L'année dernière, l'Australie a adopté une loi sur les médias qui obligeait les sociétés Internet comme Facebook et Google à payer pour les contenus d'actualité d'autres éditeurs apparaissant sur leurs plateformes. Les deux entreprises n'étaient pas ravies par la législation et Facebook a fini par empêcher les Australiens d'avoir accès aux contenus d'actualité sur sa plateforme. Quelque temps après, un accord a été conclu entre le géant des médias sociaux, les médias australiens et le gouvernement australien. Mais l'histoire vient de prendre une tout autre tournure en raison d'accusations ainsi qu'une plainte d'anciens employés de Facebook.
S'érigeant comme dénonciateurs, ils affirment que Facebook n'a pas seulement supprimé les pages des éditeurs. Ils accusent également Facebook d'avoir modifié son algorithme l'année dernière pour nuire à la visibilité des pages du gouvernement australien et d'autres organismes publics et privés du pays pour tenter d'empêcher le vote de la loi. Selon des documents qu'ils ont fournis pour étayer ces allégations, Facebook aurait constitué une équipe d'une douzaine d'employés chargés de supprimer les contenus d'actualité en Australie. L'équipe aurait contourné une base de données Facebook existante des éditeurs de nouvelles.
Selon les documents, les employés de Facebook auraient rapidement créé un nouvel algorithme avec une définition des actualités suffisamment large pour englober un grand nombre de pages sans actualités. « Si 60 %, ou plus, du contenu d'un domaine partagé sur Facebook sont classés comme des actualités, alors l'ensemble du domaine est considéré comme un domaine d'actualités », indique un document interne. Ainsi, pendant plusieurs jours, les Australiens n'ont pas pu accéder aux informations des gouvernements et des services de santé ni les partager sur Facebook. Selon les plaignants, le moment était particulièrement mal choisi.
En effet, l'Australie était sur le point de se lancer dans une campagne de vaccination de masse contre la Covid-19. Un certain nombre de responsables australiens de la santé auraient décrié cette décision. « Il est vraiment ironique que Facebook ait permis la diffusion d'informations erronées sur la santé via sa plateforme tout au long de cette pandémie, mais qu'aujourd'hui une grande partie de ces informations erronées restent sur Facebook pendant que les sources d'information officielles sont bloquées. C'est la pire des intimidations d'entreprise », a déclaré à l'époque le Dr Omar Khorshid, président de l'Association médicale australienne.
Selon certaines sources, Facebook aurait reconnu en interne avoir bloqué 17 000 pages qu'il n'aurait pas dû bloquer le premier jour de l'interdiction. « Il était clair qu'il ne s'agissait pas d'un respect de la loi, mais d'une attaque contre les institutions civiques et les services d'urgence en Australie. Facebook a commencé à supprimer les pages le 18 février [2021], après l'adoption d'une première version du projet de loi par la Chambre des représentants, mais avant le vote final de celle-ci et du Sénat australien la semaine suivante », a déclaré un dénonciateur. Facebook aurait ignoré des approches qui auraient pu cibler plus précisément les éditeurs.
Après des jours de protestation publique, le Parlement australien a finalement décidé de négocier avec Facebook et a adopté un nouveau projet de loi plus clément, qui avait le soutien du géant des médias sociaux. Facebook a ensuite annulé l'interdiction. Facebook maintient que le blocage des pages du gouvernement et des soins de santé l'année dernière était accidentel. « Les documents en question montrent clairement que nous avions l'intention d'exempter les pages gouvernementales australiennes des restrictions dans le but de minimiser l'impact de cette législation malavisée et nuisible », a déclaré récemment Andy Stone, porte-parole de Facebook.
« Lorsque nous n'avons pas été en mesure de le faire comme prévu en raison d'une erreur technique, nous nous sommes excusés et avons travaillé pour la corriger. Toute suggestion contraire est catégoriquement et évidemment fausse », a-t-il ajouté. Les documents montrent également que certains des employés impliqués dans ce mouvement ont fait part de leurs préoccupations aux cadres de l'entreprise, mais ces préoccupations seraient tombées dans l'oreille d'un sourd. Il semble que Facebook ait finalement obtenu ce qu'il voulait, des courriels montrant des cadres, dont le PDG Mark Zuckerberg, se félicitant mutuellement.
Le responsable des partenariats de Facebook, Campbell Brown, a qualifié les efforts de l'équipe de "géniaux", tandis que la directrice de l'exploitation, Sheryl Sandberg, a déclaré que "la réflexion sur la stratégie, la précision de l'exécution et la capacité à rester agile au fur et à mesure que les choses évoluaient [établissaient] un nouveau standard élevé". Zuckerberg a salué "la capacité de l'équipe à exécuter rapidement et à adopter une approche fondée sur des principes". Les documents soumis par les dénonciateurs ont été déposés auprès du DOJ et de la commission australienne de la concurrence et de la consommation.
Un certain nombre de membres du Congrès américain auraient également reçu des copies des documents de Facebook. Enfin, notons que la loi australienne contient un amendement qui stipule que le trésorier australien doit prendre en compte les accords privés conclus entre les éditeurs et les plateformes avant de désigner une société telle que Facebook comme une plateforme au sens de la loi, et de lui permettre d'être contrainte à l'arbitrage. En conséquence, plus d'un an après l'adoption de la loi, ni Facebook ni Google n'ont été officiellement désignés comme des plateformes au sens de la réglementation.
Source : Documents internes de Facebook.
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