La mort le 16 septembre de Mahsa Amini, une jeune femme kurde de 22 ans, en garde à vue après avoir été arrêtée par la police des mœurs de l'Iran a suscité un tollé dans le pays et déclenché une vague de manifestations. Pour contrer la menace et empêcher les protestations de gagner tout le pays, les autorités iraniennes ont fait le choix de restreindre l'accès à Internet, voire de le couper temporairement dans certaines conditions. Le groupe de surveillance d'Internet NetBlocks, basé à Londres, a déclaré lundi dernier qu'Instagram et WhatsApp - deux des principaux outils de communication que l'Iran autorise habituellement - avaient été restreints.
« Instagram et WhatsApp, deux des dernières plateformes internationales en Iran, ont fait l'objet de restrictions nationales à partir du mercredi 21 septembre, suivies d'une fermeture des réseaux mobiles à l'échelle nationale. Malgré le rétablissement temporaire du service Internet mobile depuis jeudi matin, les plateformes en ligne sont restées restreintes et la connectivité est intermittente pour de nombreux utilisateurs. L'Internet mobile a été perturbé pour un troisième jour vendredi », a déclaré NetBlocks dans un rapport. Selon ce dernier, cette catégorie de perturbation d'Internet affecte la connectivité au niveau de la couche réseau.
Cela signifie qu'elle ne peut généralement pas être contournée par l'utilisation de logiciels de contournement ou de VPN. Le rapport indique également que d'autres plateformes, telles que Twitter, Facebook et YouTube, sont interdites depuis plusieurs années. Le mercredi 21 septembre 2022, NetBlocks a mis à jour son rapport et a indiqué que les restrictions concernant les plateformes de communication en ligne sont en vigueur à l'échelle nationale et ont été étendues à LinkedIn et Skype pour les jours suivants. Les réseaux mobiles, y compris MCI, le principal opérateur de téléphonie mobile en Iran, ont ensuite été perturbés.
Cela a laissé de nombreux utilisateurs d'Internet complètement hors ligne dans un pays qui dépend fortement des services mobiles. Selon NetBlocks, les perturbations mobiles se sont poursuivies quotidiennement jusqu'à vendredi 23 septembre, à la manière d'un couvre-feu, tandis que les restrictions sur les plateformes sont restées en place. WhatsApp a déclaré qu'elle travaillait pour que les utilisateurs iraniens restent connectés. Mais des utilisateurs d'Instagram ont partagé leurs preuves que le contenu soutenant les protestations iraniennes avait été bloqué par Meta, accusant le propriétaire de Facebook, Instagram et WhatsApp de censure.
Les autorités iraniennes affirment que la police n'a pas agressé physiquement Mahsa Amini pendant sa garde à vue - la police affirme que Mahsa Amini a eu une crise cardiaque et qu'elle est décédée à l'hôpital - mais sa famille a mis en doute ce récit, affirmant que la jeune femme n'avait pas d'antécédents cardiaques et qu'elle avait des bleus sur les jambes. Dans la foulée des protestations, des vidéos montrant des foules acclamant des femmes mettant le feu à leur foulard - obligatoire en vertu des lois sur le hijab du régime clérical - et la police frappant violemment des manifestants, y compris des femmes, ont fait le tour des réseaux sociaux.
Le ministre iranien des Communications a imputé ces perturbations à des raisons de sécurité. Dans le même temps, les autorités iraniennes ont critiqué samedi la décision des États-Unis de faire des exceptions aux sanctions afin d'aider à fournir Internet aux Iraniens pendant les manifestations nationales. « En réduisant la sévérité d'un certain nombre de sanctions en matière de communication - tout en maintenant une pression maximale - les États-Unis cherchent à faire avancer leurs objectifs contre l'Iran », a déclaré le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Nasser Kanaani, cité par les médias d'État.
L'administration Biden a délivré une licence pour assouplir les sanctions sur les services Internet en Iran, estimant que cette décision vise à "soutenir la libre circulation de l'information" pour les Iraniens dans un contexte de manifestations antigouvernementales généralisées. Dans un communiqué de presse vendredi, le département américain du Trésor a déclaré que cette décision faisait suite à la décision des autorités iraniennes de bloquer l'accès à Internet dans le pays afin de perturber les manifestations et "d'empêcher le monde d'assister à la répression violente de manifestants pacifiques".
« Avec ces changements, nous aidons le peuple iranien à être mieux équipé afin de contrer les efforts du gouvernement pour le surveiller et le censurer », a déclaré le secrétaire adjoint au Trésor, Wally Adeyemo, dans le communiqué. De son côté, Signal, une application de messagerie fortement chiffrée également bloquée dans la nation islamique, tente d'aider les Iraniens à contourner la censure iranienne afin d'accéder de nouveau à l'application de messagerie chiffrée. Signal a lancé un appel aux personnes se trouvant à l'étranger pour qu'elles mettent en place des serveurs proxy après que le service a été interdit en Iran.
Le groupe d'hacktivistes Anonymous participe également à la protestation. Le groupe a annoncé la semaine dernière avoir piraté des sites Web de l'État iranien et plus de 300 caméras de surveillance. Le groupe a lancé une opération contre l'infrastructure en ligne de l'Iran. Baptisée OpIran (Operation Iran), le modus operandi de l'opération comprend des attaques DDoS, des violations de données, des attaques d'ingénierie sociale, des tutoriels rapides sur la manière de déjouer la censure de l'État en utilisant le navigateur Tor, et d'échapper aux arrestations par la police.
Certains comptes d'Anonymous ont affirmé avoir mené des attaques destructrices sur des sites iraniens de premier plan, notamment en supprimant les bases de données associées au site du porte-parole du gouvernement, bien qu'aucune preuve n'ait été fournie à l'appui de ces affirmations. Depuis le lancement d'OpIran, Anonymous a revendiqué une série d'attaques DDoS contre des institutions publiques iraniennes. Parmi celles-ci, citons les suivantes :
- le portail du gouvernement national d'Iran (Iran.gov.ir) ;
- le site Web officiel de la Banque centrale d'Iran (Cbi.ir) ;
- le site officiel du bureau du porte-parole du gouvernement (Dolat.ir) ;
- le site officiel d'Ali Khamenei, le Guide suprême de l'Iran (Khamenei.ir) ;
- le site officiel de l'agence de presse d'État iranienne IRIB News Agency (Iribnews.ir).
Enfin, il faut également noter que l'Iran a été confronté à une série de perturbations du réseau ces dernières années, certaines étant attribuées à des facteurs externes, d'autres au contrôle de l'information par l'État ou à des fermetures ciblées d'Internet. Notamment, en novembre 2019, l'Iran a fermé l'accès à Internet à l'échelle nationale au milieu de vastes manifestations publiques. Dans ce cas, les utilisateurs ont progressivement retrouvé l'accès, la connectivité ayant été rétablie de manière sélective après une semaine de coupures quasi-totales.
Sources : NetBlocks, communiqué du Trésor américain
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