productif. L'entreprise a déclaré qu'elle travaillera en étroite collaboration avec l'administration Biden afin de s'assurer que "des millions d'Américains qui utilisent la plateforme pour apprendre, développer leur entreprise et se connecter à des contenus créatifs qui leur apportent de la joie ne perdent pas leur accès".
« Il est troublant de constater que plutôt que d'encourager l'administration à conclure son examen de TikTok en matière de sécurité nationale, certains membres du Congrès ont décidé de faire pression pour une interdiction à motivation politique qui ne fera rien pour faire progresser la sécurité nationale des États-Unis », a déclaré Brooke Oberwetter, porte-parole de TikTok, dans un communiqué, ajoutant que l'entreprise continuerait à informer les membres du Congrès sur les plans qui sont "en bonne voie" pour "sécuriser davantage la plateforme aux États-Unis". Il précise en outre que TikTok n'est pas une menace pour les États-Unis.
Mais ce qu'Oberwetter décrit comme une expérience joyeuse que plus de 100 millions d'Américains ont en utilisant TikTok, Gallagher le décrit dans le communiqué de presse de Rubio comme donnant aux Américains l'accès à "un fentanyl numérique qui rend les Américains dépendants, collecte des foules de leurs données, et censure leurs nouvelles". « Permettre à l'application de continuer à fonctionner aux États-Unis serait comme permettre à l'URSS d'acheter le New York Times, le Washington Post et les principaux réseaux de diffusion pendant la guerre froide », a déclaré Gallagher dans le communiqué de presse.
Le représentant Krishnamoorthi a déclaré que l'accord recherché par Biden serait apparemment trop risqué. Tant que ByteDance est détenue par la Chine, ByteDance pourrait être tenue de fournir des données en vertu de la loi nationale sur le renseignement de 2017, et Krishnamoorthi voit mal comment un accord conclu avec les États-Unis permettrait à ByteDance de contourner la loi chinoise. Il a déclaré qu'il s'inquiète des preuves montrant que TikTok a déjà censuré des contenus auxquels s'oppose le PCC. « C'est un mélange toxique de préoccupations qui, à ce stade, je pense, est largement partagé », a déclaré Krishnamoorthi.
Lors d'une audition le mois dernier, le directeur du FBI, Chris Wray, a déclaré que l'activité américaine de TikTok soulevait des problèmes de sécurité nationale, signalant le risque que le gouvernement chinois puisse l'exploiter pour influencer les utilisateurs ou contrôler leurs appareils. TikTok est déjà interdit sur certains appareils et administrations dans certains États américains comme le Dakota du Sud, le Maryland et le Texas. Lundi, l'Alabama et l'Utah ont rejoint les autres États américains qui interdisent l'utilisation de TikTok sur les appareils et les réseaux informatiques du gouvernement de l'État pour des raisons de sécurité nationale.
Source : Projet de loi (PDF)
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