Dans le but de lutter contre la radicalisation en ligne, l’Union européenne a adopté depuis le 29 avril 2021, un règlement relatif à la lutte contre la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne. Selon les dispositions de ce règlement, les autorités compétentes des États membres sont habilitées à émettre des injonctions contraignant les fournisseurs de services d’hébergement à supprimer les contenus à caractère terroriste ou à en bloquer l’accès dans tous les États membres dans un délai d’une heure après le signalement du contenu terroriste. Cette loi qui devait être validée par chacun des 27 pays de l’Union européenne vient d’être adoptée en France par le Conseil constitutionnel depuis quelques jours et publiée au journal officiel depuis hier. Bon gré mal gré, les détracteurs de cette loi devront s’y conformer.
Quelques inquiétudes avancées
Dans son essence, cette loi suscite de l’opposition auprès de nombreuses parties. Dans un premier, elle pourrait accentuer la domination des grandes entreprises comme Facebook ou Google qui disposent de moyens appropriés pour gérer la modération sur leurs plateformes. Ainsi, les petits sites ou plateformes qui n’ont pas les moyens de répondre rapidement et efficacement après saisine n’auraient d’autres choix que de mettre la clé sous le paillasson, soutient la Quadrature du Net. En outre, plusieurs organisations des libertés d’expression s’inquiètent de la censure en masse que pourrait occasionner cette loi et soulignent au passage qu’elle ne fera que museler à tort de nombreuses personnes sur la toile.
La nouvelle loi de retrait ou blocage de contenu terroriste : que faut-il retenir ;?
Face à la problématique de la liberté d’expression soulevée par plusieurs organisations et même des députés, le Conseil constitutionnel s’est penché sur la question en déclarant au soir de son analyse ce qui suit : « ;aux termes de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ;».
Le Conseil constitutionnel rappelle que l’article 34 de la Constitution fixe les règles concernant... les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques. Sur ce fondement, soutient l’organe de l’État, « ;il est loisible au législateur d’édicter des règles concernant l’exercice du droit de libre communication et de la liberté de parler, d’écrire et d’imprimer. Il lui est aussi loisible, à ce titre, d’instituer des dispositions destinées à faire cesser des abus de l’exercice de la liberté d’expression et de communications qui portent atteinte à l’ordre public et aux droits des tiers. Cependant, la liberté d’expression et de communication est d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il s’ensuit que les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi.
Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent pas la liberté d’expression et de communication. Par conséquent, ces dispositions, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution ;».
Selon les dispositions de cette nouvelle loi, les hébergeurs et sites internet devront retirer ou bloquer tout contenu terroriste reconnu comme tel par l’organe désigné à cette fin dans un délai d’une heure après l’injonction. En la matière, l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC), qui dépend de la direction centrale de la police judiciaire, est l’organe désigné pour émettre les injonctions nationales de retrait ou de blocage dans le cadre du règlement. Pour les hébergeurs situés en dehors de l’Union européenne, une personne qualifiée désignée au sein de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom, Ex-CSA) se chargera de recevoir les injonctions et notifier les parties concernées par le contenu terroriste à retirer ou à bloquer. Lors de la saisine d’un hébergeur ou d’un site abritant du contenu terroriste, l’OCLCTIC devra préciser dans l’injonction de retrait ou de blocage adressée à la partie concernée non seulement la référence au type de contenu concerné, mais aussi une motivation suffisamment détaillée expliquant les raisons pour lesquelles il est considéré comme ayant un caractère terroriste.
Ce qu’encourent les contrevenants à cette loi
En cas de non-conformité aux injonctions, les fautifs encourent une peine d’un an de prison et 250 ;000 euros d’amende. Et pour une personne morale, cette amende peut aller jusqu’à 4 % de son chiffre d’affaires mondial en cas d’infractions persistantes. Bien évidemment, un recours est possible. Les hébergeurs ou les internautes à l’origine des contenus, qui contestent une injonction de retrait, pourront déposer un recours en annulation dans les 48 heures devant le tribunal administratif, qui aura 72 heures pour statuer. Un appel pourra être formé dans les 10 jours. La cour administrative d’appel aura alors un mois pour trancher.
Quelques précisions pour rassurer la toile
Cependant, il est clair qu’à ce niveau plusieurs points restent à éclaircir. À ce sujet, le Conseil constitutionnel a tenu à nuancer les contours de cette loi. Déjà, pour ce qui concerne les hébergeurs, la loi stipule que si un fournisseur de services d’hébergement ne peut pas se conformer à l’injonction reçue en raison d’un cas de force majeure, d’un fait qui ne lui est pas imputable ou des erreurs manifestes ou de l’insuffisance des informations que l’injonction contient, ce manquement ne lui sera pas imputé. Ensuite, concernant le contenu terroriste en lui-même, la loi précise qu’il « ;ne peut être considéré comme ayant un caractère terroriste le contenu diffusé au public à des fins éducatives, journalistiques, artistiques ou de recherche, ou à des fins de prévention ou de lutte contre le terrorisme, y compris le contenu qui représente l’expression d’opinions polémiques ou controversées dans le cadre du débat public ;».
Enfin, la personnalité qualifiée, désignée en son sein par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, qui est une autorité administrative indépendante, est obligatoirement informée de ces demandes de retrait et peut, en cas d’irrégularité, recommander à l’autorité compétente d’y mettre fin et, dans le cas où cette recommandation n’est pas suivie, saisir la juridiction administrative en référé ou sur requête qui doit être jugée dans le délai de soixante-douze heures. Ainsi, la détermination du caractère terroriste des contenus en cause n’est pas laissée à la seule appréciation de l’autorité administrative chargée d’émettre des injonctions de retrait.
Mais sera-ce suffisant pour éviter d’éventuelles dérives ;? Cette loi pourra-t-elle véritablement empêcher la diffusion des contenus terroristes en ligne ?
SOURCE : Conseil Constitutionnel
Et vous ?
Selon vous, cette loi permettra-t-elle de régler le problème de diffusion des contenus terroristes en ligne ;?
Quelles solutions préconisez-vous vous lutter contre les contenus terroristes sur la toile ;?
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Le , par Olivier Famien
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